Chapitre 16

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Il n'entendit d'abord qu'un sifflement strident, lointain, mais si bruyant qu'il lui donnait envie de se boucher les oreilles. Mais il se sentait épuisé, vidé, et n'avait pas le courage d'esquisser le moindre geste.

Puis apparu la douleur. Erwan avait l'impression que son cœur avait finalement décidé de migrer dans sa boîte crânienne. Il ressentait chaque battement cardiaque, comme si la pression dans sa tête augmentait, risquant de fissurer son crâne à tout moment.

Laissant échapper un grognement de douleur, Erwan réussi finalement à relever les mains pour les placer sur le volant. Il rassembla toute la force qu'il pouvait lui rester et, poussant sur ses bras, il releva doucement la tête, ignorant au mieux les vagues de torture qui traversaient son cerveau.

Ouvrant les yeux, il fut d'abord étonné de voir qu'il n'y avait plus de lumière. Sa conscience s'était échappée assez longtemps pour laisser au soleil le temps de se coucher.

Erwan alluma les phares, et vit alors la fumée qui s'échappait du moteur.

- Génial, lâcha-t-il spontanément, d'une voix enrouée.

Les quelques faibles lumières intérieures le poussèrent à poser les yeux sur le volant. Il était maculé de sang. Touchant son front, il réalisa que le choc ne l'avait pas ménagé.

Erwan tendit le bras pour descendre la petite tablette où se trouve le miroir. Le sang qui se mêlait à ses cheveux et qui avait marqué son front et ses paupières lui évoqua la vision d'un personnage de film d'horreur.

Immédiatement, il se fit la réflexion que pour continuer son trajet, il allait devoir nettoyer tout cela.

Mais il réalisa rapidement quelque chose de plus essentiel : la voiture était fichue.

Après s'être détaché, Erwan ouvrit la portière, et prenant appui dessus, il descendit de la voiture.

Mais à peine eut il posé le pied à terre, qu'un terrible vertige lui fit perdre l'équilibre, et il s'agrippa avec plus de force à la portière, fermant les yeux pour chasser ces sensations. Erwan inspira doucement, comme pour aspirer un air chargé d'une force qui l'aiderait à ne pas abandonner.

Contournant la portière, et gardant une main appuyée sur la carrosserie, il s'approcha du moteur. La fumée le fit d'abord tousser, puis s'approchant, il confirma sa crainte : le creux formé par le tronc était une évidence. La voiture ne redémarrerait pas.

Le jeune soupira, peu à peu gagné par un sentiment de désespoir, et une envie de tout lâcher. Comme pour appuyer ce sentiment, son ventre cria famine.

Evidemment, en partant si rapidement, Erwan n'avait pas eu le temps de prévoir de quoi grignoter sur le trajet.

L'air glacial du soir commençait à lui gifler les joues, et il décida de retourner dans la voiture, le temps de réfléchir à ce qu'il allait faire.

L'intérieur de la voiture était à peine plus chaud, et le chauffage ne fonctionnait plus, mais c'était déjà ça. Erwan trouva une bouteille d'eau et en bu la moitié, espérant calmer un peu la faim qui le rongeait.

Puis il posa la tête en arrière et ferma les yeux.

Il n'avait pas la moindre idée d'où il se trouvait, et il savait pertinemment qu'à pied, dans ce froid et en pleine campagne, il ne tiendrait pas très longtemps.

- Quel film. Soupira-t-il.

Puis il s'en souvint et écarquilla les yeux.

Cet objet, l'objet qui l'avait distrait et avait causé l'accident.

L'objet qui avait failli le tuer allait maintenant peut-être pouvoir le sauver.

Tournant la tête, Erwan essaya de le trouver malgré la faible luminosité. A tâtons, il ne senti rien sur le siège passager.

Il se pencha alors pour atteindre le sol, en ignorant la douleur de sa migraine, et posa enfin la main dessus.

Cette fois, il pouvait le regarder sans risque, ou presque. L'objet lui donnait l'impression qu'une part de son frère se trouvait entre ses mains et allait lui sauter au visage à tout moment.

- Il se méfiait tellement de mes idées qu'il l'avait caché dans la voiture. Merci Mat, tu as très bien fait.

Appuyant sur le côté, Erwan alluma l'écran du portable qu'il tenait entre ses doigts. Le portable de Mathieu, plus précisément. C'était le fameux portable militaire qu'il avait gardé parce qu'il ne pouvait être traqué avec.

- 70% de batterie, nickel.

Mais en voulant accéder au répertoire, Erwan réalisa que l'appareil était protégé d'un code.

- Evidemment.

Après plusieurs essais sans succès, Erwan essaya différentes dates d'anniversaire.

- Il n'aurait pas osé, lâcha le jeune brun avant d'essayer la dernière date.

040970, tapa Erwan sur le clavier. L'écran se déverrouilla pour laisser apparaître la page d'accueil. Il n'en revenait pas. Il s'agissait de la date d'anniversaire de son père. Le jeune ne savait même plus quoi en penser, ne parvenait pas à déterminer s'il trouvait cela positif ou négatif.

Mais en tout cas, il avait trouvé le code.

Dehors, le soleil commençait à se réveiller, éclairant très légèrement le champ de subtiles teintes orangées. La forêt qui bordait le champ au fond laissait monter quelques chants d'oiseaux éveillés par la lumière.

Erwan se laissa happer un instant par ce calme et ces belles images qui nourrissaient son regard. La voiture ne fumait presque plus.

Mais rapidement, il réalisa que s'il était dans un champ, et que le soleil se levait, il ne lui restait plus tellement de temps. A tout moment, un agriculteur ou un conducteur aguerri le repèrerait et viendrait à sa rencontre. Attrapant le sac Eastpack bleu qu'il trouva à l'arrière, Erwan y plaça la bouteille d'eau, une vieille carte, le portable. Il trouva également une petite boite de bonbons à la menthe, et en croqua 2 avant de les mettre aussi dans le sac. Il y plaça aussi une couverture de survie et un briquet.

Un bon début, se dit-il avant de refermer le sac, et d'ouvrir la portière, prêt à affronter le froid.

Contournant la voiture, il vit au loin la barrière en bois qu'il avait cassé la veille, et la trace des pneus qui avait abîmé une bonne partie du champ.

- Désolé, murmura Erwan à l'égard des propriétaires qui découvriraient bientôt les dégâts.

Quelques flocons commencèrent à tomber silencieusement, alors qu'Erwan se mettait en marche, grelotant du froid qui lui mordait la peau, avec la seule intention pour l'instant de s'éloigner un peu.

Au bout d'une vingtaine de minutes, Erwan s'arrêta pour boire une gorgée d'eau, et décida de nettoyer un peu la plaie de son crâne qui commençait à lui tirer la peau.

Puis il sortit le portable de son frère.

En essayant de lutter contre la vague d'émotion qui commençait à l'envahir, il tapa sans hésiter le numéro de sa mère qu'il connaissait par cœur sur le clavier.

Mais avant d'appuyer sur la touche d'appel, il réalisa qu'une autre option se présentait à lui.

Il ouvrit le répertoire et fit doucement défiler les noms, réfléchissant à l'idée qui venait d'émerger en lui.

Décidé, Erwan s'immobilisa en atteignant la lettre J.

SymptômeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant