Partie 43

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Elle avait l'air tellement triste et désolée pour moi. Je me sentais mal, je ne voulais pas mentir à ma maman chérie mais bon, c'était pour la bonne cause. Papa lui n'arrêtait pas de rigoler. Sur le chemin du retour, nous avons dû nous arrêter pour acheter une corde à sauter pour Rashidah, elle en avait besoin pour l'école. 

Nous étions enfin arrivés à la maison. Dans la voiture, avant qu'on ne descende, papa me demanda de me mettre au sérieux c'est-à-dire, avoir une mine triste, abattue et surtout, ne pas rire. C'est ce que j'ai fait. J'avais l'air triste lorsque je suis entrée dans la maison. Maman était assise au salon dans son fauteuil préféré, elle nous attendait. 

M : Vous êtes de retour ! Eh Djamila, donc ils ne t'ont pas donné le visa ?

Moi : Oui ma demande a été rejetée ...

P : Ils ont dit que les documents financiers que j'ai fourni n'étaient pas suffisants. Il en fallait d'autres encore. Mme Baron aussi devait fournir son avis d'imposition ainsi que ses relevés de compte. On va monter un nouveau dossier et faire une nouvelle demande

M : Aaaah, ça c'est quelle affaire encore ? Pourquoi ils font des choses comme ça même ? 

Moi : ...

P : Il semble que cette année il y a eu de nombreux refus

M : Tchurrr ! Non mais c'est pas la peine quoi (avec un visage triste)

Papa et moi on se jetait des petits regards ensuite, il se leva et alla dans la chambre pour se laver les mains et se changer, du coup, j'étais seule avec maman dans le salon. Elle était en train de se plaindre. Elle avait déjà appelé sa grande soeur et Claudia pour leur annoncer que je n'avais pas eu le visa car elles avaient appelé plus tôt pour savoir s'il y avait du nouveau. Elle avait de la peine pour moi.

Papa revint au salon puis un silence s'installa, on entendait uniquement le bruit des arachides qu'il mangeait. Il se tourna un moment pour regarder ma mère et là, il se mit à rire. Maman elle, était totalement perdue, la pauvre. La comédie avait assez duré ...

P : Eh eh, ma fille a eu son visa, c'est quand même nous là 

M : Quoi ?

Moi : Ouuuuuuiiiiiiiiiiiii, j'ai eu mon VISAAAAAA !

M : Ah vous aussi, il ne faut pas aimer faire des choses comme ça. Djamila toi aussi tu suis ton Papa là avec ses amusements. Attends, amène ton passeport je vais voir

P : Maintenant il va falloir réserver ton billet. Il ne faut pas en parler aux gens pour l'instant, on ne sait jamais (il faisait allusion à maman parce qu'elle est connue pour faire passer les nouvelles très rapidement)

Moi : En tout cas ! Je suis d'accord

M : D'accord c'est compris ! Aaah oum sounda noma min (je suis contente)

Papa se leva pour aller faire ses ablutions et prier. Pendant ce temps, ma mère se précipita sur son téléphone pour appeler Tantie Marthe, sa grande soeur. Elle lui fit savoir qu'en réalité, mon père et moi on avait menti, et que les nouvelles étaient bonnes en fin de compte. Elle en profita pour appeler Claudia aussi. Ma mère était contente pour moi. Elle voulait vraiment que ça marche. Toutes les deux, on en avait rêvé depuis si longtemps.

Ce soir là, j'avais 5000F CFA, mes pauvres 5000F que je gardais pour mes petites dépenses personnelles mais, j'étais tellement contente que j'ai décidé de faire plaisir à mes sœurs. Pour nous c'était soirée panini et jus de fruits. Il était déjà 19h, Rashidah m'accompagna chez le vendeur de panini de l'autre côté de la route, juste en face de l'IAM Ouaga 2000. Il y a sûrement des gens qui y sont déjà allés. J'aimais bien ses paninis, surtout ceux à la viande hachée. Sur le chemin du retour, on s'arrêta chez le boutiquier juste en face de la maison pour acheter du jus de fruits. En temps normal, je n'aurai jamais dépensé mon argent comme ça du coup, mais c'était pour la bonne cause. Même si mes sœurs ne me le montraient pas, je savais pertinemment que j'allais leur manquer.

De retour à la maison, nous avons toutes pris une douche pour ensuite se mettre à table. Lorsqu'on achète nos paninis on les réchauffe toujours car on aime bien qu'ils soient craquant, un peu sec quoi. La journée avait été riche en émotions, après avoir mangé et digéré, on alla tous dormir.

Ma mère faisait croire qu'elle voulait que je m'en ailles vite mais au fond, je savais bien que j'étais indispensable et irremplaçable dans la maison. Quand elle devait sortir, c'est moi qui devait faire à manger pour mes sœurs et mon père sachant que parfois je devais préparer deux plats différents parce que chacun avait ses préférences. Par exemple, mes sœurs adoraient les frites alors que papa n'aimait pas ça, donc il fallait faire de l'alloco ou autre chose. Rashidah n'aimait pas les petits pois, alors que mon père et Shariifah adoraient ça (moi aussi d'ailleurs, et pas qu'un peu). Du coup, il fallait faire des spaghettis ou autre chose pour elle. Vous voyez que ce n'était pas évident. 

Le fait que je fasses à manger aidait beaucoup maman. Elle avait beaucoup plus de temps libre pour Facebook ou pour se reposer, ce qui était d'ailleurs normal. On ne se rend pas compte de tous les efforts qu'elle fait pour préparer et nous faire plaisir. Travailler toute la semaine, rentrer dans l'après-midi pour ensuite faire le repas ou les repas du soir, ne pas pouvoir profiter de son weekend correctement etc... C'était normal que je l'aide de temps en temps. 

Aussi, pendant les fêtes comme le Ramadan et la Tabaski, je préparais des shawarmas (du pain libanais avec de la viande hachée et parfois des légumes et du fromage) pour nos invités. Maman se levait tôt pour faire la cuisine, une fois tout prêt, elle allait s'apprêter et porter sa tenue de fête. Mes soeurs et moi on se réveillait assez tôt pour faire notre toilette, se maquiller et se saper. C'était toujours moi qui travaillais le plus. J'accueillais les invités, je leur demandais ce qu'ils voulaient boire, je préparais chaque assiette soigneusement car la présentation comptait beaucoup. Je devais aussi ramasser les assiettes et les verres après que les invités aient fini de manger pour les remettre aux servantes afin que le tout puisses être lavé et séché. Parfois je demandais à mes soeurs de s'occuper des boissons vu qu'elles ne faisaient rien à part s'asseoir au salon, saluer les gens et encaisser l'argent que les oncles et tantes nous donnaient. Pendant les fêtes, maman est souvent désagréable dans le sens où elle demande de faire 1000 choses à la fois alors que c'est impssible. Moi la plupart du temps ça m'énerve et je deviens à mon tour désagréable. Une fois elle m'a crié dessus, ça m'a tellement mise en colère que je suis partie dans ma chambre, je ne voulais plus servir, il était hors de question que je remettes les pieds dans la cuisine. Quelques instants après, mon père est venu me parler. Il voulait savoir pourquoi j'étais assise toute seule dans ma chambre. J'ai répondu que maman m'avait crié dessus. Il s'approcha en me disant que c'était un jour de fête donc, il ne fallait pas être en colère. Il me demanda de sortir et profiter de la fête. J'étais toujours un peu fâchée mais bon, je suis quand même sortie.

Tout ça pour dire que j'ai toujours aidé maman quand je pouvais, du coup mon absence n'allait pas vraiment l'arranger vu que mes soeurs ne faisaient jamais rien. Sans vouloir me vanter, j'étais vraiment d'une utilité exceptionnelle à la maison.





L'Histoire d'une BurkinabéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant