Le Jeu

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Jace

- Pierre, papier, ciseaux !

Nos deux mains sont plates.

- Une feuille peut bien en envelopper une autre, non ?

- Non, Jace.

Je pousse un lourd soupir, et nous recommençons. Pierre, feuille, ciseaux de mes fesses. Mon index et mon majeur sont levés, alors que sa main se referme en un bloc.

- Et qui a dit qu'on ne pouvait pas casser une pierre à coup de ciseaux ?

Il pouffe comme un débile.

- J'ai gagné Jace. Ce sera Coup de Foudre à Notting Hill.

Je m'exclame comme un dramaturge digne de ce nom. Ma main droite s'accroche à mon haut, au niveau du cœur, et je fais semblant de défaillir.

- Dément! Tu veux donc ma mort ? Fou ! Tu désires ma peine et mes larmes ?

- Tu n'exagères pas un chouilla, là ?

- Je t'accueille dans mon antre, je t'offre à souper, et je te laisse dormir jusqu'à la nuit tombée dans l'une de mes merveilleuses chambres ! Et toi, traître, tu veux me faire regarder une romance!

Il appuie sur louer, et le film se lance sur le grand écran noir. Jonathan s'enfonce dans le canapé moelleux. Voyant que je ne le quitte pas des yeux, il écrase un doigt sur la touche pause de la télécommande.

- Si tu veux, on peut toujours regarder Légende D'Automne.

- C'est une romance ?

- Oui.

- Satan !

- Jace... mais qu'est-ce-que tu as contre ça ?

- Je te retourne la question. Tu veux faire comme dans les films, c'est ça ? Au moment mièvres où les deux héros s'embrasseront, tu profiteras pour passer un bras autour de mon épaule !

Au lieu de m'assurer qu'il ne le fera pas, il sourit. Une étincelle brille dans son regard, je recule à l'extrémité du canapé.

- Je vais te faire une proposition plus alléchante.

- Ah je ne sais pas si il y a plus alléchant que de passer un bras autour de tes épaules, Jace.

. . . . . . .

Jonathan

C'est comme cela que l'on doit se sentir quand on marche sur une banquise, avec ce froid époustouflant qui nous coupe le souffle et qui nous gèle sans pitié. Heureusement que j'ai accepté la doudoune, le bonnet et les gants de Jace, je n'aurais pas survécu dans mon manteau à la mode.

- Où est-ce que tu m'emmènes ?

- Tu verras !

La lumière vive et blanche de sa lampe torche nous guide dans l'obscurité de la nuit. Jace marche devant moi, de sorte à ce que je ne le perde pas de vue. Dans les bois sombres et angoissants, je crois être entré dans un livre fantastique où chaque bruit est signe d'alerte. Je sursaute quand un hibou hulule, accélère le pas et me rapproche du dos de Jace quand une brindille au loin s'écrase sous le pied d'un animal tapit dans les ombres.

- Tu es une chochotte, Jonathan Ray.

Je ne réponds pas. Il a totalement raison. Je commence à sérieusement regretter de ne pas l'avoir plus incité à regarder Coup de Foudre à Notting Hill. Il aurait peut-être fini par aimer et qui sait, j'aurais pu le passer, ce bras autour de son épaule. Fais chier toute cette neige ! Je trébuche toutes les secondes, à l'inverse de Jace qui se débrouille comme si il était né et avait toujours vécu dans cette forêt. Avec sa barbe et ses cheveux bouclés en pétard, il ressemble à un bûcheron intrigant qui connaît tout sur les bois, ses champignons toxiques, ses plantes médicinales et ses animaux mystérieux. Mince, c'est que cette image n'est pas pour me déplaire.

Le Jeu [B&B]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant