Partie 41

53 6 0
                                    

Laissez-moi vous expliquer un peu leur système. Pour valider le Bachelor, il fallait obtenir les 180 crédits c'est à dire 60 crédits pour 3 ans. Moi, ils m'en avaient donné 55 du coup il me manquait juste 5 crédits pour avoir les 60 mais il était possible d'aller en classe supérieure et prendre un cours supplémentaire. Dans mon cas, ils ont eu à faire un transfert de crédits c'est-à-dire qu'ils ont comparé les modules que j'avais validé à l'IAM avec ceux qui étaient dispensés dans leur établissement en première année de BBA. Un module = 5 crédits (il y avait 6 modules par semestre donc 12 pour 2 semestres ce qui fait 60 crédits par an). J'espère que vous me comprendrez, j'essaie de faire de mon mieux pour être le plus clair possible. En gros, il fallait que je rattrape ces 5 crédits manquant mais, je ne le savais pas encore, j'étais tellement contente de passer en classe supérieure que je n'ai même pas cherché à comprendre leur système. 

Le 15 Septembre 2017, Lorraine me contacta à nouveau pour les "Orientation Days". Cette fois-ci, elle indiquait dans le mail les horaires et ce qu'il y aurait au programme, ce qu'ils avaient prévus pour ces journées. C'était en réalité une façon pour les étudiants internationaux de se retrouver et d'apprendre à se connaître avant le début des cours. A ce mail, elle a joint le "PSB Student Handbook", un guide pour apprendre à bien se conduire et respecter le règlement de l'école. Nous étions invités à le lire pour éviter de mal agir pour ensuite dire qu'on ne savait pas que c'était interdit.

Le 16 Septembre 2017, je n'avais toujours pas de réponse concernant mon visa et on se rapprochait des "Orientation Days". J'ai donc contacté Mme Antonelli pour lui dire que je ne serai pas là pour les Orientation Days parce que j'avais pris du retard pour ma demande de visa à cause de ma recherche de logement. Elle me demanda alors, quand est-ce que je pensais pouvoir venir et je lui répondit que probablement en fin septembre. Rien n'était sûr. Elle m'invita à aller voir mon attachée de promotion dès mon arrivée à Paris. La rentrée était prévue pour le Lundi 25 Septembre 2017 mais comme ils étaient conscients que certains étudiants rencontraient des soucis par rapport à leur visa, ils nous donnaient quelques jours de plus après la rentrée donc j'avais jusqu'au 2 Octobre pour me présenter à l'école. 

Ma demande de permis d'études refusée m'avait tellement sonné que j'avais peur qu'un visa me soit à nouveau refusé. Un jour alors que je sortais avec mon père pour faire des courses, je lui demanda si les 3000 euros versés pour mon inscription lui seraient remboursés si ma demande de visa venait à être rejetée. Il me répondit qu'il n'en avait aucune idée. Je ne voulais pas qu'il perde de l'argent pour rien.

Le Jeudi 28 Septembre 2017 dans la matinée, malgré les problèmes de réseau que je rencontrais, j'ai fini par recevoir un sms de l'ambassade de France qui disait que je devais m'y rendre à 16h pour récupérer mon passeport. Ah, qu'est-ce qu'ils avaient décidé ? Etait-ce une bonne ou une mauvaise nouvelle ? Nous allions le savoir ...

Papa était toujours en congés donc il m'accompagna à 16h. J'avais la boule au ventre, je voulais vraiment aller étudier dans cette école et apprendre à me débrouiller seule. Avant même que papa accepte de payer l'acompte (les 3000 euros), je l'harcelais pratiquement tous les jours. J'avais même dressé une liste des avantages d'étudier à l'étranger. J'allais pouvoir apprendre à m'occuper de moi toute seule, bénéficier d'une expérience enrichissante, avoir un diplôme reconnu, et devenir plus responsable. C'était comme une chanson que je chantais dans ses oreilles à chaque fois. Il fallait le chauffer un peu. 

Je comprenais parfaitement que ce n'était pas facile pour lui de laisser son enfant partir loin de lui. J'étais l'aînée mais, j'étais quand même traitée comme un bébé. Je sais, aux yeux de nos parents même à 60 ans nous serons toujours des bébés. Mes sœurs et moi nous étions toujours à la maison, il fallait juste que l'on demande quelque chose à papa et c'était aussitôt fait (bon, pas tout le temps). C'était gentil de sa part mais parfois j'avais l'impression d'être inutile, je ne voulais pas être une petite fille gâtée ne sachant rien faire de ses dix doigts. Etant toujours à la maison, il fallait trouver des activités pour m'occuper. Pendant les vacances j'apprenais de nouvelles choses comme dessiner, chanter et écrire des chansons, faire la cuisine, le tricot etc...

La seule chose que j'étais autorisée à faire à la maison, c'était la cuisine. Parfois on s'ennuyait tellement mes sœurs et moi qu'on prenait l'initiative de ranger la maison, changer l'emplacement des fauteuils et trier les vêtements pour donner ceux qu'on n'utilisait plus. 

Des fois maman nous disait que ce n'était pas la peine de nous fatiguer car on avait deux filles de maison et c'était leur travail. Bien sûr quand elle quittait le boulot et rentrait pour trouver la maison en très bon état, ça lui faisait plaisir et elle nous félicitait mes sœurs et moi pour notre travail mais, parfois elle préférait qu'on se repose tout simplement du coup nous n'avions rien à faire à part trainer sur les réseaux sociaux, prendre des photos, manger et regarder la télé. Chaque jour qui passait ressemblait au jour précédent. C'était du "déjà vu" en quelques sortes.

Moi, comparée à mes sœurs, je trouvais toujours quelque chose pour m'occuper. C'est grâce à tout ça que j'ai appris à aimer la cuisine. Quand j'étais petite, je passais beaucoup de temps dans la cuisine avec ma nounou Fatimata mais quand elle est partie, c'était différent. Claudia ne savait pas faire la cuisine à ce moment du coup pendant les week-ends, j'allais en cuisine pour regarder maman faire à manger. 

Petit à petit, elle m'apprit à faire la cuisine. Les sauces, les gâteaux, le yaourt fait maison et plein d'autres recettes. Ensuite elle me montra comment ouvrir/fermer la bouteille de gaz et allumer les foyers. Elle tenait à ce que je fasses très attention avec ça. Un soir, maman venait de rentrer du travail et était fatiguée. En la regardant je me suis dit : allez Djamila, aide ta maman en faisant la cuisine ce soir. Je me demandais si tout le monde allait accepter de manger vu que c'était ma première fois. Je crois que je venais juste d'obtenir mon brevet d'études, j'avais 15ans.

J'ai fini par proposer à maman de faire la cuisine, elle accepta. Au menu, il y avait de la pintade. J'ai décidé de la faire griller et de l'accompagner avec du Tiébou Dieune (riz gras rouge). Je me suis vite mise aux fourneaux. Je faisais attention au sel et aussi à la cuisson pour ne pas que le riz soit trop cuit. Lorsque le tout était prêt, il fallait servir et, même là je n'ai pas négligé la présentation. Au final, mon plat fut apprécié par papa et mes sœurs. J'étais très contente, j'éprouvais un plaisir fou à faire la cuisine.

A partir de ce moment, j'ai commencé à faire des gâteaux, des cookies, et divers mets. J'essayais d'apporter une touche personnelle à chacun de mes plats. La seule chose avec laquelle j'avais du mal c'était le riz blanc. Il était soit trop cuit soit trop sec mais avec le temps, j'ai fini par le faire correctement. Désormais, maman pouvait se reposer. Lorsqu'elle était fatiguée elle essayait toujours de négocier avec moi pour que je fasses la cuisine. C'est vrai qu'on avait deux servantes mais, elles ne préparaient pas ou à la limite, elles s'occupaient du riz blanc simple. A part ça, elles faisaient la vaisselle, le ménage, la lessive et autres. Maman avait désormais quelqu'un pour la remplacer en cuisine quand elle devait sortir.

Au début j'aimais bien mais, vers la classe de terminale j'en avais marre, à un moment j'avais l'impression d'être une servante. Papa lui, il adorait mes plats et j'avais l'habitude d'être au petit soin avec lui. Par exemple, lorsqu'il finissait de manger et qu'il se lavait les mains, sans qu'il ait à le demander, je lui apportais un torchon pour qu'il se sèche les mains ainsi que son dessert. Si maman ou l'une des servantes oubliait de lui apporter de l'eau à boire, eh bien je m'en occupais et même quand il finissait de manger et qu'il n'avait pas bu de l'eau, je le lui rappelais parce que c'est important de rester hydraté. Pour le petit déjeuné, je me levais tôt pour m'assurer que tout avait été déposé sur la table. Bien sûr avec tout ça, si je devais aller à l'étranger pour mes études, il y aurait eu un changement.


L'Histoire d'une BurkinabéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant