Les mots de mes yeux

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Jace

Ça fait trois heures que Jonathan cuisine des pâtisseries. Je devrais en être heureux, mais j'ai fini par comprendre qu'il cuisine autant à chaque fois qu'il est préoccupé. Je termine de préparer mon sac pour la prochaine scène qui ne se tournera pas dans les environs, mais à plusieurs heures d'ici, dans le sud du pays. Nous y ferons toutes les scènes où l'on finit par apprendre le secret du personnage de Jonathan, pour quelle raison il a décidé de se ranger après des années de délinquance dans ses fraternités pour gosses de riches.

J'aurais pensé qu'un petit voyage l'enchanterait, mais il a reprit son silence imperturbable qui n'inaugure rien de bon. Je m'avance à pas feutrés jusqu'au bar de la cuisine.

- Tu as finis ton sac ?

- Oui, souffle t-il.

- Ça va ?

- Oui.

- Tu veux de l'aide ?

Il enfile des gants rembourrés et sort d'un four fumant une tarte qui sent la cannelle, la vanille et les pommes.

- J'ai finis.

Je n'aurais peut-être rien dû lui dire, hier. Je suis pourtant sûr qu'il ne me rejetterait pas pour ça. Mais je ne vois rien d'autre pour expliquer ce silence. Il prend dans un des placards un grand paquet de sucre-glace dont je m'empare avant qu'il n'ait le temps de l'ouvrir.

- Je vais t'aider. Tu veux en mettre sur la tarte c'est ça ?

Il m'observe, indécis, avant qu'un petit sourire ne fasse voler en éclat les soucis de son visage.

- Non, sur ta tête, plaisante t-il.

Je grimace et tire des deux côtés afin d'ouvrir le paquet... qui explose dans mes mains trop brusques, son contenu blanc et poudreux volant dans les airs comme si des nuages éphémères se créaient juste au-dessus de nous pour venir ensuite s'affaisser sur nos têtes. Le reste se déverse sur mes pieds et s'étale sur le parquet en s'infiltrant insidieusement entre les lattes. Je reste pantois, avec mon paquet déchiré dans les mains, n'osant pas regarder le sol devenu un petit recoin de sable blanc, le plan de travail peint d'une nouvelle couleur, et Jonathan à qui j'avais proposé mon aide. Pourtant lorsque je me tourne vers lui, milles excuses sur le visage, je ne rencontre qu'un sourire plus blanc que tout le sucre glace qu'il lui est tombé sur ses cheveux blonds, son visage déjà pâle, et ses épaules. Ses yeux vairons se plissent tandis qu'il se met à rire, de minuscules particules lactées flottant autour de lui, en suspend dans les faisceaux mordorés traversant directement la fenêtre de la cuisine.

- Il ne fallait pas me prendre aux mots, Jace.

La lumière se projette sur son visage éclaboussé d'un bonheur non feint, si longtemps tapit sous des sourires illusoires. Je regarde cet homme rire, blanc comme si il était allé s'égarer sous la neige pour en revenir comme un ange.

Un ange.

C'est bien le mot.

Son sourire comme les premiers rayons de printemps, son rire comme un appel à l'insouciance, une beauté comme jamais je ne pourrais la peindre. Quelque chose me frappe en plein cœur, me gifle brutalement avant que je ne m'écroule complètement. Un truc nouveau, plaisant et palpitant.

Jonathan rit, et c'est comme dans ces films où la séquence sentimentale arrive pour nous faire sourire et pleurer. Ça se met au ralenti comme pour savourer un moment doux-amère qui ne durera pas, et nous compresser le cœur qui ne vomit que tendresse et amour.

Il s'arrête de rire quand il remarque que ma main liliale touche sa joue pour savoir si il est réel. Pour savoir si cet ange ne se volatilisera pas si je l'embrasse, mes lèvres volent les siennes en un baiser qui a le goût du sucre-glace et du bonheur. Il prend mon visage entre ses mains avant de clore ses yeux. Pendant qu'il me tire vers lui, je me demande comment son cœur peut battre aussi fort. Je le sens battre contre ma poitrine, battre comme si c'était le mien.

Le Jeu [B&B]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant