Chapitre 63: Demyan.

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Je me réveillai avec un mal de tête affreux qui me vrillait le crâne. Ouvrir les yeux fut un supplice, et je ne voyais presque rien. La lumière éclatante troublait ma vision jusqu'à ne plus rien voir. Puis peu à peu, j'aperçus des couleurs, pour laisser place ensuite à des formes plus précises. A première vue, j'étais dans une grotte. Je reconnus de suite la silhouette qui était à mes côtés, même si je ne distinguais pas bien ses traits. Pira. Elle me tournait le dos, recquroquevillée sur elle même, ses cheveux ébouriffés par le vent vent. 

— Qu'est-ce qu'on fait là? lui demandai-je d'une voix pateuse. 

Elle se retourna d'un coup, prenant mes mains dans les siennes. 

— Reste allongé, tu as besoin de repos, murmura-t-elle. 

La vision se précisa alors, et je vis la terre et le sang dont nous étions tous deux recouverts. C'est alors que tout me revint. Le coup d'Etat, le duel, le coup de poignard... Et après, ce rêve étrange où Keryna et moi nous étions retrouvé. Je confondais rêve et réalité, tout était confus dans mon esprit.

— Qu'est-ce qui s'est passé? Ne me mens pas. 

— J'ai fait n'importe quoi, soupira-t-elle. Je te detestais, et par haine et par jalousie, j'ai vraiment voulu te tuer. J'ai encore du mal à croire que tu ai pu nous faire ça, mais tu restes une des personnes dont je suis le plus proche sur cette planète. Je ne pouvais pas tu tuer. Alors quand Yulio t'as attaqué, je n'ai pensé qu'à une chose: te sauver. Mais tu ne respirai déjà plus et ton coeur ne battait presque plus. Je t'ai tout de même enmmené loin d'eux, je t'ai prodigué des soins, puis soudainement, ton souffle et ton coeur sont repartis. C'était un souffle rauque, saccadé, mais tu vivais. Je n'ai pas compris ce qui s'est passé, tu étais presque mort! 

J'avais eu de la chance. Beaucoup de chance. Plus j'y réflechissais, plus je ne pouvais y voir qu'une force surnaturelle. Avant de voir Keryna dans cet autre monde, je me souvenais d'un univers de ténebres, puis d'une main tendue que j'avais saisie. "Quelque chose" s'était produit, mais je ne savais pas quoi. 

Les yeux fermés, pensant à beaucoup trop de choses à la fois, je tentais de mettre de l'ordre dans ma tête. J'aurais voulu savoir ce qui se passait au chateau, dans la ville. Mais surtout, je voulais revoir Keryna. Etre loin d'elle était une souffrance infinie. Je désirais simplement la prendre dans mes bras, lui dire tout ce que je ressentais, et surtout vérifier qu'elle allait bien. Je ne supportais pas d'être loin d'elle en ce instant. Nous avions tous deux bien trop besoin de l'autre. 

— Demyan? m'interpella Pira, m'interrompant dans mes reflexions. Pourquoi tu as fait ça? 

— Ce n'était plus possible... Plus rien n'allait dans le royaume, et si tu ne t'en étais pas rendu compte, c'est seulement parce que tu refusais d'ouvrir les yeux. Les gens préferent souvent se conforter dans des illusions, plutôt que d'être confronté à une vérité qui fait mal. Ca leur évite de se sentir obligé de changer, ou de faire changer les choses. Moi, j'ai préféré agir, parce que les Scintillants ont leur place parmi nous. Et puis, ce n'est pas la question. Keryna est bien plus apte à gouverner que mon père. Il était un tyran, elle est juste et droite. J'ai choisi mon camps. 

Elle ne me répondit pas, mais je sentais sa colère transparaitre dans ses yeux. Elle ne me comprenait pas. De toute façon, je n'avais pas besoin de son accord. Tout était fait désormais et je ne regrettais rien. Et puis, je devinais aisément  les sentiments de Pira à mon égard. Elle était folle de jalousie. Keryna, d'une certaine manière, m'avait éloigné d'elle.

— On doit retourner là-bas, lui dis-je après quelques instants. 

— Ah oui? Vraiment? C'est quoi le but au juste, te faire tuer? Putain mais quand est-ce que tu vas te mettre à réfléchir Demyan? Tu vas te faire massacrer si t'y retourne! Ils te croient mort et c'est pas plus mal... 

— Comment ça? Personne ne sait que je suis vivant?

— T'es désespérant, crétin. Evidement que non! Je n'allais pas me vanter d'avoir essayer de te sauver, ils allaient juste vouloir t'achever.

— Je dois voir Keryna, elle me croit sans doute mort.

Je tentai alors de me relever, vacillant, avant de m'écrouler sur Pira. La douleur lancinante qui me déchira la chair me coupa le souffle. 

— Arrête de faire le con! Ta pauvre princesse a autre chose à faire que s'occuper de toi, alors bouge pas. J'aimerai autant que tu restes en vie. 

— Ferme-là, j'ai l'impression qu'on essaie de m'ouvrir le crâne avec une pierre, vociférai-je en mettant mes mains sur mes oreilles. 

— Désolé... Mais retrouve la raison. 

Je ne l'écoutai pas. Ma priorité était de retrouver celle que j'aimais, et ce n'était pas Pira qui allait m'en empêcher. Et puis, j'avais besoin de savoir comment avançaient les choses. Est-ce que tout se passait comme prévu chez les Scintillants? Quelles étaient les pertes humaines dans les deux camps? Et aussi... Dans quel état était mon père. Je n'arrivai pas à décider si je voulais qu'il aille bien, ou si au contraire je voulais qu'il soit torturé et humilié. Je penchais tout de même plus pour la seconde option. Il restait mon père, mais il restait aussi une ordure, un homme qui ne méritait rien de mieux que de souffrir. Ce ne serait que le juste retour des choses, après tout le mal qu'il avait causé autour de lui. 

Je décidai donc de réitérer ma tentative de me lever, jouant sur ma capacité à encaisser les coups pour ne pas me laisser submerger par la douleur. Une fois debout, la tête collé contre la roche humide et rugueuse, je crus que j'allais défaillir. Mes oreilles bourdonnaient, ma vue s'était de nouveau troublée, et je sentais mes jambes lâcher. Puis au bout de quelques instants qui me parurent durer une éternité, je me sentis un peu mieux. Ce fut à ce moment que j'entendis Pira m'incendier. Je fus presque étonné de son inventivité à me trouver des insultes, même venant de sa bouche, certaines étaient vraiment originales. 

— Combien de fois vais-je devoir te dire de te taire? maugréai-je, les mains encore en appui contre la roche. 

— Tu n'es plus le chef des legios chéri, alors tu vas redescendre un peu et arrêter de me donner des ordres, merci.

— Tu comptes m'aider à atteindre le château, ou je me débrouille tout seul? 

Elle soupira, me regarda avec un haussement de sourcil, puis finit par hausser les épaules avec un claquement de langue. Je la connaissais assez bien pour savoir que c'était une réponse positive. 

— Je te connais, Demyan Vosrys, alors je préfère t'accompagner plutôt que de te laisser risquer ta vie. Et puis, sans moi tu feras un malaise dans moins de cinq minutes.

Elle glissa son bras sous le mien pour me soutenir, tandis que j'arborais un sourire triomphant. J'allais enfin pouvoir être tenu au courant des derniers évènements.




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