Partie 28

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Nous étions maintenant en Janvier 2017. Ghislain et moi on ne se parlait plus. Je n'avais plus son numéro de téléphone et je ne me sentais pas prête à discuter avec lui comme si de rien n'était même si c'était moi qui avait disons déconné.

Mes maux de dent avaient complètement disparu. Je pouvais croquer la vie à pleine dent. Nous étions à deux semaines de la rentrée et je n'avais toujours pas de nouvelles. Mes sœurs avaient repris les cours donc j'étais toujours seule à la maison. Claudia venait chaque jour à la maison donc bon, je n'étais pas vraiment seule on va dire. 

Chaque jour qui passait ressemblait au précédent. Je faisais toujours la même chose. Me réveiller avant midi, faire à manger pour que tout le monde (mes sœurs y compris Claudia et sa fille mais aussi) ait quelque chose à se mettre sous la dent. J'avais l'impression d'être la "fille de maison" et pourtant nous en avions une. Elle faisait le ménage, la vaisselle et la lessive mais, comme mes sœurs (Amal, car la plus petite n'avait aucun soucis avec la nourriture) et moi nous étions compliquées et très exigeantes lorsqu'il s'agissait de la nourriture, je devais faire moi-même la cuisine. Au début, j'adorais faire à manger mais à la longue ça me fatiguait. 

Pour éviter de faire tout à la dernière minute, j'avais décidé de me préparer pour mon départ. Je suis donc allée me coiffer (des tresses avec des mèches ombrées). Je choisissais déjà les vêtements que je voulais emmener avec moi. En gros, c'était les préparatifs quoi. C'est drôle quand même, être sûr de soi à ce point. 

Plus on se rapprochait de la rentrée, plus maman me harcelait. Chaque matin, avant de partir au travail, elle venait dans ma chambre en me disant "Tu n'as aucune nouvelle et puis tu dors comme ça. L'avenir appartient à celui qui se lève tôt donc debout". J'avais droit à cette chanson chaque matin. Jusqu'au jour où j'ai finalement été contactée par le CRDV. Ils m'avaient envoyé un sms pour me dire que mon passeport était prêt et que je pouvais venir le récupérer. 

J'avais la boule au ventre. J'attendais ce moment depuis des semaines. Déjà en classe de terminale, dans mes prières je demandais à Dieu de m'aider pour que j'obtiennes mon bac du coup avec mention afin que je puisses intégrer une université canadienne. J'ai eu à courir dans tous les sens et harceler mon père pour qu'il me fournisse les documents dont j'avais besoin. Et là, c'était le moment. Je devais me rendre au CRDV à 16h du coup j'ai demandé au monsieur qui m'avait aidé pour mon dossier (Kouso) de m'y emmener et il accepta. Je me disais : "Ce soir en rentrant, je serai soit heureuse soit très triste. Que Dieu fasses en sorte que tout se passe bien".

Il était 16h, Kouso et moi nous étions en chemin. Arrivés à destination, il décida de m'attendre à l'extérieur, donc j'ai présenté ma carte d'identité vite fait au gardien, puis je suis entrée dans le bâtiment. J'ai patienté pendant quinze minutes environ. J'avais le sourire aux lèvres lorsque la dame m'a appelé. Elle me demanda mon nom et prénom puis me donna une grosse enveloppe marron. Je la remercia et m'en alla. 

A la sortie, Kouso était plus stressé que moi. On se précipita sur l'enveloppe pour voir ce qu'il y avait à l'intérieur. Il y avait beaucoup de papiers, mais pas grave, je gardais le sourire comme une idiote. Puis, je pris la feuille et commença à lire les trois premières lignes. Pas besoin d'aller plus loin, c'était marqué "je rejette votre demande pour les raisons suivantes". J'étais debout à proximité d'un caniveau, j'ai failli m'effondrer. Je n'arrivais pas à y croire. Je ne voulais pas connaître les raisons de ce refus mais Kouso me demanda le papier pour voir si on pouvait faire une nouvelle demande en montant un nouveau dossier qui répondrait aux exigences. Moi je ne voulais rien savoir, j'étais tellement dégoûtée. Je m'étais tressée et j'avais déjà commencé à tout préparer pour mon départ. 

Avant de partir à 16h, j'avais appelé maman pour lui dire que j'avais reçu un message du CRDV. J'allais devoir l'appeler pour lui faire part de la nouvelle. Sur le chemin du retour, c'était le silence total. Il me ramena chez moi en me disant de ne pas me décourager car on allait refaire une demande et j'acquiesçais.  

A mon arrivée, mes sœurs et Claudia étaient présentes. Elles n'ont pas eu à me demander, ça se voyait que je n'étais pas contente. Je pris le téléphone fixe et appela ma mère, elle s'attendait à une bonne nouvelle. Lorsque que je lui annonça la nouvelle, elle me répondit "d'accord il n'y a pas de problèmes". Je devais à présent attendre que papa rentre du travail pour lui en parler.

J'étais assise au salon lorsque papa fut de rentré. J'ai du attendre qu'il mange ses concombres avant de lui parler. Il ne savait même pas quoi me dire. Il jeta un coup d'oeil sur les raisons du refus et c'était marqué : " je ne suis pas convaincu que vous quitterez le Canada à la fin de votre séjour ". Pour arriver à cette conclusion ils ont souligné la raison de ma visite, mes biens immobiliers et les perspectives d'emplois dans mon pays d'origine.

Mon père voyait bien que j'étais très déçue, toujours cloîtrée dans ma chambre. Alors, autour de 22h, lorsqu'il s'apprêtait à dormir, papa m'appela dans sa chambre. Il y avait aussi maman. Ils voulaient me réconforter. Papa m'a proposé de contacter mon école pour qu'ils repoussent ma rentrée à celle d'automne afin que je puisses faire une nouvelle demande de permis d'études. J'ai donc accepté, je n'avais pas d'autre solution en plus. 

Ce soir même, j'ai envoyé un mail à mon école pour leur faire savoir que le permis d'études m'avais été refusé et que je souhaitais reporter ma rentrée à Août pour faire une nouvelle demande. Le lendemain en me connectant, il y avait dans ma boîte un mail de l'UQTR. Dans ce mail, il y avait ma nouvelle lettre d'admission pour la rentrée d'automne. 

Je me suis alors mise à faire des recherches par rapport aux demandes de permis d'études. Je suis tombée sur des forums dans lesquels certains étudiants parlaient de leurs expériences et des documents qu'ils avaient eu à donner. Je prenais note, je voulais cette fois-ci monter un dossier en béton armé. 

Mais, qu'est-ce que j'allais bien pouvoir faire en attendant la rentrée ? Continuer à faire la cuisine et regarder la télé ? Passer toutes mes journées à faire la même chose ? C'est exactement ce que je voulais éviter. 



L'Histoire d'une BurkinabéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant