Chapitre 23

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Les deux jeunes restèrent ainsi quelques instants, comme figés par les mots prononcés par Erwan, comme immobilisés par leur réflexion. La mélancolie du tableau était belle.

Erwan était toujours assis, le visage triste et humide, mais déserté par les larmes, qui avaient abandonné leur combat. Il avait posé ses avant-bras sur ses cuisses, comme pour chercher un peu de soutient.

Adaline avait fini par s'asseoir en tailleur au sol, se fichant bien de l'état de ses vêtements. Elle avait laissé la main sur la jambe d'Erwan. Puis elle avait finalement posé aussi sa tête sur celle-ci, à la fois assaillie par la fatigue des émotions qu'elle avait ressenties, mais aussi dans un geste de soutient pour le jeune homme. Tous deux regardaient en direction du lac, les yeux quelque peu éteins, et sans chercher à reprendre la conversation.

Le calme de la scène semblait paradoxal, face à la violence du récit qui venait d'être fait. Qu'allait-il se passer à présent ? Comment la vérité ressortirait-elle ?

Quelle vie allait mener la jeune fille, Jane, certainement dévastée, détruite à tout jamais par des gestes d'une grande atrocité ? Comment, ou pourrait-elle seulement un jour se reconstruire, vivre une vie détachée de ce terrible vécu ?

Alors qu'Adaline laissait les questions se suivre dans son esprit sans en trouver les réponses, Erwan bouillonnait.

Il bouillonnait de colère et d'impatience. Il voulait retrouver sa famille, avoir une chance de tout leur dire. Il voulait voir Jane, espérer qu'elle lui pardonne ses actes, et sa fuite forcée. Il voulait la serrer dans ses bras en lui disant que tout irait bien à présent, même sans en penser un mot. Il savait au fond de lui que la vie de leur famille avait basculé à tout jamais, et que rien ni personne ne pourrait changer cela. Il voulait faire tout cela, avant d'aller parler lui-même à la police, pour leur expliquer la vérité, pour assumer les potentielles conséquences de ses actes. Il savait que son père avait fait une faute impardonnable, mais il savait également que la violence de ses propres gestes ne l'épargnerait pas, et qu'il recevrait la peine qu'il méritait certainement. Il avait tenté de tuer son père.

Il était prêt maintenant à l'affirmer devant les forces de l'ordre.

- On rentre ?

La voix d'Adaline fit sursauter Erwan. Le voyage de ses pensées l'avait emmené loin de cette scène. Il tourna le regard vers celui de la jeune fille assise au sol. Elle lui souriait faiblement.

- D'accord, répondit simplement Erwan. Puis il se leva, et les deux jeunes se mirent en chemin.

Lassé de penser sans cesse à sa famille, Erwan recentra son attention sur Adaline. Il se fit alors la réflexion qu'il lui avait vite accordé sa confiance, et qu'il n'en ressentait aucun regret. Il avait d'abord été méfiant, mais à présent, il pouvait affirmer qu'être à ses côtés lui faisait du bien. Il avait même envie d'apprendre à la connaître. 

- Au fait, dit-il pour capter son attention, tu as quel âge ?

Tout en continuant à marcher, Adaline ressenti un soulagement en voyant qu'Erwan cherchait, consciemment ou non, à se changer les idées. Un sourire s'installa sur ses lèvres, tandis qu'elle enfonçait un peu plus ses mains dans les poches de sa doudoune.

- J'ai 16 ans. Et toi ?

- 17, répondit Erwan en offrant un sourire enfantin à Adaline qui signifiait sans doute « je suis l'aîné ».

Adaline ria, et les deux jeunes entamèrent une discussion ponctuée de questions, de quelques taquineries et de timides rires.

Erwan apprit qu'Adaline n'avait pas toujours vécu en Picardie, et qu'elle aussi avait connu le sud de la France. Ils parlèrent alors des joies des soirées sur la plage, des paysages époustouflants, et listèrent ainsi toutes les bonnes raisons d'apprécier le sud.

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