Chapitre 56: Demyan.

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Voilà trois heures que nous étions enfermés. Trois heures que les legios étaient morts d'inquiétude. Je les comprenais, et à vrai dire, je devais être aussi inquiet qu'eux. Je pensais à toutes les personnes qui allaient perdre la vie en cette nuit tragique. Les Scintillants se battraient jusqu'au bout pour leur liberté. Et puis, évidemment, il y aurait aussi des Sans-Pouvoir. Je savais que je condamnais des gardes royaux innocents, car certains n'avaient pas choisi d'être là-bas. Je m'en voulais et en même temps je ne regrettais pas mon choix, tout était confus dans ma tête.

Aucun legio n'avait bougé, nous étions encore tous dans le réfectoire. J'étais assis dans un coin, adossé au mur, Pira à mes côtés. Elle posa sa tête sur mon épaule en soupirant.

— Tu penses qu'il se passe quoi? me demanda-t-elle d'une voix enrouée que je ne lui connaissais pas.

— Je ne sais pas. Je ne comprends pas pourquoi les autres îles nous auraient attaqué.

— Ils n'auraient aucune raison, nous n'avons presque aucun lien avec eux. Peut être que c'est juste une fausse alerte.

Je haussais les épaules puis elle se redressa. Son visage était pâle, ses yeux rougis et ses cheveux en bataille.

— Il faut qu'on aille voir, me dit-elle avec une lueur déterminée dans le regard.

— Hors de question, on ne peut pas mettre les autres legios en danger. Pour l'instant on attend, on avisera plus tard. 

— Et tu comptes attendre combien de temps? On ne sais pas ce qui se passe dehors! 

— C'est justement pour ça qu'on ne doit pas sortir, alors ferme-là s'il te plait!

Elle se renfrogna puis croisa les bras.

— C'est peut-être un coup des Scintillants... 

Une sueur froide me parcourut l'échine, j'eus ensuite du mal à déglutir. Elle me dévisagea et je me rendis compte que j'avais sans doute pâlit.

— Non, lui dis-je d'un brut. Les Scintillants n'ont aucun moyen, ils sont trop peu pour tenter quelque chose. Et puis ils ne pourront jamais récupérer leurs pouvoirs, le roi et la reine ont été assassiné dix-huit ans plus tôt, tu le sais bien.

Je dus paraître convaincant puisqu'elle hocha la tête. J'observais ensuite un instant les legios autour de moi. La crainte, la terreur même, étaient inscrites sur les visages. Certains secouaient leurs jambes avec nervosité, d'autres rongeaient leurs ongles... Ils attendaient mais avaient tous la même envie que Pira: Savoir ce qui se passait, même si cela mettait leur vie en danger. Ils avaient besoin de savoir et je savais qu'ils ne tiendraient pas longtemps. Et puis, moi même j'avais hâte de savoir si les Scintillants avaient gagné la bataille. Surtout de savoir si Keryna était toujours en vie. Cette question m'obsédait et me nouait les entrailles. L'attente était interminable.

— Demyan... murmura Pira à mes côtés, les yeux dans le vide. J'ai peur. 

Je ne la reconnaissais pas. Pira ne m'avait jamais fait part de ses peurs, elle était toujours enjouée, ou un véritable roc lorsqu'elle n'allait pas bien. Je la pris alors dans mes bras afin de la réconforter, même si je désirais tout autres bras que les siens.

— Ma famille est en danger, je le sens, il faut qu'on aille les voir, gémit-elle.

— Dans quelques heures, je te le promet. 

Nous restions l'un contre l'autre durant quelques temps, puis je me dégageais d'elle pour aller dans les cuisines. J'avais la gorge sèche et je me doutais qu'il en était de même pour mes compagnons, alors je partis chercher à boire. Une dizaine de legios m'accompagnèrent, puis distribuèrent des bouteilles d'eau. 

Diadème de cendresOù les histoires vivent. Découvrez maintenant