Chapitre 11

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Erwan, avant de se laisser gagner par le sommeil, passa sa main gauche sur les cicatrices qui étaient en train de se former sur sa main et son poignet droits.

Cela faisait deux jours qu'ils étaient arrivés.

Le jeune garçon n'avait pas abandonné l'idée de « s'échapper ». Il cherchait encore un moyen de le faire, sans que son frère ne puisse l'en empêcher.

Il avait pensé sortir et voler la voiture... Erwan avait commencé la conduite accompagnée depuis déjà quelques mois. Le seul problème, c'était de sortir sans alerter son frère, de réussir à atteindre et démarrer la voiture sans se faire remarquer.

Impossible, se disait-il à chaque fois qu'il avait une nouvelle idée de plan en tête.

Erwan avait parfois le sentiment qu'il serait bloqué ici tant que la police ne les trouvait pas.

Mais qu'allait-il se passer ? Comment pouvait-il seulement se projeter, envisager un quelconque avenir ?

Ce qu'appréhendait le plus Erwan, c'était maintenant les réactions de son frère. Il devenait de plus en plus imprévisible.

Il se souvenait que son frère, quelques années auparavant, avait eu quelques périodes de crises où il devenait impulsif et violent. Mais il était trop jeune à ce moment, et pensait simplement qu'il était en colère.

Mais aujourd'hui, le jeune se retrouvait seul face à son frère, sans pouvoir anticiper aucune de ses réactions.

Mathieu avait passé les deux dernières journées à bricoler, réparer des éléments qui leurs seraient utiles pour vivre. Il avait retrouvé de nombreuses boîtes de conserves et aliments secs.
Ils avaient de quoi tenir une semaine ou deux, tout au plus. Erwan avait préféré ne pas vérifier les dates de péremption...finalement, cela n'était pas sa principale préoccupation du moment, quand à côté de cela, il s'agissait de chercher à s'échapper, ou presque de rester...en vie.

Mais au réveil ce matin-là, Mathieu n'était déjà plus dans son lit. Erwan se redressa, émergeant peu à peu d'un sommeil encore et toujours mouvementé. Il vérifia l'heure sur la pendule accrochée au mur. 5h30.

Il se demandait ce que son frère pouvait faire à une heure pareille, et tentait de maîtriser ses pensées qui l'amenaient à croire que son frère avait encore craqué.

Erwan remarqua qu'il tremblait. Il était frigorifié. Il décida alors de se lever et de faire un feu.

S'approchant de la cheminée, il installa deux buches, des brindilles et alluma le tout. Se relevant le temps que le feu prenne, son regard se posa spontanément sur le miroir...ou du moins ce qu'il en restait.

De grands morceaux de verres jonchaient encore le rebord de la cheminée. Ni son frère, ni lui, n'avaient pris le temps de tout retirer.

Il remarqua avec dégout qu'il restait encore quelques morceaux tâchés de son sang.
Il ne parvenait pas à détacher ses yeux des taches rouges.
Brustement, des images s'imposèrent à sa mémoire, celles des terribles derniers instants avant leur départ précipité.

Erwan, par réflexe, plaqua alors une main contre sa bouche, face à la violente nausée qui le gagnait.

Il couru précipitamment jusqu'à l'évier, et y relâcha le maigre contenu de son estomac. Il ferma les yeux, tentant au mieux de maîtriser les flot d'émotions qui montait en lui.

L'image tournait en boucle dans sa tête, il avait l'impression de revivre la scène, jusque dans ses perceptions... il avait le sentiment d'entendre les voix, les pas, les cris. Il lui semblait même percevoir l'odeur de cette pièce familière.

Des frissons et des sueurs froides l'assaillaient.

Non seulement ce souvenir ne s'atténuait pas, mais il venait le hanter.
Le jeune avait le sentiment que rien, ni personne ne serait en mesure de l'aider, jamais.

Epuisé par sa panique, Erwan, tremblant, vint s'asseoir au sol près de la cheminée.

A cet instant, en reposant les yeux sur les débris, les morceaux de verre prirent un tout autre aspect. Il en saisit un, en prenant soin d'éviter ceux maculés de sang, et l'observa.

En serait-il seulement capable ?

Erwan envisageait le pire.

Etait-il normal de glisser ainsi un morceau de verre dans sa poche, dans le but de se défendre contre une potentielle agression de son propre frère ?

L'adolescent réalisa à cet instant que, depuis quelques jours, l'intégralité de sa vie prenait une tournure absurde, dénuée de tout sens. Il avait l'impression de vivre un film, ou d'être le personnage principal d'une fiction à suspens. C'est cela. Il avait l'impression qu'à chaque instant, un évènement terrible, ou une révélation choquante pouvait venir ponctuer sa journée.
Il y avait encore une semaine, il allait jouer au basket avec ses amis, avant de passer une partie de la soirée sur la plage.

Il savait en quelque sorte que cette vie, il ne la retrouverait jamais. Il savait que cette vie s'était achevée, sans retour possible.

La tête entre les mains, fixant les flammes, le jeune semblait encore chercher un sens à tout cela, quand la porte s'ouvrit.

Mathieu entra, du bois à la main, et le déposa près de la cheminée.

- Bien dormi ?

Erwan le regarda, mais ne lui répondit pas. Son frère savait qu'il ne dormait pas bien, et pourtant, il prenait la peine de le lui demander, chaque matin.

Voyant qu'il n'obtiendrait pas de réponse, Mathieu n'insista pas. Il partit faire du café, laissant peu à peu la pièce s'emplir d'une odeur familière, presque rassurante.

Il prit ensuite une tasse, en donna une à Erwan, et vint s'asseoir sur le fauteuil en face de lui.

Bien malgré lui, Erwan sentait sa main se resserrer sur le morceau de verre dans sa poche. Il était pétrifié de peur, et avait le sentiment que son frère pouvait apercevoir le débris au travers de sa poche.
Il ne relâcha son emprise qu'une fois que son frère commença à parler.

- Aujourd'hui, je t'apprends à tirer.

SymptômeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant