Chapitre 50: Keryna.

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Avant d'aller à la fête, Demyan voulut donc m'emmener au château pour que nous puissions nous déguiser. Je trouvais l'idée affreuse, mais il m'affirmait que tout se passerait bien, me faisant taire dès que j'ouvrais la bouche pour répliquer. Au fond, je jubilais de pouvoir passer ce moment avec lui. 

Nous passions par la porte principale. Son père n'était pas là, il s'occupait de prononcer son discours pour le départ de ce jour de fête, qui se terminerait à la nuit tombée. Demyan n'accorda pas un regard aux gardes, il se contenta de m'emmener le plus vite possible dans sa chambre, à l'abri des regards. 

Lorsque j'entrais enfin dans sa chambre, je fus surprise par la grandeur et la beauté de la pièce. J'avais l'impression qu'elle avait la taille de ma chaumière. Il y avait un bureau en bois parfaitement poli, un lit immense, un tapis qui recouvrait la moitié du sol... Et la porte sur le mur de gauche m'indiquait qu'une salle de bain devait s'y trouver.

— Eh bien, ça c'est une chambre de roi, ne pus-je m'empêcher de dire.

— Je ne peux pas dire le contraire. Je me suis toujours senti bien ici, c'était mon havre de paix. Jamais mon père n'y est entré.

Mes mâchoires se crispèrent à l'évocation de son père. Toutefois, je ne fis aucune remarque, ce n'était pas le moment. 

— Alors, comment allons-nous faire pour que personne ne nous remarque? demandai-je en m'affalant sur son lit, en appuie sur mes coudes.

Il ne me répondit pas, mais partit fouiller dans son armoire. Il me lança ensuite un horrible chapeau à froufrou et à plume, ainsi que d'une voilette qui me cacherait le visage. 

— Mais qu'est-ce donc? m'exclamai-je avec une fausse mine scandalisée.

— C'est la dernière mode chez les aristocrates Ivraskiennes! Celui-ci appartient à ma sœur, elle laisse tout le temps ses affaires trainer ici. 

Après avoir attaché mes cheveux, qui n'étaient pas des plus discrets, je mis donc le couvre chef sur ma tête. Demyan se mordit la lèvre pour réprimer un éclat de rire, mais lorsque je levais la tête d'un air hautain, il ne put plus rien faire et s'esclaffa. Je me retournais ensuite vers le miroir au cadre d'or à ma gauche et un fou rire me pris à mon tour. J'étais ridicule. Je me demandais comment pouvait-on accepter de son plein grés de porter une chose aussi affreuse.

Pendant cet instant, j'eus l'impression d'être sur un autre monde. Je ne pensais plus à rien. Seulement à Demyan et ses yeux rieurs. 

Ensuite, une fois calmé, il s'habilla d'une cape et rabattu la capuche sur son visage afin de le cacher. Personne ne ferait attention à nous ainsi. Puis il me fit signe de le suivre, et nous sortions par les souterrains. Je prenais note de tout cela dans ma tête, pensant à la bataille qui aurait lieu huit jours plus tard. C'était une aubaine de pouvoir les visiter avant l'heure. Demyan relevait la tête chaque fois qu'un garde nous interpellait, leur affirmant qu'il voulait être discret aujourd'hui.

Nous sortions par une porte qui donnait lieu sur la rue. De nombreux gardes s'y trouvaient également, et je tentais de m'empêcher de penser qu'ils pourraient être tué par l'un des miens. Demyan me prit ensuite la main, ce qui me tira de mes réflexions.

Quelques rues plus tard, l'euphorie des habitants nous rattrapa et nous fumes gagné aussi peu à peu. De la musique sonnait à chaque maison, mêlant la cornemuse  à la vièle, tout en passant par le tambourin. Les ménestrels n'avaient jamais eu l'air aussi heureux. L'ambiance chaleureuse et si festive allégea mon cœur. Sans m'en rendre compte, mon visage venait d'afficher un sourire empli de joie. Demyan s'en rendit compte et déposa un baiser sur ma joue. 

Nous nous promenions dans les rues afin d'atteindre la place principale devant le château, mais le trajet dura de nombreuses minutes en raison du monde qui nous empêchait d'avancer. Je ne m'en plaignais pas, je n'avais jamais été aussi heureuse de baigner dans cette douce euphorie. Tout les habitants avaient revêtu leurs plus belles tenues: Des tenues non trouées pour les pauvres, des vêtements serties de diamant et de broderies pour les plus riches. Mais en ce jour, il n'y avait aucune division. Nous pouvions voir le boulanger du coin discuter avec le plus grand aristocrate de l'île. 

Et puis surtout, les saltimbanques étaient présents. Les plus petits numéros s'exécutaient dans les rues pleines, et les privilégié sur la place que nous voulions atteindre. Je voyais un homme jongler habilement avec des oranges, une femme danser avec des gestes volupteux, un enfant qui avait dressé un oiseaux... Mes yeux pétillaient dès que je les voyais. 

Une fois devant la grande place, qui était noire de monde, Demyan de fraya un chemin. Je me perdais entre les cris joyeux du public, les applaudissements, la musique qui me donnait envie de danser. Puis nous arrivions enfin à voir de plus près les saltimbanque. Demyan me laissa passer devant car il était plus grand qui moi, et il m'entoura ensuite de ses bras. J'aurais voulu que cet instant dure toujours.

Le spectacle de feu qui se déroulait devant moi m'hypnotisa durant plus d'une heure. Je ne pouvais plus détourner mon regard, j'étais captivée. Une homme et une femme, probablement mariés, jouaient avec cet élément si dangereux avec tant de grâce que j'en eu les larmes aux yeux. Ils jonglaient avec des torches en feu, puis la femme passait dans cercle enflammé... Les numéros s'enchainait et la magie ne désemplissait pas.

Ce fut Demyan qui me ramena à la réalité, en me pinçant légèrement le ventre. Je me dégageais avec un petit cri qui le fit rire.

— Tu as faim? s'écria-t-il pour couvrir le bruit. 

Je hochais la tête puis nous nous éloignions à la recherche d'un marchand. Une fois dans les ruelles, je fus soulagé d'être un peu plus au calme. La musique emplissait toujours chaque recoin du centre, mais moins que sur la place. Après quelques instant, je sentis une délicieuse odeur qui éveilla mes papilles. Nous tombions alors sur une rue dont tous les stands étaient pour se restaurer. Mon ventre gronda à la vue de toute cette nourriture. Heureusement, Demyan avait de l'argent sur lui, ce qui n'était pas mon cas. Notre monnaie se constituait en billes de couleur différente. Celle qui avait le plus de valeur était la noire, puis il y avait la bleue, l'orange, la verte et la blanche. Elles étaient parfaitement ronde, plus petite que la taille de mon ongle, et avait un aspect métallisées. 

Demyan échangea quatre blanche contre des ötas, des petits encas à base d'une pâte mélangée à des graines, le tout recouvert d'une fleur qui donnait un gout acidulé. J'en raffolais depuis toute petite. Nous nous installions alors sur une des grandes tables en bois installées sous des tentes blanches qui nous protégeais du soleil.

— Je crois que c'est l'une des meilleurs journées de ma vie, confiai-je à Demyan en fourrant un ötas dans ma bouche.

— Evidemment, puisque je t'honore de ma présence!

Mon sourire s'agrandit encore plus et mes joues se creusèrent pour laisser place à mes fossettes. Je ne pensais pas qu'il était possible d'être autant heureuse. 

Je me souviendrais toujours de cette journée, de cette parenthèse enchantée avant la bataille.

Diadème de cendresOù les histoires vivent. Découvrez maintenant