Chapitre 15

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Un sentiment de solitude l'habitait, d'une puissance qu'il n'avait jamais côtoyé. Erwan était terrifié. Il était terrifié de prendre la route seul pour la première fois, terrifié de ne pouvoir joindre personne, terrifié de l'idée qu'il avait en tête.

Il n'avait aucun repère, puisqu'il n'avait pas été attentif durant la dernière étape avant l'arrivée à la cabane.

Il roulait donc depuis presque une heure, sans avoir le moindre indice d'où il était, et son manque de réflexes dans la conduite amplifiait ses craintes.

Le départ improvisé du jeune garçon ne l'avait pas aidé à maîtriser ses gestes et dès les premiers mètres, un arbre avait emporté le rétroviseur droit, amenuisant ainsi la vision d'Erwan sur la route.

Une fois que la monotonie de la route avait un peu apaisé ses émotions, il décida d'allumer la radio, sur une fréquence d'informations.
Rien...
On aurait dit que l'affaire n'était plus aussi primordiale qu'auparavant, comme si l'enquête avait été mise en suspens par manque de nouveaux éléments.

Finalement, la musique qui passait ne faisait que lui remettre en mémoire qu'il n'était plus un jeune ordinaire, s'enfermant dans sa chambre à écouter de la musique et échangeant avec ses amis sur les nouveaux titres tendance.

Non, tout avait changé, et il avait conscience que son parcours de vie en subirait les conséquences.
Il décida d'éteindre la radio, n'ayant plus à l'oreille que le vrombissement constant du moteur. Il observait d'un regard périphérique les arbres défilants de chaque côté de la chaussée. Ils commençaient doucement à perdre leurs feuilles. L'automne appelait lentement l'hiver, pour s'endormir à son tour pour quelques mois.

Erwan n'avait pas réalisé qu'ils étaient partis si longtemps. Il ne connaissait pas même la date du jour, et avait presqu'un doute sur le mois.

Curieux, il regarda alors le tableau de bord de la voiture, qui affichait diverses informations d'un rouge lumineux, et il put y voir la date.

18 Novembre 2020.

En comprenant, une violente nausée gagna Erwan et il dû piler pour ne pas perdre le contrôle de la voiture. Il s'arrêta sur le bas côté, à l'entrée d'un chemin qui menait probablement à une propriété de campagne. Coupant le moteur, il ouvrit la fenêtre malgré le froid pour chercher de l'air. Gardant les mains en haut du volant, il y posa sa tête, avant de fermer les yeux. Peu à peu, il parvint à calmer l'émotion qui l'avait si subitement envahi.
Puis, entrouvrant la bouche, il murmura d'une voix à peine audible.

- Joyeux anniversaire, Jane.

Cette fois-ci, Erwan laissa l'émotion l'envahir, et s'échapper par de sincères larmes de tristesse et d'épuisement. Des sanglots secouaient doucement son buste amaigri par ces derniers événements.

Il resta ainsi pendant de longues minutes.

Il ne savait pas s'il faisait le bon choix, et il ne savait pas s'il allait réussir.
Mais il était maintenant trop tard pour faire marche arrière.

Ne pleurant plus, mais toujours la tête posée sur le volant, Erwan n'entendait plus que le chant de quelques oiseaux, perchés dans les arbres alentours. Le froid commençait à lui glacer la peau.

Reniflant comme pour aspirer du courage, le jeune se redressa et essuya de son avant-bras droit ses joues humides.

Il pouvait le faire. Il allait le faire.

Redémarrant le moteur, il passa une main dans ses boucles brunes avant de reprendre la route avec détermination.

L'émotion avait eu besoin de sortir, elle avait eu son moment de gloire. C'était à présent à cette détermination de porter la couronne.

Erwan roula sans ralentir sur des routes où il croisait très peu de voitures. Il traversa la campagne pendant une heure, avant de s'apercevoir d'un détail essentiel : l'essence.

Le signal lumineux avait viré au rouge, peut-être même depuis un bon moment, il était donc déjà sur la réserve. Erwan n'avait pas la moindre idée du temps qu'il lui restait avant de tomber en panne.

Mais comme une mauvaise nouvelle n'arrive jamais seule, Erwan réalisa qu'il n'avait pas de quoi acheter de l'essence.

Dans un élan d'espoir, il se pencha vers la boîte à gants tout en maintenant le volant de la main gauche, et en gardant un œil distrait sur la route. Ouvrant la boîte comme on ouvrirait un coffre-fort, Erwan tâtonna à la recherche d'une carte bleue.

Après quelques faux espoirs et deux embardées effrayantes, le jeune homme devait s'y résoudre : il n'y avait pas le moindre argent. Mais avant de refermer la boîte à gants, un objet assez lourd et froid attira son attention. Il regardait la route en sortant l'objet, et commençait à sentir ses muscles tirer à cause de cette inconfortable position, qu'il avait depuis maintenant deux bonnes minutes.

Il posa, sans quitter la route des yeux, l'objet sur le siège passager, avant de refermer la boîte à gants.

Puis il récupéra ce trésor et tenta de se redresser pour enfin regarder de quoi il s'agissait. Mais ce seul instant où il détourna le regard pour reconnaitre l'objet qu'il connaissait déjà bien, cette seule seconde avait été trop longue. Il n'avait pas eu le temps de voir la barrière face à lui qui vola l'instant d'après dans une secousse  effroyable. Erwan venait d'entrer dans un champ et malgré ses efforts pour redresser la voiture, il n'avait plus le moindre contrôle sur la direction. La voiture glissait sur une couche de verglas qui avait dû se former pendant la nuit. Erwan, paniqué, n'avait plus aucune visibilité et se surpris à prier pour reprendre le contrôle de la voiture. Mais l'instant d'après, il n'arrivait plus à penser, et n'avait même pas conscience qu'il était en train d'hurler de frayeur. L'engin ne s'arrêtait pas malgré ses francs coups de freins. Mais alors qu'il parvint soudainement à redresser la voiture qui put enfin rouler en ligne droite, trois secondes suffirent et il heurta de plein fouet un arbre.

La terrible secousse, qui n'avait duré qu'une demi-seconde, résonna jusque dans les os du jeune homme avant que, brusquement projeté vers l'avant, sa tête ne vienne heurter le volant, choc qui le fit immédiatement sombrer loin de toute conscience.

SymptômeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant