Chapitre 29: Keryna.

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Cela faisait désormais plus d'une semaine que je n'avais pas vu Demyan, une semaine et deux jours pour être précise, et il me manquait. C'était un sentiment que j'avais éprouvé seulement pour ma famille; ce qui avait été rare, étant donné que nous vivions ensemble. Je m'imaginais qu'il pourrait y avoir plus que de l'amitié entre nous, pourtant je savais fort bien que c'était impossible. Il était un Sans-Pouvoir, j'étais une Scintillante. Nous n'étions pas du même monde. Dans quelques semaines, nous allions attaquer le château, alors il connaîtrait ma véritable identité. Et pourtant j'aurais tellement voulu lui dire.

En rentrant des champs, Suran me proposa de m'entrainer et j'acceptai avec joie. Après avoir pris mon épée, je le rejoignis donc dehors. 

— Prête? me demanda-t-il. 

— Comme toujours camarade!

Ces deux phrases, bien que ridicules, étaient un rituel auquel nous ne pouvions pas échapper. Depuis notre plus tendre enfance, nous nous amusions à les répéter, sans même plus savoir d'où cela venait. Ensuite, les hostilités étaient lancées. Je me lançais sur lui et il parait mon coup de son épée. Alors que nos armes s'entrechoquaient chaque seconde, je me sentais heureuse. C'était le seul moment où je maitrisais tout, rien ne pouvait m'échapper. Lorsque je combattais, j'étais comme en transe, parant chaque geste avec précision.

— C'est bon, je capitule, me dit Suran en se baissant, reprenant son souffle.

— Désolé de te battre chaque fois, je sais que c'est difficile d'avoir une sœur aussi douée et merveilleuse que moi!

Avec un grand sourire, il me poussa alors et je tombais à la renverse. Les cheveux parsemés d'herbe verte, je me relevai en riant. 

— Allez rentrons, il va bientôt faire nuit et Yla nous observe depuis tout à l'heure, déclara-t-il en ramassant son épée à terre.

Nous nous dirigions vers la chaumière sous la légère brume qui venait de tomber. Je mis ensuite les couverts, tandis que Suran préparait le repas. Une fois cela fait, nous nous mirent à table avec Pol et Yla.

— Suran, tu vas au marché demain? demanda ma mère en nous servant un bol de soupe.

— Bien sûr. D'ailleurs, il faut que tu te reposes papa, il vaut mieux que tu n'y ailles pas. Tant que tu souffres de ton dos, je préfère que tu restes ici. 

Pol hocha la tête, les sourcils froncés.

— Je veux y aller moi aussi, annonçai-je, pensant qu'ainsi je pourrais voir Demyan.

— Si tu veux, mais Suran te surveillera. Je ne veux pas que tu retournes voir ce Sans-Pouvoir. 

Je lançai un regard noir à Yla, n'arrivant pas à croire qu'elle m'interdise ce genre de chose. De toute façon, je savais que mon frère me laisserait y aller. Je débarrassai donc mon assiette puis partis dans ma chambre.

C'est alors que quelqu'un frappa à ma fenêtre. Je relevai la tête à m'en faire mal au cou et aperçu Egna. Je partis lui ouvrir et découvris son visage déformé par la douleur, les yeux rougis. 

— Qu'est-ce que tu as? Tu vas bien? lui demandai-je en la prenant dans mes bras. 

— C'est ma sœur...

— Qu'est ce qu'elle a? 

— Elle a disparu, gémit-elle, se remettant à pleurer. 

Sous le choc, je me laissai tomber sur mon lit. Je n'arrivais pas à y croire. Egna s'installa à mes côtés, se mouchant sans aucune discrétion.

— Tu en es certaine? 

— Bien sûr. Elle n'est pas revenue hier soir après être sortie de la grotte, et aujourd'hui toujours aucune nouvelle. Ce sont les Sans-Pouvoir! Ces enfoirés l'ont capturé, évidemment! 

— Calme toi Egna, on va la retrouver. Explique-moi calmement ce qui se passe chez les elfes. 

— Les chiffres ne font que s'accroitre. Il y a de nouvelles disparitions chaque semaine. La reine à ordonné une quarantaine, plus personne n'a le droit de sortir. Si elle prend ce genre de précaution, c'est que c'est grave. Je ne sais pas si elle a des informations que nous n'avons pas, mais elle a l'air très inquiète. Si je suis venue, c'est parce que j'avais besoin de te parler. Tu es la seule qui peut m'aider.

— Je ne vois pas vraiment ce que je peux faire. Et puis tu es complètement inconsciente! Sortir est dangereux pour toi, qu'est-ce que tu ne comprends pas? la questionnai-je, tentant de contenir mon énervement.

— Je sais. Je passe la nuit ici si tu veux, mais ce n'est pas ça le problème. Il faut retrouver ma sœur, j'en suis malade de ne pas savoir où elle se trouve. Avec les Sans-Pouvoir, elle ne va pas vivre bien longtemps... 

— Ne dis pas ce genre de chose! Si des elfes sont bien enlevés par des Sans-Pouvoir, ils sont forcément au palais. Nous allons l'attaquer bientôt, alors nous verrons bien.

— Ce sera sans doute trop tard, murmura-t-elle en fixant ses mains.

— Mais on ne peut rien faire pour l'instant, tu le sais aussi bien que moi. La seule chose à faire désormais, c'est que tu restes en sécurité dans la grotte. Tu dors ici ce soir et demain je te ramènerais, c'est d'accord?

Elle hocha alors la tête puis se laissa tomber de fatigue sur mon lit, tandis que je soupirais de mon impuissance.

Diadème de cendresOù les histoires vivent. Découvrez maintenant