Symptôme

Chapitre 13

Erwan rapprocha l'appareil de son oreille, comme pour vérifier.

Un mélange d'appréhension et de culpabilité le gagnait. Dans quel état pourrait se mettre Mathieu s'il le trouvait ainsi ? Mais il appréhendait aussi et surtout pour ce qu'il allait écouter. Il voulait des nouvelles, simplement savoir... il voulait savoir si son père était en vie, et savoir où en était la police, et comment se portait sa mère, et Jane.

Il ferma les yeux en pensant à sa sœur jumelle. Ce sentiment qui le gagnait chaque fois qu'il pensait à elle était une torture.

Les grésillements cessèrent finalement, et il put distinguer la voix d'une femme.

« ...exactement, et il est vrai que la situation prête à confusion. Nous avons une mère qui était absente lors de l'événement, une jeune fille qui présente un mutisme post-traumatique, et deux garçons introuvables. Bonjour Monsieur Layton, vous êtes inspecteur et suivez de près l'avancée de l'enquête qui concerne cette famille. Pourriez-vous nous renseigner davantage sur la situation actuelle? »

Aucun doute. Il s'agissait bien de sa famille dont parlait la journaliste. Le souffle du jeune homme se ralentit, comme pour essayer de percevoir plus attentivement chaque mot prononcé. Le stress d'apprendre une terrible nouvelle le gagnait peu à peu. Erwan ne pensait même plus à son frère qui pouvait rentrer à tout instant. Sa priorité était bien ailleurs, à des centaines de kilomètres d'ici.

L'inspecteur prit la parole.

« Nous savons maintenant que père n'est plus en danger de mort. Il est toujours dans un coma léger et ne peut pas encore communiquer. L'enquête avance donc difficilement. Cependant, sa blessure à la tête nous permet de douter de la nature accidentelle de l'événement. Il est difficile de se blesser ainsi avec une simple chute. L'hypothèse actuelle demeure malgré tout celle d'une agression perpétrée par l'aîné de la famille. Des dossiers médicaux nous ont révélé des tendances agressives, par crises. Il était sous traitement depuis 7 années, et avait été suivi en institut pendant quelques mois suite à une agression sur un camarade de classe. Nous recherchons toujours activement les deux frères. Pour être honnête, nous redoutons le danger pour le plus jeune frère, nous déployons donc un maximum d'effectifs afin de les retrouver. Nous...kzzzzzzzbzzzzzz....forêts.....bzzzkkssss.... garde...... bzzzzzzzkzzzz.... »

- Non ! non, non, non ! Aller, s'il vous plaît, non !

Erwan tapait la radio, en espérant retrouver le signal. Mais il avait beau essayer de l'éteindre, de regler la fréquence, rien n'y faisait, le grésillement était constant.

- Merde !

Le jeune lâcha l'appareil et se laissa tomber en arrière sur le lit, les deux paumes de mains en appui sur les yeux. Il grimaçait. En considérant les nouvelles qu'il venait d'entendre, il craignait d'avoir raté des éléments essentiels.

Erwan passa ses mains sur son visage avant de laisser tomber ses bras sur les côtés, gardant le regard fixé sur le plafond.

Il souffla. Son père ne risquait plus de mourir.

Il fronça les sourcils. Il était confus à cause de l'autre information qu'il avait entendue. Son frère avait toujours eu des tendances à la violence ? Pourquoi n'avait-il jamais été au courant ?

Erwan écarquilla les yeux en réalisant, et se redressa d'un mouvement sur le bord du lit.

- Le voyage à l'étranger ! C'était ça, bien sûr !

Il avait cassé la mâchoire de son meilleur ami, et je n'avais jamais capté pourquoi les parents lui avaient offert un voyage après ça.

Evidemment.

Les souvenirs s'organisaient dans l'esprit d'Erwan. Les coudes en appui sur les genoux, il plaça sa tête entre ses mains. Pourquoi les parents nous ont caché ça ?

Lorsqu'Erwan entendit la porte de la cabane s'ouvrir, il donna un coup de pied dans la radio qui se trouvait au sol. Elle glissa alors sous le lit de son frère. Il fixait l'endroit où il l'avait vu disparaître, comme si elle risquait de revenir à tout instant, munie d'un sourire machiavélique, comme lui disant « game over. ».

- Tu fais quoi ? Viens m'aider Erwan !

- Je... j'arrive !

Erwan se leva et traversa la pièce pour aller aider son frère à installer les bûches près de la cheminée.

- Où est ce que tu as trouvé toutes ces bûches ?

- Disons que je les ai... empruntées. Quoi ? Me regarde pas comme ça, Erwan, on fait comme on peut, ok ?

Une fois les bûches rangées, Les deux frères se laissèrent tomber dans les fauteuils en soupirant. Erwan gardait les yeux rivés sur les flammes dans la cheminée. Cela lui rappelait son premier cauchemar, celui qui avait fait débuter leur périple.

Au bout de quelques minutes, Mathieu rompit le silence.

- Où est ce que tu as trouvé ça ?!

Erwan se figea. Il n'osait plus esquisser le moindre geste. La radio était elle visible de la place de Mathieu ? Le jeune brun ne respirait plus, il espérait disparaître.

Mathieu se leva et se rapprocha des lits

- C'était mon jeu préféré ! s'exclama-t-il finalement, permettant à Erwan de relâcher la pression qu'il venait d'accumuler. Il jeta un œil dans la direction de son frère, et vit qu'il venait de ramasser un bilboquet.

- Tu ne dois pas connaître ça, tu es trop jeune Wani !

- Ne m'appelle pas comme ça. Et je te rappelle qu'on a juste deux années d'écart, donc si, je connais.

- Wo eh, ça va, t'emporte pas ! Depuis quand je ne peux pas te donner un surnom ?

- Il n'y a que... seulement Jane peut m'appeler comme ça.

- Ah. Désolé alors, je ne savais pas.

Mathieu avait l'air véritablement désolé, une première depuis plusieurs jours, semblait-il.

Il retourna s'asseoir et se concentra à réussir son jeu.

- Au fait, on retourne chasser demain, ça te dis ?

Erwan acquiesça. Il fixait son frère, et était en train de prendre une décision, définitive.
Cette fois ci, il ne doutait plus. Les éléments qu'il avait appris aujourd'hui le motivaient à tout essayer.
Peu importe comment il s'y prendrait.

Demain, pendant la chasse, je m'enfuis.