Partie 4

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Le problème c'est que quand les professeurs étaient absents, la classe était très bruyante, chacun avait quelque chose à dire (ce qui est normal bien sûr) mais, si seulement ils discutaient calmement sans faire trop de bruit, cela n'aurait posé aucun problème. Isaac, le chef de classe, celui qui était sensé donner le bon exemple eh bien, c'était lui-même qui animait la classe. Nous avions pourtant été prévenu par le surveillant Mr Dambré. Il nous avait dit que si par hasard la classe était bruyante, s'il venait et qu'il n'y avait pas de liste portant les noms des bavards, nous, c'est-à-dire Isaac et moi, serions puni. Comme moi je ne voulais pas être punie à cause des autres qui semblaient s'en foutre complètement, j'ai décidé de prendre moi-même les noms des bavards. Alors avant de le faire, j'ai voulu donner une chance à la classe afin qu'ils puissent discuter entre eux mais sans faire de bruit.

Moi: Hey, s'il vous plaît parlez moins fort. Evidemment, ça n'a duré que quelques minutes avant qu'ils se remettent à hausser la voix.

Moi : Attention, je prends les noms des bavards. (Je ne voulais surtout pas être punie moi). A ce moment, j'entendais des murmures.

Un élève : Hein hein, il faut prendre mais si mon nom apparait sur ta liste, tu verras

Un autre : Laissez la prendre seulement, discutons oui.

Cela ne m'a pas empêché de faire ma liste. Ils faisaient trop de bruit alors que notre classe était collée au bureau du surveillant Mr Dambré, j'étais donc obligée de prendre les noms. Lorsque ce dernier fut fatigué d'entendre les bruits, il vint à la porte de notre classe. Il demanda la liste des bavards, je la lui ai donc donné. Tous ceux dont le nom a été marqué sur la liste sont allés avec le surveillant et ont fait des piloris dans son bureau. A leur retour, j'ai reçu des regards perçants, je voyais des yeux pleins de colère. Voilà comment mon enfer a commencé. Le lendemain, j'ai discuté avec le surveillant qui m'a fait savoir qu'Isaac avait renoncé à son poste de "délégué de classé", du coup je le remplaçais. Cependant, il me manquait un adjoint, j'ai alors proposé à Mr Dambré de prendre ma meilleure amie Kadidia et il accepta après avoir demandé l'avis de cette dernière. J'étais contente d'être avec elle pour gérer la classe. De retour en classe, pendant que nous attendions le professeur, un élève d'origine nigérienne me balança : << Djamila, pourquoi tu es si noire ? >>

En Afrique, tu entends ce genre de propos, je me demandais ce que je pouvais lui répondre. Cette question n'avait aucun sens, d'autant plus qu'il avait la peau foncée comme moi. Sur le coup, je n'ai pas répliqué, et j'ai fait comme s'il n'existait pas. A partir de ce jour, lorsque quelqu'un se faisait punir pour avoir bavardé, il m'appelait "la noire" en essayant de m'atteindre. Dans la classe, tout le monde avait un surnom. Celui qui m'avait attribué le mien c'es-à-dire "la noire" était peulh (une ethnie) et à cause de sa corpulence les gens lui avaient donné un surnom en rapport avec ça. Du coup quand il m'appelait par mon fameux surnom, je faisais de même, chose qui l'irritait à tel point qu'un jour il me menaça en me disant qu'on se verrait à la descende à midi. Vous savez très bien ce que cela veut dire : règlement de compte. Alors, lorsque j'ai entendu la sonnerie pour midi, je me suis précipitée vers la sortie. Maman avait l'habitude de venir à l'école environ vingt minutes avant midi afin de trouver de la place pour se garer. Cela m'arrangeait. J'ai donc couru et je suis allée me réfugier dans la voiture. Il n'y a donc pas eu de règlement de compte. 

C'est horrible de devenir la cible des gens, ils font tout pour te faire du mal, ou faire en sorte que tu te sente mal. Rien de tout cela ne serait arrivé s'ils avaient tout simplement discuté à voix basse, mais non. Ils ne pouvaient pas hein. Dans ma classe, le seul garçon avec qui je m'entendais s'appelait Jean. C'était un garçon gentil mais à la fois dur, avec des muscles et tout. C'était aussi mon copain. Il a certainement cru que le fait d'être en couple avec moi m'empêcherait d'écrire son nom s'il bavardait, mais dommage pour lui, il s'est trompé. Je ne pouvais pas écrire les noms de ceux avec qui il bavardait sans mettre son nom aussi car s'ils se faisaient punir, ils auraient dis à Mr Dambré que ce n'était pas juste car ils discutaient avec Jean. A cause de cette situation, nous avons fini par rompre, nous nous sommes quittés dans la haine. Pendant que moi j'étais trop occupée à éviter de me faire punir, Kadidia s'est éloignée de moi. Elle et moi nous nous sommes connu depuis le CM1 mais, en classe de troisième, il y a eu une nouvelle élève qui portait le même prénom que moi : Djamila. Elles (Kadidia et elle) se rapprochaient, passaient de plus en plus du temps ensemble et moi je me sentais mise de côté. Je le prenais plutôt mal, elle s'était trouvée une nouvelle meilleure amie. 

L'année scolaire fut très longue. On se rapprochait de l'examen, le BEPC. En classe j'avais galéré, j'obtenais des résultats faibles mais au fond je me disais que nous ferions 100% comme au primaire en classe de CM2 Le jour J arrivé, mes parents étaient très impliqués. Ils me demandaient ce que je voulais pour le goûter, ils me souhaitaient bonne chance avant chaque épreuve, mon père me déposait toujours à mon centre (l'école dans laquelle je devais passer l'examen). C'était dans une école publique, pas très loin de la maison. La cours était très grande car il y avait un terrain pour les épreuves sportives. Pour éviter que je fasses tout le trajet pour arriver dans ma classe de composition, mon père me déposait directement à l'intérieur de l'établissement. Les autres élèves me regardaient toujours, ils se disaient sûrement que je faisais la maline. Dans ma salle, tout le monde avait le même nom de famille que moi : Sawadogo. Ma voisine de table s'appelait Djamila comme moi. Les tables étaient petites et trouées donc il fallait bien se concentrer pour écrire afin de ne pas percer la feuille de composition. Ma voisine m'avait offert un bracelet avec mon nom et mon prénom dessus. C'était vraiment gentil de sa part. Nous avions fini de composer toutes les matières, il restait l'oral d'anglais. A l'époque, je négligeais un peu l'anglais mais je me débrouillais pas trop mal. Je me souviens qu'au début, en classe de cinquième, j'avais du mal avec l'anglais car je n'avais pas compris qu'il n'y avait pas d'accents. Depuis lors, je m'en sors bien. En sortant de mon oral, je n'étais pas très satisfaite car je m'emmêlais les pinceaux. J'avais fini de composer, il ne restait plus qu'à prier. Comme j'étais dispensée, je n'étais pas concernée par les épreuves sportives. J'étais à moitié en vacances car il me fallait les résultats. Il fallait attendre quelques semaines.

La veille de la sortie des résultats au BEPC, ma mère essayait de me préparer. D'abord je dois vous dire que dans mon pays, à l'examen, que ce soit pour le BEPC ou le Baccalauréat, un élève peut soit obtenir son diplôme du coup c'est à dire qu'il a eu plus de 10, soit aller au second tour car il a eu légèrement moins de 10 et il lui manque quelques points pour avoir son diplôme (dans ce cas il aura à repasser l'examen mais seulement pour quelques matières), ou soit il a échoué donc il devra reprendre la classe l'année prochaine. Je ne sais pas si ça fonctionne de la même manière dans les autres pays.  

Alors, maman m'a dit : "Djamila, demain on aura les résultats. Il y a trois cas possibles. Soit tu obtiens le BEPC du coup, là nous serons tous content et on te fera une fête grandiose pour arroser ta réussite. Soit tu va au second tour, dans ce cas ne te décourage pas et redouble d'efforts pour te rattraper et obtenir ton diplôme. Ou, soit tu échoue et ce ne sera pas la fin du monde. C'est compris ? "

J'entendais ce qu'elle me disait mais dans ma tête c'était : tu dois avoir ton diplôme car oui si tu échoue c'est la fin du monde. Je voulais vraiment réussir mais j'essayais de ne pas trop me prendre la tête avec ça. 

Le lendemain je me suis levée de bonne heure. J'étais là, à attendre des nouvelles sur les résultats. Il était déjà 9h et je voyais déjà sur WhatsApp mes camarades d'autres écoles afficher leur résultats en statut. Et moi j'étais là, sans nouvelles. Mon père était à la maison quand, son téléphone sonna. C'était le proviseur de mon école. Il annonça à mon père que j'avais obtenu le BEPC. J'étais un peu soulagée sur le coup mais je voulais forcément me rendre sur place dans l'établissement dans lequel j'avais composé pour voir de mes propres yeux mon nom sur la liste des admis. Mon père pris ses clés, et nous étions prêts à partir. Arrivés sur les lieux (j'y étais avec mes sœurs et mon père), il y avait du monde. Des pleurs, des cris de joie et de tristesse aussi. Sans tarder, je me suis dirigée vers le mur sur lequel étaient collés les résultats. Je fouilles, je fouilles, je fouilles et je ne vois pas mon nom. C'était la panique totale. Papa même m'aidais à chercher mais lui aussi n'a pas trouvé mon nom. Sur le coup, on regarda tout en haut de la liste et en réalité il s'agissait de la liste comportant les noms de ceux qui étaient admis au second tour. Nous sommes alors allés voir sur l'autre liste, au dos du mur. C'était la liste des admis au BEPC. Là, j'ai vu mon nom. Ooooooooh, la joie dans mon cœur. Papa était tout content et moi aussi. Vite, direction la maison. Mon père a passé toute l'après-midi au tellement en train d'informer les tontons et les tantines de ma réussite. J'étais sollicitée à chaque fois. Je commençais à voir venir mon arrosage.  

L'Histoire d'une BurkinabéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant