Partie 2

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C'était une nouveauté pour nous car nous étions habituées mes sœurs et moi à rester à la maison. Toujours "école-maison, maison-école". Passer du temps en famille avec notre père, ça nous faisait beaucoup plaisir car il était toujours occupé à son travail. Il s'arrangeait toujours pour nous faire plaisir en nous offrant des cadeaux qu'on récupérait toujours chez le chauffeur lorsqu'il venait nous chercher à la sortie de l'école. Quand mon père rentrait du travail le soir, nous, on dormait déjà et quand il partait au travail, nous n'étions pas encore réveillées. Ce n'est pas comme s'il n'était pas présent, non, loin de là. On comprenait qu'il avait du travail. Maman par contre, elle rentrait à peu près tôt (aux environs de 18h) et toujours avec un sachet à la main. Quand elle rentrait, bien qu'il y avait Fatimata notre nounou pour faire la cuisine, elle nous préparait les plats qu'on aimait par dessus tout : pizza, gâteaux, beignets et autres. Ma mère a toujours été une femme généreuse. Elle nous racontait qu'avant ma naissance, quand elle rentrait du travail, elle est tombée sur un petit garçon couché dans la rue avec sa boîte. Au Burkina, on les appelle les "garibou" c'est-à-dire "les mendiants". Des enfants qui ont un maître (un tuteur en quelques sortes) chez qui ils dorment mais qui doivent quand même se promener chaque jour pour demander de l'argent afin de le lui remettre. Maman est alors descendue de sa voiture pour approcher l'enfant et elle s'est rendue compte qu'il avait le corps chaud. Elle le prit et m'emmena à l'hôpital afin qu'ils puissent s'en occuper et savoir ce qu'il avait. Des médicaments lui ont été prescrit, elle les acheta et le prit avec elle pour s'en occuper jusqu'à ce qu'il ailles mieux. Lorsque son état fut stable, il l'a remercia et s'en alla. Elle lui avait même donné son numéro sur un papier au cas où. C'est là que tout a commencé.

Depuis lors, pendant les week-end, il venait avec ses camarades à la maison et maman faisait des pizzas et de bonnes choses pour tout le monde. Moi, j'aimais rester avec eux sur la terrasse pour leur apprendre ce que je connaissais à savoir les calculs et quelques mots en français. J'avais du plaisir à faire cela même si quelques uns ne comprenaient pas vraiment ce que je faisais. Je crois que mon grand cœur, le respect et l'amour que j'ai pour mon prochain me viennent de ma mère. J'admire sa bonté et son caractère. Elle a un cœur énorme, c'est vrai parfois elle prend des risques en s'approchant des personnes qu'elle ne connait pas mais c'est vraiment admirable. 

Ah, je ne vous ai pas parlé de notre voisinage. Nous avions des qui avaient un garçon un peu plus âgé que moi, Ilias et une petite fille Oumou. Ilias m'écrivait souvent des lettres avec des déclarations d'amour et je me souviens que je détestais quand il faisait ça du coup je les brûlais toujours. Quand on est enfant c'est fou comment on peut voir les choses différemment. Et comme leur maison était juste à côté de la nôtre, il aimait grimper au mûr pour voir si j'étais dans les parages. Ah l'enfance ! Un peu plus loin, il y avait une grande maison dans laquelle Rashidah et moi avions un ami : Younours. On s'y amusait comme des folles. Quand je n'avais rien à faire, j'adorais m'amuser à construire des maisons avec les coussins des fauteuils sur la terrasse, surtout quand il pleuvait. C'était mon jeu préféré. Je jouais aussi avec ma poupée Barbie et j'utilisais les flacons de parfums vides de maman comme copains pour ma poupée. On m'avait donné une crèche en carton avant Noël et j'y avait installé Barbie avec son copain du coup je voulais qu'ils aient un peu de lumière alors j'ai pris une bougie que j'ai allumé et déposé à l'intérieur de ma crèche puis je suis sortie m'amuser. A mon retour, j'ai vu que ma la crèche avait été brûlé et mon mûr était noir. J'ai pas osé le dire à mes parents. Quand j'y penses, franchement je ne sais pas ce qui m'est passé par la tête quoi. A part ça, je faisais du dessin mais c'était plus dans le domaine de la mode, des "designs" et je n'ai pas arrêté jusqu'à ce jour. 

Un jour où on ne s'y attendait pas, mon père nous a annoncé qu'il venait d'être muté à Ouagadougou, la capitale et qu'il devra y vivre mais viendra nous voir de temps en temps. Je me suis dis que si déjà nous vivons dans la même maison et on se voit pas très souvent, comment ça sera quand il sera dans une autre ville ? Il nous proposa alors de venir avec lui à Ouagadougou, dans ce cas nous ne serions pas séparés. D'un côté j'étais rassurée car j'allais pouvoir rester près de mon père mais de l'autre triste car j'allais devoir quitter ma ville, mes amis et mon école. L'important pour moi c'était de rester tous ensemble. Sans plus tarder, nous nous sommes mis à ranger nos affaires, faire un grand tri dans la maison. Le jour J arrivé, un camion est entré dans la cour de la maison pour faciliter le remplissage. Maman ne nous suivait pas car elle avait toujours des choses à régler avant de partir donc elle devait nous rejoindre plus tard. Ce jour là avant de partir on a mangé des spaghettis, oui je m'en souviens. Le camion plein, nous étions prêt à partir. La route était longue.

Nous sommes arrivés aux environs de 18h à Ouagadougou. Je ne m'étais même pas demandé où nous allions vivre là-bas et à ma grande surprise, il se trouvait que mon père y avait construit une maison mais elle n'était pas totalement terminée. Ca me faisait tout drôle d'être dans une autre ville parce que j'ai toujours vécu à Bobo, je n'étais jamais allée ailleurs. C'était en 2006 que nous avons déménagé. A notre arrivée, j'étais comme perdue. Fatimata devait se charger de la cuisine et comme nous n'étions pas encore installés, elle a opté pour quelque chose de simple et rapide : des ignames. Eh oui, j'ai une bonne mémoire. Quelques jours plus tard, maman nous a rejoint, ainsi la famille était au complet. Maintenant, gros soucis. On devait trouver une école pour mes sœurs et moi. Pour éviter que l'on se perde dans le système d'éducatif, mon père a voulu nous inscrire dans une école française mais malheureusement, il ne restait plus qu'une place et elle était pour Rashidah. Papa ne voulait pas nous séparer alors, il s'est décidé à nous inscrire dans une école tout simplement. C'est comme ça que nous sommes passées du système français au système "burkinabé". Nous étions désormais inscrites au Creuset Plus. 

Très vite je me suis rendue compte que les choses allaient être différentes. J'étais en classe de CM1 et mon maître était un togolais très sévère. J'ai été choquée quand une fois il a frappé une élève avec un bâton plein d'épines parce qu'elle ne savait pas faire les calculs. Après avoir vu ça, je ne voulais plus mettre les pieds dans cette école mais, mon père n'arrêtait pas de me dire que ça finirait par aller. En plus, ayant remarqué que j'avais des difficultés à comprendre, mon très cher père a décidé de me prendre un professeur de maison afin que je puisses mieux comprendre. Devinez qui il a choisi ? Eh bien mon maître, celui qui m'enseignait déjà en classe, Mr Koné. Il me faisait vraiment peur. D'ailleurs, je crois que je ne pourrais jamais oublier la fois où il m'a tapé la paume des mains à cause d'une erreur de calcul. Mais, je valais mieux, je ne pouvais pas me plaindre car il y avait une fille qui se faisait frapper tout le temps. Les élèves avaient tellement peur de la douleur qu'ils doublaient leur vêtements même pendant la chaleur, tout ça pour ne pas sentir les coups du maître. J'avoue que ça, c'était une idée de génie. Donc voilà, l'année a été validée, je me suis encore trouvé une meilleure amie : Kadidia. On s'entendait bien. Mr Koné était terrible. Pendant la cérémonie de fin d'année, on lui avait donné des brochettes à partager aux élèves, il en a donnée une à chacun et le reste, il l'a gardé dans sa précieuse armoire au fond de la classe, dans laquelle il gardait ses bâtons. J'étais tellement soulagée car j'allais pouvoir changer de classe mais aussi de professeur.

A un moment, Fatimata a dû s'en aller car sa mère était très malade et elle voulait voir sa fille. Ca a été un coup dur pour mes sœurs et moi parce que nous étions vraiment, mais vraiment attachées à elle. Elle était toujours présente pour nous, on s'amusait toujours avec elle. Moi, je passais beaucoup plus de temps avec elle dans la cuisine à discuter et à regarder comment elle faisait pour nous préparer ces plats délicieux. Je penses d'ailleurs que c'est de ma maman et de Fatimata que je tiens cet amour pour la cuisine aujourd'hui. C'est en les regardant préparer que j'ai appris à aimer ça.

L'Histoire d'une BurkinabéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant