53- Désastre

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-Ah, ma chérie, vous voilà enfin ! lance Grana, me glaçant le sang.

Cette phrase raisonne dans ma tête, tandis que j'entends distinctement la voix de ma mère lui répondre. Une voix qui me fait plus de mal que de bien. J'ose pas lever les yeux de mon portable, et je sens tous les muscles de mon corps se crisper.


- 16 mars, 18 : 14 -


[Alerte rouge, ennemi en vue]

[Enfin pas en vue puisque je les regarde pas

mais en présence en tout cas.]

[Tu veux que je vienne ?]

[T'es taré]

[Mais merci]

[J'imagine que c'est un non. Je te jure qui si tu le

fais pas parce que tu penses me déranger je te tue.

Si tu veux partir, dis-le moi.]

[Oui maître, merci maître.]

[Je préfère ça.]



            J'arrive même pas à rire de ce message, et je me contente de soupirer. Quoi qu'il en dise je serais incapable de lui demander ça. Mais ça me fait incroyablement plaisir de savoir qu'il serait capable de faire une heure de route pour venir me chercher. Je soupire de nouveau, me sentant incroyablement faible.


Je finis par relever la tête, mille pensées traversant mon esprit au même moment. Ils sont là, à quelques mètres de moi. Mon cœur me fait mal, et ma gorge se serre. Manquerait plus que je pleure devant eux, maintenant. En deux ans, ils ont tous incroyablement changés. Evan a perdu beaucoup de poids, et j'ai presque l'impression qu'il a... la même carrure que celle qu'avait Ezra, en fait. Il a changé de coiffure, mais aussi de style vestimentaire. Il parait bien moins réservé qu'avant. Son visage carré est plus creusé qu'auparavant, et laisse ressortir ses pommettes saillantes. Je pourrais presque croire que c'est un mannequin célèbre. Il est méconnaissable.

Jonah est toujours fidèle à lui-même, il semble surexcité. Il a l'air beaucoup plus heureux que la dernière fois que je l'ai vu. Sa façon de s'habiller est toujours aussi surprenante, un mélange de chic et de loufoque. Il porte un pantalon à carreaux écossais taille haute, avec un pull rouge rentré dedans, et des converses noires montantes. Quant à ses cheveux, ils sont désormais teints en bleus. C'est maman qui doit être contente. Malgré cela, je trouve qu'il a l'air beaucoup plus mature.

Papa... Papa est resté le même, il a simplement plus de cheveux blancs qu'avant. Peut-être un peu plus de ventre, aussi. Des lunettes sont maintenant posées sur son nez, alors qu'un sourire éclaire son visage. Il a l'air heureux, lui aussi. Et ça me donne envie de pleurer. Parce que tout d'un coup, je me rends compte que pour eux aussi, la vie a continué. Je n'étais plus là, mais ils ont fait avec (ou plutôt sans).

Mes yeux se posent finalement sur ma mère, que je détaille à son tour. Elle... N'a pas l'air aussi heureuse que les autres. Elle sourit, mais j'ai l'impression que son regard est ailleurs. Elle aussi, a beaucoup minci. Elle qui se vantait sans arrêt de ses courbes parfaites, son corps doit lui sembler bien plat, désormais. Ses cheveux bruns sont coupés en un court carré de boucles, qui bouge à chacun de ses mouvements, et elle est un peu moins coquette que dans mes souvenirs.

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