Il reprenait la route, encore. Erwan l'avait pourtant toujours apprécié, ce sentiment apporté par le voyage, cette fougue d'aller découvrir l'inconnu. Il avait tant aimé voir défiler des paysages au travers des vitres d'une voiture, tant savouré d'offrir à ses yeux la découverte de nouvelles routes.
Que ce soit en Italie, où il avait parcourues les splendides chemins de la Toscane avec sa famille, en Espagne où il était parti se perdre en stop avec son meilleur ami, Nicolas, ou même encore en France, puisqu'il considérait avoir encore tant de merveilles et de trésors à découvrir dans son propre pays.
Se remémorer ces souvenirs le rendit nostalgique.
Il s'était réveillé après deux heures d'un sommeil ponctué de cauchemars, qui semblaient être devenus maîtres de son repos. Depuis dix minutes, il avait la tête collée à la vitre, écrasant les bouclettes brunes de ses cheveux qui retombaient en désordre sur son front.
Non, il ne ressentait plus rien de ce sentiment enivrant que le voyage lui apportait auparavant. La lassitude le gagnait, et il voulait terminer ce voyage, mettre à terme à ces questionnements et cette attente insoutenables. Le gris du ciel et la nudité des arbres qui défilaient au bord de la route reflétaient parfaitement son état d'âme.
Serait-il un jour en mesure de retrouver une vraie joie, profonde, sincère, et surtout durable ?
Il ne réalisa pas qu'il venait de soupirer bruyamment, jusqu'à ce qu'il entende la voix d'Adaline.
- Ah ! Tu es réveillé ? On va bientôt devoir s'arrêter faire le plein, et faire une petite pause. Tiens.
Erwan baissa les yeux vers la main d'Adaline, qui elle n'avait pas détourné le regard de la route.
Elle lui tendait une casquette. Elle était d'un bleu uni, légèrement délavé, avec un logo Ralph Lauren brodé à l'arrière.
C'était irréel. Il avait vraiment l'impression de nager en pleine fiction.
Sans un mot, il saisit la casquette et l'enfonça sur sa tête.
Adaline détourna un instant les yeux de la route pour le regarder.
- Ça te va sacrément bien. Ça te donne un air mystérieux.
Erwan ne put retenir un léger rire.
- Elle était à mon frère.
La phrase fit l'effet d'un coup de poing au jeune homme qui retira immédiatement la casquette avant de s'excuser avec gêne.
- Ne t'inquiète pas. Je la gardais en souvenir mais de toute façon, à part me rendre nostalgique, elle ne m'est d'aucune utilité. Tu en as clairement plus besoin que moi. Remet-la sur ta tête, s'il te plaît.
Erwan s'exécuta, malgré tout un peu gêné et se sentant indigne de porter la casquette du frère tant admiré.
Les voitures se faisaient de plus en plus nombreuses sur la route.
Le jeune sentait l'angoisse grandir en lui, et il avait l'impression d'être observé de toutes parts. Déstabilisé par ce sentiment, il abaissa un peu plus la visière de la casquette pour couvrir son regard.
La voiture ralentissait doucement, et Adaline lui fit quitter la route vers une station essence. Puis elle s'arrêta à hauteur d'une pompe, et s'occupa sans un mot de faire le plein.
L'angoisse se faisait plus présente, plus étouffante. Erwan se demandait presque pourquoi il continuait de résister.
Il pourrait. Il pourrait tout abandonner, retirer l'objet lui protégeant le visage du regard des autres, de ces inconnus qui pourtant sauraient aujourd'hui le reconnaître au premier coup d'œil. Il pourrait sortir de la voiture, faire un pas vers le monde et lui hurler qu'il n'en peut plus, qu'il en a marre de fuir. Il pourrait crier qu'il est épuisé de vivre dans la peur, et qu'il se rend. Il pourrait se laissait attraper, sans résistance, et tout serait terminé.
Mais tout au fond de cette terrifiante angoisse, en regardant attentivement, on pouvait comprendre que résistait une minuscule flamme. Infime, certes, mais extrêmement résistante. C'était pour Erwan tout ce qui lui permettait d'avancer encore quotidiennement. C'était sa volonté d'obtenir la moindre chance de revoir sa famille, de donner des explications, et de demander pardon de tout son cœur à sa sœur, même s'il devait faire face à un refus.
C'était ce qu'il avait besoin d'accomplir, avant s'assumer les conséquences de son acte.
Adaline se réinstalla dans la voiture, puis s'étira. Son regard était plein de détermination.
- Aller, c'est parti. Je voudrais qu'on fasse un maximum de route jusqu'à ce soir.
Erwan réalisa alors qu'il n'avait pas la moindre idée de la direction qu'ils avaient empruntée. Et malgré sa détermination à rentrer, il n'avait pas pensé à lui en parler explicitement.
- Au fait Adaline...
- Enfin ! Tu te demandes où j'ai choisi d'aller, c'est ça ?
Erwan hocha la tête en guise de réponse.
- Quand nous avons discuté, en comparant la Picardie et le Sud, tu m'as beaucoup parlé de la « plage du Monaco », en me vantant tout la beauté de cet endroit. Au début j'ai cru que ta langue avait fourché et que tu voulais parler de la plage DE Monaco. Mais j'ai vérifié le soir même. C'est une plage située dans la ville du Pradet, et effectivement, elle a l'air splendide. Mais j'ai refusé de regarder toutes les photos, parce que je ne voulait pas...
Erwan sentait son cœur s'accélérer en entendant le nom de sa ville. Adaline continuait à parler de cette plage avec des yeux pétillants de curiosité.
-...bref, tu as dû comprendre Erwan.
- On va au Pradet.
- Exact. Tu avais l'air parfaitement déterminé à y retourner par toi-même de toute façon. Mais comme j'ai le sentiment que tu n'as pas beaucoup de chance quand tu es seul, j'ai préféré t'accompagner. En échange, je souhaite simplement que tu m'emmènes voir cette plage.
Erwan était stupéfait. Adaline était prête à se mettre en danger à ses côtés avec comme simple retour la vision d'une belle plage ?
- Merci Ada...
- Stop !!! Adaline ria de bon cœur. On a dit stop avec les remerciements ! Tu me remercieras si on arrive à destination sains et saufs. J'espère qu'elle elle belle cette plage, hein !
Elle avait raison. Il venait de débuter ce voyage, et même s'il ne s'agissait que d'une grosse dizaine d'heures de route, ils pouvaient être arrêtés à tout instant.
- Tu ne seras pas déçue, répondit finalement Erwan, un peu comme une promesse pour se persuader que tout irait bien.
Mais il ignorait encore tout de ce qui les attendait.
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Symptôme
Mystery / ThrillerCe voyage semble imprévu. Erwan a 17 ans. Son frère, Mathieu, en a 19. Ils prennent la route tous les deux, semblent avoir un objectif. Mais cherchent-ils quelque chose, sont-ils en train de fuir, de rejoindre quelqu'un? Seuls les personnages le...