Chapitre 28

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8h30. Samedi 5 Décembre 2020.

Les premiers rayons du soleil perçaient au travers des carreaux.

Erwan ouvrit les yeux, étonné surtout par le bruit du moteur. Ils s'étaient pourtant arrêtés sur le bord d'un chemin quelques heures auparavant.

Il passa sa main derrière son crâne. Il avait encore une douleur de la blessure que son frère lui avait infligée, mais c'était largement supportable.

Adaline se tourna une fraction de seconde vers lui et un sourire s'installa sur son visage.

- Je n'ai réussi à dormir qu'une heure. Je n'étais pas sereine. Tu dormais si bien que je n'ai pas osé te réveiller, et j'ai repris la route.

Erwan se redressa et s'étira.

- Tu dois être épuisée, dit-il.

- Un peu, mais je préférais mettre à profit mon temps plutôt que d'attendre indéfiniment de m'endormir. Et puis, je ne trouvais pas prudent de rester toute une nuit au même endroit.

Erwan se dit qu'elle n'avait pas tort sur ce point.

- Mais si tu as roulé presque toute la nuit, ça veut dire que...

Il tourna le regard vers la route, et aperçut un écriteau mentionnant la direction de la ville de Toulon, située tout près de chez lui.

- On arrive dans deux heures, Erwan.

Le cœur du jeune se mit à tambouriner dans sa poitrine. Il avait peur de la suite. Mais il essaya de ne pas se laisser happer par ses émotions négatives et sortit le portable de son frère, avant de le déverrouiller.

- Nous irons d'abord à la plage, si ça te va ? proposa Erwan.

Adaline eu l'air étonnée de la proposition du jeune à ses côtés. Il semblait avoir perdu le sens des priorités.

- Tu es sûr que tu ne veux pas passer voir ta famille d'abord ? demanda-t-elle.

- Oui, j'en suis sûr.

Adaline ne répondit rien, et quelques dizaines de mètres plus loin, elle quitta la route pour s'engager sur une aire de repos.

Erwan remit en place sa casquette pendant que la jeune fille garait la voiture. Tous deux sortirent de la voiture, et chacun partit se rafraîchir un peu.

Quand Erwan sortit du bâtiment, il aperçut Adaline qui s'était installée sur une table de pique-nique.

Un peu voyant, non ? pensa-t-il en s'approchant pour la rejoindre.

- Il faut se fondre dans la masse, dit-elle lorsqu'il arriva à sa hauteur, comme si elle venait de deviner sa pensée.

Puis elle plia son genou, et posa son pied sur le banc, laissant apparaitre une plaie au niveau du tibia. Elle saignait légèrement, et Adaline l'essuyait doucement avec une gaze, tout en grimaçant.

- Comment tu t'es fait ça ? demanda Erwan, étonné.

- C'est ridicule, répondit Adaline en souriant. Tu vois la plaque d'égout derrière toi là-bas, près des toilettes femme ? dit-elle en pointant le doigt à l'opposé du parking.

Erwan se retourna.

- Elle n'est pas bien fixée, continua Adaline, ma jambe est passée au travers. C'est super dangereux, ils sont malades de laisser ça là.

Erwan luit offrit une grimace de compassion, et s'installa en face d'elle. C'était une belle aire de repos, pleine de verdure. Il y avait de multiples chemins et beaucoup d'arbres et de plantes variées. C'était un véritable parc.

- Tu en veux ? proposa Adaline en tendant un sandwich à Erwan.

- Où est-ce que tu as eu ça ? demanda Erwan. Tu n'aurais pas le sac d'Hermione Granger, toi ? dit-il en riant.

- Presque, répondit Adaline, amusée. Il y a un distributeur là-bas, gros bêta, annonça-t-elle avant de lui taper la tête avec le sandwich.

Erwan se frotta la tête en se plaignant d'être battu, ce qui ne manqua pas de faire rire à nouveau la jeune fille.

Tous deux croquèrent dans leur sandwich, soulagés de calmer un peu la faim qui les tiraillait.

- Oh, attends, j'ai un gros paquet de chips dans la voiture, dit soudainement Adaline, ne bouge pas, je reviens.

Erwan regarda la jeune fille s'éloigner en direction du parking.

Il ne comprenait toujours pas pourquoi elle avait choisi de l'aider, mais il était vraiment heureux de l'avoir à ses côtés. Sans elle, il n'aurait probablement pas survécu. Un frisson lui parcourut l'échine à cette pensée.

Aux côtés d'Adaline, il sentait qu'il n'était plus le même, et il réalisait peu à peu qu'il s'était attaché à elle. Mais encore une fois, il lui fallait refouler ces sentiments. Bientôt, après être allé voir la police, il ne pourrait plus voir personne, probablement pendant longtemps.

Il observait de loin Adaline qui arrivait à la voiture. Elle se pencha sur le coffre, et se redressa avec le paquet en question. Mais elle ne fit pas demi-tour pour le rejoindre. Elle n'en eut pas le temps.

Deux policiers se trouvaient près d'elle et semblaient lui parler d'un ton sérieux.

Par réflexe, Erwan se leva. Mais il ignorait quoi faire. A cette distance, ils ne pourraient pas le reconnaître. Mais sa casquette pouvait éveiller les soupçons. Le regard toujours fixé sur Adaline, réfléchissant à toute vitesse, Erwan vit la jeune fille faire un geste de main dans son dos.

Il comprit vite : elle lui indiquait de se cacher.

Mais où ? Les arbres étaient parfaitement taillés, il ne pouvait pas y grimper, ou se cacher derrière. Les toilettes étaient un lieu trop évident, et les policiers le trouveraient forcément.

Que faire ? Erwan bouillonnait d'adrénaline. Il devait bouger.

C'est alors que la blessure d'Adaline lui revint en mémoire. C'était à quelques mètres derrière lui, il pouvait réussir à atteindre cette plaque d'égout sans attirer leur attention. Le pouvait-il ?

Il ne fallait absolument pas qu'ils le voient faire, sinon tout serait terminé, et Adaline serait accusée de complicité.

Mais justement, il semblait que la jeune fille les tenait bien occupés. Le sac qu'elle avait laissé sur la table contenait les maigres affaires qu'avait pu garder Erwan, et il n'avait rien laissé dans la voiture. Heureusement, parce qu'un des policiers commençait déjà à fouiller l'automobile, et Adaline semblait s'énerver, sans doute parce qu'ils n'en avaient pas le droit.

Erwan attrapa le sac, passa une jambe, puis l'autre par-dessus le banc, et recula de quelques mètres en gardant les yeux fixés sur Adaline et les policiers. Puis il se retourna et marcha vers la plaque en tentant de garder son calme.

Il avait envie de courir, il avait déjà l'affreuse sensation d'être poursuivi. Une sensation identique à celle que l'on ressent après avoir éteint une lumière, et qu'il faut regagner son lit, sans courir.

Mais il fallait qu'il agisse sereinement s'il ne voulait pas attirer l'attention des policiers.

Faites qu'il laissent Adaline tranquille, pensa Erwan, en arrivant à l'endroit de la plaque.

Il se baissa doucement, et ne put retenir un coup d'œil en arrière.

Les deux policiers parlaient maintenant avec Adaline.

Il n'hésita pas, et souleva la plaque. Elle était plus lourde que ce à quoi il s'était attendu, et il dû la soulever à deux mains. Il la fit glisser sur le sol, et jeta un œil à l'intérieur. A quoi s'était-il attendu ? C'était sombre, et humide.

Digne d'un film d'horreur, pensa-t-il, avant d'attraper le premier barreau de l'échelle et de commencer à descendre. Lorsqu'il était assez bas, il tira la plaque d'égout pour la remettre en place.

Il n'avait plus qu'à attendre et espérer.

SymptômeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant