Partie 33

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A l'IAM, pas mal d'étudiants m'ont fait des avances que j'ai bien sûr toujours détourné. Peut-être parce que je n'avais pas la tête à ça. Aussi, je n'étais là que pour quelques mois. Ou peut-être je n'avais tout simplement pas envie d'envisager quelque chose avec qui que ce soit. J'allais en cours et j'étais toujours occupée, donc je n'avais pas le temps de réfléchir comme j'avais l'habitude de le faire. Je ne pensais donc plus tellement à la relation que j'avais eu avec Ghislain, je ne lui parlais plus depuis des mois même si lui pendant les fêtes, m'envoyait des textos. J'étais toujours désagréable avec lui mais il a toujours pris sur lui, il restait gentil et calme. 

En réalité moi, j'ai vraiment du mal à garder le contact dans ce genre de situation. Cela me fait penser à quand j'étais en classe de seconde pour la deuxième fois, le Creuset cette année-là avait instauré une seconde A (littéraire). Cette classe ne comptait que sept élèves dont un garçon. J'étais amoureuse de lui et il a fini par le savoir. En gros j'ai pris mon courage à deux mains et je lui ai avoué mes sentiments. Il accepta d'être mon petit ami et moi j'étais vraiment contente. Je lui écrivais des chansons et je les lui chantait à la fin des cours mais je sentais qu'il y avait quelque chose d'étrange. Un soir, alors que je m'apprêtais à dormir, il m'envoya un texto pour me dire qu'il était désolé, que j'étais vraiment une belle personne mais ce que je ressentais pour lui n'étais pas réciproque et qu'on pouvait rester amis. Je n'ai pas répondu à son texto.

J'étais effondrée et je me demandais comment j'allais faire à l'école si je le croisais. J'appréhendais un peu. A partir de ce moment, je l'évitais à tout prix. Lorsque je le croisais, je l'ignorais totalement, je ne lui adressais plus la parole, je m'étais totalement fermée. C'est comme s'il avait fait de moi une personne aigrie. Je me disais : c'est mort, je ne pourrais plus jamais lui parler.

Il m'a fallu du temps pour oublier. Je ne pensais vraiment pas qu'on aurait pu devenir amis mais voilà ça s'est fait. Lorsque nous étions tous les deux en classe de première (lui en A et moi en D), on se parlait normalement. J'avais mis un trait sur toute cette histoire et c'était comme si rien de tout cela ne s'était vraiment passé. Il ne faut jamais dire jamais. C'est exactement de cette manière que ça s'est passé avec Ghislain. Je l'avais laissé tombé et je trouvais encore le courage d'être désagréable avec lui. Je m'étais totalement fermée mais je crois que c'était délicat vu que c'était ma première vraie relation. Certes j'ai été quelques fois en couple dans le passé mais c'était comme si ma relation avec Ghislain était ma toute première relation, comme si toutes les autres n'avaient jamais existé, je ne sais pas si vous voyez un peu ce que je veux dire. Au fond je refusais de l'admettre mais je regrettais beaucoup mon acte.

Revenons à l'IAM. C'était pénible d'aller en cours et de se rendre compte qu'en fait le professeur ne viendrait pas du coup, mon père fit réparer la Land Rover rouge afin que je puisses me rendre toute seule à l'école. Il faut avouer que l'idée ne me déplaisait pas. 

Cependant, je n'étais pas très à l'aise avec la boîte manuelle, surtout avec la fameuse première vitesse mais je faisais avec. C'est en forgeant que l'on devient forgeron, n'est-ce pas ? Je m'habituais petit à petit et parfois maman profitait du fait que j'avais une voiture pour me demander d'aller chercher ses enfants à la sortie des cours. Elles avaient quitté le Creuset après ma réussite au bac pour intégrer le Complexe Scolaire Horizon International. L'école était divisée en deux, un établissement dans le quartier de Ouaga 2000 pour les garçons et un autre au milieu de nul part pour les filles. C'était là-bas que je devais me rendre pour récupérer mes sœurs. La distance était un peu longue.

La réaction des gens en circulation m'a toujours fait rire. Lorsque les feux tournent au rouge et que je m'arrête, c'est à ce moment que je remarque le regard de certaines personnes. Ils doivent se dire que : "ah bon, les enfants conduisent maintenant" ou plutôt "est-ce que celle-là n'a pas pris la voiture de ses parents en cachette". Au fond je comprends leurs réactions. On m'a toujours dit que je faisais plus jeune que mon âge, raison pour laquelle certains diront que je suis toujours une enfant. C'est comme ça !

Avant, maman ne voulait pas que j'ailles seule pour chercher mes sœurs vu que le coin était un peu "désert" mais lorsque j'y suis allée une fois parce qu'elle n'avait pas le temps pour y aller, elle s'est rendue compte qu'en fait je pouvais m'y rendre sans soucis. A partir de ce moment, lorsqu'elle rentrait du boulot vers 16h et que mes sœurs devaient sortir à 17h, elle me demandait d'aller les chercher et elle rentrait tranquillement pour faire une petite sieste. C'est doux d'avoir des enfants.

J'étais enfin libre de mes mouvements. Les matins je m'apprêtais et lorsqu'il était l'heure je prenais la route, les soirs par contre, dès qu'il était l'heure de partir j'y allais parce que je n'aimais pas du tout conduire la nuit. La vie était belle jusqu'au jour où, un samedi plus précisément, j'ai du aller chercher mes sœurs à l'école. Ce jour-là, Rashidah avait mis du temps à sortir et j'attendais dans la voiture avec Shariifah. J'étais arrivée avant 12h et nous y étions toujours à 13h. Sur le chemin du retour, nous étions excités à l'idée de rentrer car maman préparait du bon ce jour-là. J'étais au feu et lorsqu'il devint vert, en voulant tourner, j'appuyais sur l'accélérateur et la voiture secouait tout en avançant lentement. Ah là, c'était mal. 

J'étais en plein milieu du chemin et je barrais le passage aux motos. J'étais assise dans la voiture sans savoir quoi faire, je n'étais pas du tout préparée à ça. Les gens passaient et nous regardaient. Un gentil monsieur à moto s'est arrêté pour savoir ce qui se passait. Il nous aida à garer correctement la voiture et dégager la voix. J'étais un peu plus calme et j'ai décidé de contacter maman pour lui dire que nous étions en panne en face de la radio BF1. Elle appela à son tour Claudia qui contacta son mari. Il vint sur place avec son ami mécanicien pour voir si le problème pouvait être réglé mais non, il fallait l'emmener au garage. Ils décidèrent d'aller chercher un autre véhicule pour tracter ma voiture. Moi je n'y connaissais rien, c'est le mari de Claudia qui prit le volant de ma voiture. J'étais d'assez mauvaise humeur, ma voiture était en panne ce qui voulait dire : retour à la case départ. Attendre encore à la sortie des classes. Supeeeeer !


L'Histoire d'une BurkinabéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant