Chapitre 20

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Erwan tentait encore d'intégrer les mots qu'Adaline venait de prononcer.

La mort... ce mot, cette menace qui avait presque touché son père récemment.

Et voilà que la jeune fille qui se tenait toujours debout face à lui, en larmes, venait de lui avouer que son frère était mort.

Se mêlant au sentiment de culpabilité, la curiosité gagnait à présent l'esprit du jeune homme.

- Je.. je suis désolé Adaline. J'avais peur que... je me méfie de tout depuis que...

- Je sais, ça doit être horrible. Je ne sais pas ce qu'il s'est passé pour toi, ou pour ta famille, et tu ne m'en parleras que si tu en as envie. Mais s'il te plaît, laisse mon frère en dehors de ça.

- Oui, désolé c'est... tu veux me dire comment ... je veux dire... c'était...

- Il a voulu sauver un criminel d'une situation qui lui semblait injuste, annonça sans hésiter Adaline, mais son collègue pensait qu'il était de mèche avec lui, et il a tiré. Il est mort dans les heures qui ont suivies.

- C'est terrible. Je suis désolé pour toi. Ça fait longtemps ?

- l'année dernière, en mai.

Erwan baissa le regard, touché par les mots de la jeune fille, et aperçu les débris à ses pieds.

- Pardon pour la tasse, je ne voulais pas, je me suis laissé emporter.

- C'est bon, je crois que tu as prononcé assez d'excuses pour la soirée. Si j'ai choisi de t'aider à l'aveugle, il fallait bien que je m'attende à des ptits rebondissements non ?

Un léger et discret sourire se dessina au coin des lèvres d'Erwan. Adaline lui semblait d'une honnêteté entière, ce qui la rendait presque drôle. Quelque chose en lui bouillonnait d'envie de lui accorder sa confiance.

- Oh ! Un nouveau sourire ! C'est léger, mais ça fait plaisir ! Tu n'es peut être pas le psychopathe dont parlent les médias alors, dit-elle avec un clin d'œil.

- Quoi ? Le psychopathe ?! D'où est ce que tu sors une chose pareille ??

Adaline semblait décontenancée. Elle était persuadée qu'Erwan s'était tenu informé de tout ce que les journalistes pouvaient inventer.

- Tu n'as pas suivi toutes les hypothèses qu'ils balancent quasiment quotidiennement sur ta famille ?

Erwan repensa à son frère et à son obsession de le couper de tout contact avec le monde extérieur. Rejetant la nausée qui s'empara de lui en repensant à son frère, il décida de donner une vérité simple.

- Je n'avais accès à aucune information.

- Attends, je vais te montrer. Tu vas voir, ils sont vraiment prêts à tout pour attiser l'excitation du public.

Alors Adaline se mit à pianoter sur son téléphone, à la recherche certainement d'un article pouvant démontrer ses propos.

Psychopathe... vraiment ? Où est ce que les médias allaient puiser leurs idées ?

Au loin, Erwan apercevait les premiers rayons du soleil qui se levait. Les premières lueurs du jour se reflétaient sur le lac qui avait attiré le regard d'Erwan lors de sa première venue. C'était à la fois splendide, mais aussi mélancolique. Une nouvelle journée débutait, et il était toujours loin de sa famille, loin de tous ceux qu'il aimait tant.

- Ah ! Voilà, tiens, regarde.

Adaline lui tendit le mobile, surveillant par la même occasion le regard d'Erwan, elle-même à la recherche de réaction de sa part.

« Le mutisme de la jeune fille sème le doute »

« Jane, la sœur jumelle du jeune Erwan, n'a semble-t-il plus prononcé un mot depuis l'évènement. Aux côtés des enquêteurs, les psychologues s'expriment :

« Même si lancer des suppositions est un risque actuellement, nous manquons cruellement d'informations pour retenir des suppositions. Il n'est pas inhabituel qu'entre jumeaux, des sentiments puissent grandir. Cependant, cela ne s'avère pas toujours réciproque, et c'est à ce triste moment que nous découvrons de terribles scènes de viol. La blessure du père pourrait alors provenir du frère qui aurait tenté de protéger Erwan des conséquences de ses actes. Tout cela évidemment reste à l'état de suppositions. »

La vue d'Erwan se brouilla au fil des mots. Une colère dévastatrice était en train de s'emparer de lui. Prit de tremblements, il lâcha brusquement le téléphone avant d'enfouir son visage dans ses mains.

- Pardon, je ne pensais pas que ce serait si dur, expliqua Adaline. Il ne faut pas les écouter, ce sont de gros malades.

Tout en parlant, Adaline posa délicatement sa main sur l'épaule d'Erwan, mais sa réaction fut immédiate, il se leva, tenta de retrouver son équilibre en reculant de quelques pas. Une main en face de lui, vers Adaline, il imposa une distance entre eux.

- Ne m'approche pas. Je... je suis trop énervé. Je ... j'ai besoin d'être seul.

Sans un mot de plus, et sans réfléchir, Erwan tourna le dos à la jeune fille.

- Mais... Erwan... attends !

Erwan avait déjà amorcé sa marche en direction du lac, et malgré les envies contradictoires qui l'habitaient, il
avait choisi d'ignorer l'appel inquiet de la jeune fille dans son dos. Il avait besoin de revoir ce lieu qui l'avait apaisé, il avait besoin de calmer cette rage qui grondait en lui.

Mais il dut s'arrêter lorsque la jeune fille lui tira l'épaule d'un coup sec. Il stoppa sa marche mais regarda le sol, Adaline toujours derrière son épaule.

- Qu'est ce qui t'arrive ? N'écoute pas ce qu'ils racontent, ils sont cons, c'est tout, ils cherchent simplement à buzzer. Sans trop savoir pourquoi, j'ai rapidement sentit que tu étais sincère, et droit. Je le sais que tu n'as pas fait ça.

Mais au fil de ses mots, Adaline sentait une douleur terrible lui ronger la poitrine : elle commençait à douter de son impression première.

Reculant lentement d'un pas, comme par réflexe, Adaline priait pour que son doute ne soit pas fondé.

- Tu ne l'as pas fait ? Tu... n'as pas fait ça, Erwan ?

Fixant le dos du jeune homme qui n'avait pas bronché, Adaline continuait d'espérer que les dires des médias ne soient que pure invention.

Erwan ne put retenir ses mots plus longtemps. Il lui semblait avoir appréhendé tant de fois ce moment. Sauf qu'il pensait qu'il s'adresserait à la police, et pas à une jeune fille qu'il venait de rencontrer. Il avait l'impression de s'être préparé cent fois, et pourtant, la tête basse, et ses larmes se frayant un chemin le long de ses joues, il ne parvint qu'à murmurer ces mots qui faisait de lui-même l'objet de toute sa haine.

- Je ne suis pas totalement innocent.

SymptômeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant