Tu l'aimes comment ?

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Jace

- Dis un mot de plus, Laury Harper, et je te jure que je crèverais tes yeux avant que ta tête ne roule sur le plancher.

Trempé, ses cheveux se collent à son visage blafard et impénétrable, dont le regard glacé me refroidit instantanément. Il scrute notre réalisatrice d'une rage froide, à peine contenue dans ses yeux assombris par le désir ardant de lui rompre le cou. Ses mains se referment, et laissent entrevoir sa peau tirée sur ses jointures blanches, témoignant de la force avec laquelle il sert ses poings.

Je n'avais encore jamais eu peur de Jonathan.

Il était improbable que je ressente une once d'effroi pour celui qui ne m'inspire que douceur, bienveillance et désir.

Pourtant en cet instant, mon cœur bat de l'adrénaline causée par un coup de peur face à un potentiel danger.

L'homme blond au torse gonflé, le corps tendu et alerte prêt à égorger Laury vive, est le danger que je n'aurais jamais cru possible.

Merde... mais comment on en est arrivé là ?

. . . . . . . .

Sur une vieille assiette en porcelaine, je mets une noix d'un bleu outremer, d'un jaune bien doré et d'un rouge vermillon. Je prends de chaque couleur pour les mélanger, ce qui me donne un gris sombre qui ne tarde pas à devenir marron avec l'ajout de jaune et d'un peu de rouge.

- Tu devrais penser à prendre plus le soleil, on dirait un vampire.

Je rajoute généreusement de la peinture blanche que j'assemble avec mon marron, se métamorphosant en une couleur chair, un rose pâle. Un sourire sensuel se dessine sur sa bouche.

- Ne t'inquiète pas, je ne prendrai que ton sang, me charrie t-il en passant une langue sur ses lèvres.

Je soupire d'exaspération, mais me cache derrière ma toile pour qu'il ne remarque pas mon sourire. Il examine l'eau débordant du lac à cause de la pluie qui n'a pas cessé de s'écouler du ciel durant des jours. Aujourd'hui, le soleil, pourtant caché parmi des nuages tantôt blancs, tantôt gris, a pris la relève, et ses timides rayons mordorés miroitent l'eau ainsi que le bel homme à l'air songeur qui me fait face. Nous avons profité de ce temps de répit pour nous aventurer près du lac, et continuer ma peinture. Je lève mon pinceau avant de le laisser en suspend, hésitant sur l'image que je dois représenter. Dois-je le peindre tel que je le vois ? Ou tel que je le perçois ? En ce moment même, je comprends pourquoi il a pu devenir si populaire en un rien de temps. La tête légèrement penchée, ses longs cils blonds esquissent des ombres sur ses joues à la peau lisse, dont l'une est complètement baignée de soleil. Ses mèches semblent être fabriquées à partir de fils d'or qui scintillent sous les rayons, et sa bouche d'un rose naturel, à peine entrouverte, laisse entrevoir des dents parfaitement alignées. Quand il lève ses yeux sur mon visage, je me sens privilégié, presque honoré, qu'un regard aussi superbe et mystique se pose sur moi seul. Un œil gauche d'un bleu sarcelle, un œil droit d'un vert amande qui deviennent plus sombres ou plus clairs en fonction de la lumière ou des larmes qui ne sont apparues qu'une fois. Il me regarde intensément, et je contiens difficilement le désir qui afflue dans mon bas-ventre. Son visage est taillé dans la perfection, toutes mes peintures et mes connaissances en la matière ne suffiront pas à le peindre tel qu'il est. Je prends soudain peur, vouloir le peindre était sans doute trop ambitieux de ma part.

L'accueillir dans mon chalet en pensant que je pourrais lui résister était tout aussi ambitieux, et chaque jour est une révolte contre mon propre corps. Quand vais-je faillir ?

- Jace ?

- Mmh ?

- Pourquoi refuses-tu de coucher avec moi ?

Le Jeu [B&B]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant