Chapitre 3

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La pluie tambourinait sur le toit de la voiture. Erwan avait l'impression de commencer à reconnaître la route qu'ils empruntaient.
Mais il avait du mal à savoir si cela n'était pas sa mémoire qui lui jouait des tours.

- On va passer une dernière nuit dans un motel, ou un camping. Il nous restera 9 heures de route demain, et on y sera.

- Ok, répondit simplement Erwan, lassé de ne pas avoir de réponse à ses interrogations.

Il faisait jour, et les nuages pluvieux s'étaient dissipés, lorsque les deux frères arrivèrent au lieu de leur dernière étape.
Le motel semblait totalement vidé de visiteurs. Au loin, un couple sorti d'une maison, semblant avoir remarqué l'arrivée de la voiture. Ils vinrent à leur rencontre alors que les deux jeunes sortaient du véhicule.

- Bonjour, commença Mathieu. Auriez-vous une chambre pour mon frère et moi ? Nous devions rejoindre notre famille ce soir, mais le temps nous a ralentis et je compte reprendre la route demain.

La femme lui sourit poliment.

- Bien sûr mes garçons, nous n'avons personne ce soir ! Si vous le souhaitez, vous pourrez venir diner avec nous, le restaurant le plus proche est fermé pour travaux, ça risque de vous faire beaucoup de route !

- Merci Madame. Avec plaisir, Répondit Mathieu en souriant, tout en ouvrant le coffre. Il attrapa le sac qui leur servait de bagage commun.

Erwan plaça ses mains au fond de ses poches et laissa ses yeux explorer les alentours.
Le motel était bordé d'une forêt, inondée des couleurs de l'automne.
Au loin, il lui semblait apercevoir un lac.

- Suivez-moi, je vais vous montrer où vous pourrez vous installer. Vous pouvez même avoir chacun votre ch...

- Une chambre avec deux lits ce sera très bien, répondit Mathieu précipitamment. Cela vous évitera davantage de ménage, et puis, mon frère et moi sommes très proches.

Mathieu avait ri et avait placé son bras sur les épaules de son frère, comme pour appuyer ce qu'il venait de dire.
Erwan se tendit à ce geste, et son frère justifia cette réaction en expliquant qu'il était « timide ».

Ils suivirent le couple qui traversait la cours, et se dirigeait vers le bâtiment le plus au fond. En arrivant dans le hall, toute l'attention d'Erwan fut aspirée par un unique objet. Le téléphone fixe posé sur le comptoir. Il aurait tant aimé, à cet instant, taper les chiffres qu'il connaît si bien depuis des années.
Simplement...il aurait simplement voulu prendre des nouvelles. Mais le simple fait d'y penser lui était interdit. Alors il détourna les yeux et suivi le mouvement vers leur chambre.

L'homme commença une conversation avec Mathieu sur les origines du paysage qu'ils observaient par la fenêtre de la chambre. Ils parlaient de conquêtes, de paysagisme, sujet qui ne passionnait pas le plus jeune des deux frères.
Il restait en arrière, les mains enfoncées dans les poches de son sweat, la capuche sur la tête, écoutant d'une oreille distraite.

- Vous venez de loin ? Demanda la femme dans son dos, le faisant sursauter.

Erwan se retourna vers elle, puis jetant un rapide coup d'œil vers son frère, réalisa qu'il était si passionné par la conversation qu'il ne prêtait plus attention à lui. Il eut alors l'impression de sentir ses muscles se détendre quelque peu, comme s'ils avaient été aux aguets depuis des heures, des jours.

Erwan soupira, comme pour évacuer un stress, avant de retirer sa capuche et de répondre à la femme.

- Il...mon frère et moi, on voyage depuis plusieurs jours. On est... on est en vacances, on voulait faire un road trip entre frères avant que... avant qu'il parte à la fac.

Erwan espérait que ses traits n'avaient pas trahit son mensonge. Il n'avait jamais été très doué pour mentir. Cela peut être une qualité certes, mais dans certains cas, un mensonge peut protéger d'un destin effroyable.

L'adolescent leva les yeux vers la femme, vérifiant sa réaction. Elle souriait, semblait le croire.
Alors, il s'aperçut qu'il ne l'avait pas vraiment regardée depuis leur arrivée. Elle devait avoir une cinquantaine d'années, et était vraiment belle. Elle semblait prendre soin de son apparence. Ses cheveux étaient coiffés, lissés, et sa robe avait été soigneusement repassée. Erwan ne put retenir un hoquet de suprise, lorsqu'il réalisa que la femme en face de lui ressemblait beaucoup à sa mère. Il plaça la main sur sa bouche, par réflexe. Mais la femme ne semblait pas avoir vraiment prêté attention à sa réaction.

- D'accord. Restez autant que nécessaire pour vous reposer. Est-ce que tout va bien ? Tu m'as l'air bien fatigué pour un jeune homme de ton âge. Le voyage se passe bien ?

Elle plissait à présent les yeux et sa tête s'inclinait légèrement sur le côté. Elle donnait à Erwan l'impression qu'elle pouvait sonder ses pensées. Il se précipita alors pour répondre.

- Oui oui. Je suis fatigué parce qu'on a roulé toute la journée, ce...c'est tout.

Il réalisa que son ton avait été un peu sec. Définitivement, le mensonge et lui n'étaient pas en bonne entente.

- Sam, on va aller visiter un peu les alentours. Ce lieu est plein d'histoire !

Les yeux de Mathieu brillaient alors qu'il s'adressait à Erwan avec un pseudonyme.

- Je...désolé, je suis fatigué, est ce que je peux rester dormir un peu ?

Alors que Mathieu s'apprêtait à répondre, certainement pour protester, la femme le devança.

- Evidemment ! ..Sam, c'est ça ? Dit-elle avec un sourire d'une sincérité touchante. Je vais te monter une boisson chaude, si tu veux ?

- Ça ira, mais c'est gentil, merci beaucoup. Erwan esquissa un faible sourire, mais la sincérité que ce dernier transmettait était opposée à celle de la propriétaire du motel.

- Bon très bien. Si tu as besoin de quoi que ce soit, je serais dans le bâtiment en face, dit elle en pointant le doigt vers la fenêtre. Crois-moi tu ne rate rien, dit-elle en riant, ce sont des histoires barbantes pour ton âge !

Mathieu n'avait pas eu le temps de donner son avis, que la femme l'avait déjà poussé hors de la chambre avec son mari.

- Repose-toi bien, souffla-t-elle avant de fermer la porte derrière elle.

Erwan se laissa tomber lourdement sur le lit, et fixa le plafond.
Cette idée ne l'avait pas quitté.
Pour être honnête, cette idée lui rongeait l'esprit depuis qu'ils avaient passé la porte du hall.

Oui, il était épuisé et manquait de sommeil.
Oui, chacun de ses muscles réclamait des heures de repos.

Mais son excuse était fausse.

S'il avait demandé à rester ici, s'il avait demandé à rester se reposer, c'était pour tenter d'accéder coûte que coûte... au téléphone.

SymptômeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant