27 - Petites confidences

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Le 24 Juillet - Jacques,

Épuisé par les dernières semaines, je regarde Bénédicte, endormie et si paisible. Mon cœur a du mal à se calmer, même si les médecins sont rassurants. Lola est tout du long restée à mes côtés, je sais que cette jeune femme est un second souffle pour nous. J'aurais aimé avoir une fille comme elle, je l'apprécie tellement.

A bout de souffle, je m'installe dans le fauteuil en similicuir ou plastique, de couleur vert d'eau à côté du lit. Je n'ai pas la force de la quitter, je veux être présent à son réveil.

Aux premières lueurs du jour, les yeux encore lourds, je me remémore ce qui s'est passé la veille. Ma chère et tendre est allongée sur ce lit d'hôpital. J'attends que ses beaux yeux noisette sur lesquels j'ai craqué s'ouvrent enfin. J'ai besoin de comprendre pourquoi elle a fait cette impressionnante crise d'angoisse.

Mon dos me fait terriblement souffrir, il faut dire que ce siège n'est pas fait pour dormir.... En me levant, le revêtement crisse. Je la regarde, espérant ne pas l'avoir réveillé. Tout va bien ma moitié est encore assoupie.

Alors que je suis en train de faire les cent pas dans la chambre pour me dégourdir les jambes, une aide-soignante arrive. Elle me demande si je veux boire ou manger quelque chose. Un café, rien de plus lui répond-je. Ce délicieux breuvage me console l'espace d'un instant.

Puis enfin elle se met à bouger. Elle regarde autour d'elle, semble perdue, puis enfin nos yeux s'entrelacent. ll lui faut quelques secondes avant qu'elle se remémore à son tour la soirée de la veille.
- Jacques ! Dit-elle la voix tremblante.
- Bonjour mon amour. Comment te sens-tu ? 
- Je crois que ça pourrait aller mieux...
- Tu m'as fait tellement peur ! Dis-je en l'embrassant sur le front.
- Que c'est-il passé ?
- Il semblerait que tu es fait une crise d'angoisse !
- Je pensais faire une crise cardiaque !
- J'ai eu si peur, si tu savais.

Notre discussion est coupée par l'arrivée d'un médecin.

- Bonjour, je suis le docteur Arolde.
- Bonjour docteur.
- Comment vous sentez-vous aujourd'hui ?
- Je suis un peu fatiguée, mais je me sens mieux. Merci.
- Etes vous sujettes à ce genre de crises ?
- Non c'était la première fois.
- Savez-vous ce qui a pu la déclencher ?
- Je crois oui.
- Trés bien. On vous garde en observation aujourd'hui et demain vous allez pouvoir rentrer chez vous.
- Merci.

Le médecin quitte la chambre et je prends conscience qu'elle sait ce qui a provoqué sa crise d'angoisse.
- Pourquoi as-tu eu cette crise ?
- Pas ici, pas maintenant. Je ne suis pas prête dit-elle en pleurant.

Je n'ai pas le temps de la questionner qu' une aide-soignante apporte deux plateaux, nous sommes surpris qu'il soit aussi tard. Il est temps de rassurer Lola et l'avertir du réveille de ma douce.
- Bénédicte réveillée, un peu fatiguée mais se sent mieux. Bonne journée.
- Une agréable nouvelle ! Embrasse là pour moi. Est-ce-que je peux passer tout à l'heure ?
Elle est tellement épuisée, que je refuse toutes visites aujourd'hui.
- Non, nous devons nous retrouver. Nous t'appelons plus tard. Profite de tes vacances, nous allons faire de même.
- Je vous souhaite de bonnes vacances, prenez soin de vous.

Nous mangeons silencieusement notre plateau, nous regardant furtivement. Ce silence est pesant, je ne le supporte plus.
- Dit moi ! L'implore-je
- J'ai peur de te le dire ! Dit-elle en baissant les yeux.
- Enfin béné ! réclame-je. Mon ton est un peu plus fort, mais j'ai besoin de savoir !
Son visage se referma, ses yeux étaient vides de lueur.
- Puisque c'est ce que tu veux ! Assieds-toi et approche toi explose t-elle.
J'approche le siège à ses côtés et lui prends les mains. Suis-je prêt à entendre ce qu'elle va me dire ?

- Jacques, il y a trente deux ans maintenant, j'ai donné naissance à un petit garçon..
- Quoi ? ... Mes grands yeux se figent, ai-je bien entendu ?
- S'il te plait ne me coupe pas, sinon je n'aurai pas la force de terminer dit-elle alors qu'une larme perle sur sa joue.
J'acquiesce d'un geste de la tête, à ce moment sur mon visage il n'y a que stupeur et interrogation.
- Donc il y a trente-deux ans j'ai donné naissance à un petit garçon. J'avais alors seulement dix-sept ans. Personne n'était au courant pour la grossesse.  En déni, je n'ai appris celle-ci qu'au sixième mois. Mais jusqu'au bout personne ne l'a ni vu, ni su. A y penser c'est un peu fou que le corps soit capable de garder un aussi lourd secret...
 Alors j'ai décidé de le faire adopter. Mes voisins chez qui je me retrouvais souvent m'avaient toujours parlé de leurs difficultés d'avoir des enfants, alors quand j'ai su, j'ai tout avoué à Josiane. Marcel et elle m'ont aidé pour les examens.
Ils étaient présents au moment de l'accouchement. Elle était sage-femme à l'époque, ce qui a facilité aussi les choses.
J'imagine aussi que tu souhaites savoir qui est le père... mais je te préviens quand tu le sauras tu ne me regarderas plus comme avant.

Attrape-moi ... si tu peuxOù les histoires vivent. Découvrez maintenant