Diadème de cendres

Chapitres 62: Keryna

J'ouvris de nouveau les yeux et vis Suran à mes côtés. Il me caressa la main, et je tentais du mieux possible de cacher ma douleur. Pourquoi ce rêve? Était-ce une sorte d'adieu? Ce moment m'avait paru si réel. Je n'arrivais pas encore à savoir si j'étais encore plus mal, ou si au contraire cela m'avait apaisé. Serait-ce possible qu'il soit encore vivant?

— Où est passé son corps? demandai-je à mon frère.

— Pira l'a emmené, d'après les gardes qui ont assisté à la scène.

— Que s'est-il passé? Comment est-il... parti?

— Pira a compris qu'il était responsable du déclanchement de l'alarme, elle l'a donc provoqué en duel. Mais elle n'a pas pu se résoudre à le tuer. Alors un autre Sans-Pouvoir a décidé d'achever le travail à sa place. Sa Seconde a complétement vrillé ensuite, elle a éloigné tous ceux qui tentaient de s'approcher de lui, puis elle a emmené son corps dans la foret.

Malgré ma rage envers Pira qui me faisait trembler, je ressentis au fond de moi une lueur d'espoir. Et si Demyan était bien vivant? Je voulais m'y accrocher de tout cœur pour ne pas sombrer.

— Je suis sûr que Demyan est vivant alors, personne n'a pu constater son décès.

— Keryna... Arrête. Tu ne dois pas te laisser bercer par des illusions, il faut que tu acceptes sa mort, même si ça te parait impossible. Il s'est pris une dague dans la poitrine, les gardes l'ont vu se vider de son sang...

J'eus l'impression de me recevoir une énième gifle dans la journée. Je sentais le couteau remuer dans la plaie, profondément dans mon âme, ce qui me provoqua un haut-le-cœur.

— Repose-toi maintenant. Ton malaise était bénin, mais il faut que tu dormes un peu. Appelle-moi si tu as besoin.

Il pressa ma main dans la sienne puis se leva. Lorsque je fus enfin seule, je m'enroulai dans ma couette et tentai de reprendre mes esprit. J'étouffai la plainte douloureuse qui grandissait en moi, me concentrant sur l'espoir que j'avais malgré les conseils de Suran. Je préférais me concentrer sur cela, plutôt que d'affronter la vérité. C'était lâche, oui, mais j'avais besoin de ces barrières pour me protéger. En cet instant, la seule chose que je désirais était un somnifère puissant pour m'échapper à la réalité. Je voulais juste arrêter de souffrir.

Demyan était vivant, je ne pouvais pas expliquer pourquoi je le ressentais aussi intensément, mais j'en avais désormais la certitude. Ce rêve, cette vision, ou peu importe ce que c'était, j'étais certaine de l'avoir vécu. Demyan et moi nous étions réellement retrouvé durant ce bref instant. Une fois certaine de cela, je tentai de trouver le sommeil, ayant grand espoir de le retrouver dans cet état d'inconscience. 

Ce fut en vain. Je dormis, longtemps d'après Yla qui me réveilla, mais je ne vis pas Demyan. Frustrée et meurtrie, je n'eus pas le courage d'avaler ce que ma mère m'avait apporté.

— Ma chérie? Tu es sûr que tu ne veux rien manger? 

Je remuais la tête, rapprochant mes genoux pour les coller sous mon menton. Puis une idée me vint. Il fallait que j'en ai le cœur net, que je parte à la recherche de Pira, et donc de Demyan. Je devais les retrouver. 

Je sortis d'un bond de mon lit, attrapait ma veste posée sur une chaise, puis partais malgré les protestations d'Yla. Je traversai le château, puis les jardins, sous le regard interrogatifs de tous les Scintillants qui me croisaient. 

— Kery, arrête! s'exclama Suran derrière moi alors que j'atteignais le dôme de glace. 

— Il est vivant, Demyan, j'en suis certaine. Il faut que j'aille le retrouver, il a besoin de moi! 

Il se précipita sur moi puis me prit dans ses bras. Je sentis un poids tomber ma poitrine sans pouvoir expliquer pourquoi. 

— Arrête, tu es dans le déni complet, me dit-il en me regardant dans les yeux. Demyan est mort. 

Il aurait autant pu me frapper, cela m'aurait fait beaucoup moins mal. Ces trois mots étaient insupportables à entendre. Je me dégageais de lui d'un brusque coup d'épaule, jusqu'à ce qu'il me rattrape et me prenne par les poignets. 

— Ne va pas mettre ta vie en danger, on a tous besoin de toi ici. 

— Tu me fais mal, crachai-je.

— Kery, ma petite sœur adorée, tu sais comme je t'aime. Tu sais que ta vie vaut plus que la mienne à mes yeux, et que je donnerai tout pour toi. Te voir malheureuse me déchire le cœur, et  je suis désolée si mes propos t'ont blessé, mais je me devais de te le dire. Laisse-moi juste t'aider. 

— Tu ne comprends rien! hurlai-je en me dégageant. Il est tout pour moi, et je sais qu'il n'est pas mort! Je l'ai vu, je sais que c'était réel. On était dans une autre dimension, mais tout était vrai. 

Il m'observa pendant quelques secondes comme si j'étais folle. Je lisais de la pitié dans son regard, et c'est cela qui me fit le plus mal. Il ne me croyait pas. 

— Peut-être... Peut-être que c'est mon don qui se manifeste? murmurai-je. 

— Non, je n'ai jamais entendu parler d'un tel pouvoir.

— Mais si, je dois être une guérisseuse!

— Ce n'est pas possible, les guérisseuses doivent être à côtés des patients. C'est un pouvoir physique, pas spirituel. 

Je ne l'écoutais plus, je savais, je sentais que cela avait un rapport avec mon Don. Je ne savais encore pas lequel, mais les deux étaient liés.

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((Je ne voulais plus penser à rien.  Cela faisait deux jours que j'avais appris la mort de Demyan, et malgré mes pleurs et ma douleur, je n'arrivais toujours pas à y croire. 

L'enterrement avait lieu dans une heure dans les jardins royaux. Je voulais qu'il repose près de moi, et de toutes façons nous n'avions guère plus d'options. Je me préparais donc à assister à l'evenement le plus tragique de ma vie. 

Suran vint me chercher, vêtue d'une chemise chemise bleue. Cette couleur était celle du deuil sur Ivraska, elle simbolisait le voyage du défunt, de son âme, vers le ciel. 

— Je sais qu'aucun mot ne soulagera ta douleur petite soeur, mais sache que je suis là pour toi... murmura mon frère en me prenant dans ses bras. 

Je lui rendis son étreinte avec force, m'accrochant à lui comme pour échapper à tout cela. Heureusement que je l'avais, je n'étais rien sans lui, et il était la seule personne qui me rattachait à la vie. 

Depuis le décès de Demyan, il avait pris les commandes de l'opération. Il s'occupait de tout ce que j'aurais du faire. Il aidait les elfes à se remettre de leur calvaire, tentait de faire capituler le roi, rendait visite aux blessés... Il gérait tout cela à la perfection, pendant que je m'appitoyais sur mon sort et veillait sur le corps de mon bien aimé. 

— On doit y aller, me dit-il. 

J'acquieçais, puis il me prit la main pour m'emmener dans les jardins. 

Une fois là-bas, je vis qu'une petite foule s'était receuilli autour du cerceuil. Tous étaient des Scintillants venus là dans l'unique but de me montrer leur soutien. Cela me touchait tout autant que cela m'agacait. Aucun n'était vraiment attristé par la mort de Demyan. 

Je m'avançais ensuite jusqu'au premier rang, puis les rites Scintillants commencèrent. Demyan était athé, comme tous les Sans-Pouvoirs, mais il avait fait beaucoup pour mon peuple alors c'était ma façon de lui rendre hommage. La tradition voulait que chacun crée une fleur de glace et la jette lors de la mise en terre, mais j'en étais incapable. Ce fut donc Yla qui créa pour moi cela.

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