Diadème de cendres

Chapitre 64: Demyan.

Pira me soutenait tant bien que mal, mais cela ne suffisait pas à me retenir vu mon état de faiblesse. A peine quelques minutes après notre départ de la grotte, je sentais déjà mon corps lâcher. Je faisais pitié, suffoquant et trébuchant à chaque pas, comme si la mort avait finalement décidé de me rattraper. 

— On s'arrête, m'ordonna Pira en m'asseyant contre un arbre. 

Je tentais tant bien que mal de reprendre mon souffle, la gorge sèche et serrée par les larmes qui menaçaient d'arriver. Les yeux fermés, la tête entre mes mains, je luttais pour garder un minimum de contôle sur mes émotions.

— Laisse-moi voir la plaie. 

Elle s'approcha de moi et souleva délicatement mon haut, laissant ma peau à la fraicheur de cet fin d'après-midi. Je me sentis parcouru de frisson. Elle effleura alors la blessure avec des yeux ronds, puis laissa échapper un hoquet de stupeur. 

— On dirait qu'elle est presque cicatrisée... souffla-t-elle. 

Je ne compris pas immédiatement ses paroles, étant encore dans une sorte d'état second. Puis tout me parut si logique. C'était Keryna qui m'avait sauvé, je n'avais aucune idée de comment elle avait réussi un tel miracle, mais cela ne pouvait être qu'elle. Je n'aurais jamais du survivre à cette blessure. 

— Je ne comprends pas, murmura Pira. Je t'assure, il n'y a pas quelques heures tu te vidais de ton sang! C'est incompréhensible. 

Un sourire illumina mon visage, je me sentais déjà mieux. Puis soudainement, alors que la seconde d'avant je me trouvais avec Pira, tout bouscula. Je me retrouvais dans le monde de brume. J'aperçu de suite la chevelure rousse de Keryna, flottant autour de son visage . Son visage laissa transparaître un bonheure intense et elle se précipita vers moi. 

Puis tout s'évanouit. Je me redressai en sursaut, les yeux écquarquillé, ne comprenant pas ce qui venait de se passer. Pira me passa de l'eau sur front pour essuyer la sueur qui dégoulinait sur mon front. 

— Tu vas bien? 

— Qu'est-ce qui s'est passé? lui demandai-je. 

— Tu t'es évanoui, tout simplement. Mais je suis certaine que ce n'est rien de grave. 

— J'ai vu Keryna. Elle était là, devant moi. 

— C'est ce qu'on appelle communément une allucination, railla-t-elle en levant les yeux au ciel. 

Cela ne servait à rien de répliquer, dans tous les cas elle ne me croirait pas. Mais je savais que ce que je voyais était réel. 

— Allons-y, déclarai-je en me relevant. 

Elle me vint en aide, puis nous reprenions notre route vers le chateau. La nuit commençait à tomber sur Ivraska. Je n'arrivais pas à croire que le coup d'état avait eu lieu il y avait à peine vingt-quatre heure, tant de choses s'étaient passées depuis...  Tout cela me parraissait irréel. 

Avant de retourner au chateau, Pira et moi décidions de nous changer, puis de changer de vêtement afin de nous faire plus discret. Ensuite, nous prenions la direction du palais sans trop savoir comment nous allions nous y prendre pour entrer. 

— Tu ne comptes tout de même pas arriver en criant que le héro des Scintillants est de retour, j'espère?

— Je ne suis en rien leur héro, je leur ai juste faciliter la tâche. C'est Keryna qui a tout dirigé. 

Je la vis serrer les dents à l'évocation de notre nouvelle reine. 

— Et pour répondre à ta question, j'espère juste la revoir dans cet autre monde. Sinon, on attendra près du dôme que les Sans-Pouvoir rentrent chez eux. 

— Tu parles de ton peuple comme si tu n'en faisais plus partie... 

Sa pique me provoqua un pincement au cœur. Je ne voulais pas qu'elle pense cela, qu'elle imagine que je les ai trahi, que je leur ai tourné le dos. D'un côté, oui, je les ai trahi, mais ce n'était que pour leur offrir un avenir meilleur. Je choisis de ne rien lui répliquer. Les blessures étaient encore trop à vif dans son esprit pour qu'elle me laisse m'expliquer. Je lui étais déjà reconnaissant de m'avoir emmener loin des Sans-Pouvoir après le duel, et de m'avoir accompagné jusqu'ici. 

Mais c'est en arrivant près du palais que nous comprimes que ma seconde option ne pourrait pas fonctionner. Malgré la nuit bien avancée, des centaines de personnes étaient restées près du dôme. Eclairées par la lumière lunaire, ils dégageaient un calme étrange, après les cris et les protestations qui s'étaient élevées quelques heures avant. 

Je rabattis la capuche de ma cape sur mon visage et baissait les yeux. Il fallait que j'avance, que je fasse le tour du palais pour prendre compte de mes options. Pira me suivit sans un mot. Nous tentions de nous frayer un chemin parmi tous ces gens, provoquant des bousculades et insultes sur notre passage. Je ne m'en occupais guère. Je me contentais de continuer ma route sans un bruit, les yeux rivés sur mes pieds qui foulaient les pavés ocres. Pira me prit ensuite la main et je tressaillis, ne comprenant pas vraiment ce qu'elle faisait. 

— Ne panique pas, chuchota-t-elle. Autant nous faire passer pour un couple, on attirera moins les regards. 

Je hochai la tête malgré mon agacement. Je n'avais nulle envie de ce rapprochement physique, surtout avec elle. Ce fut à ce moment que je me sentis de nouveau défaillir. La tête me tourna, mes jambes flageolèrent, et j'eus seulement le temps de prévenir Pira de mon état que je sombrais une nouvelle fois. 

Keryna apparut. La brume autour de moi commença à se dissiper, et je la vis hésiter avant de m'approcher. 

— Je suis devant le dôme, fais-moi entrer, lui dis-je en toute hâte, ayant peur qu'elle disparaisse de nouveau. Je vais aller vers les jardins, derrière les murailles. Rejoins-moi. 

Elle acquiesça puis tout disparut. 

Je me réveillai un peu à l'écart du dôme, Pira toujours à mes côtés. Je prenais conscience en cet instant de la chance que nous avions eu. 

— Keryna va venir nous ouvrir, il faut qu'on aille près des jardins. 

Sans lui laisser le temps de réagir, je me relevai avec une grimace et repris ma route. Il était grand temps que Keryna et moi soyons réunis. Ce temps était arrivé.