Lumière... ça tourne

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Jace

- Jace ? C'est Mira. Ouvre-moi, je suis devant chez toi et la clef, je ne comprends pas pourquoi, ne fonctionne pas. Pourquoi tu ne réponds pas à mes appels ? Je t'en prie Jace ouvre-moi, c'est la pagaille. Je n'arrive pas à contacter Laury Harper, Sang Min est introuvable, il y a des paparazzis partout, tout... s'est arrêté. S'il te plaît Jace je... non je ne répondrais pas à vos questions ! Je n'en sais rien, laissez moi ! Et ne me bousculez pas merde ! Jace... tu comptes rester là à boire pendant longtemps ? JACE, OUVRE-MOI OU JE-

J'ai raccroché. Je raccroche à tout. Je raccroche au monde. Ils peuvent aller se faire foutre. Je veux plus de rien. Je m'en cogne. C'est rien. Je bois et c'est rien, je m'en fous. Okay ? J'ai baissé mes volets, je ne distingue rien dans la pénombre. Mais ma main arrive toujours à suivre le chemin jusqu'à Jack. Mon plus fidèle ami. Celui qui ne me quittera jamais.

Merci de m'avoir fait aimé autant.

Je vide une bouteille. Et la nuit, au lieu de m'enfermer, me transporte. Je ne veux que la nuit et Jack. Je passe de soir en soir sans jamais voir le jour. Si il y avait une once de clarté dans ce chalet, j'en mourrais. Je verrais les souvenirs, et ça me tuerait. Je crois que les jours défilent sans moi. Une semaine, un mois, peut-être une année, j'ai perdu le temps. J'ai aimé deux personnes qui m'ont plongées exactement dans le même état. Est-ce le destin ? Suis-je promu à une vie faite de rencontres extraordinaires et de séparations déchirantes ? Je ne veux plus de personne.

Je ne veux même plus de moi-même.

Si je pouvais me quitter, m'égarer pour ne plus jamais me retrouver, j'en serais heureux.

Je t'aime d'une façon qui ne peut pas être dite.

La honte me colle à la peau. Je devrais peut-être tenter de me suicider, moi aussi. Je n'y avais pas pensé, quel con. À quoi je m'attendais, en jouant dans ce film ? Que les autres me regardent, me trouvent de nouveau si beau, si incroyable. Mais ce corps, ces yeux bleus, ces boucles brunes qui font des ravages ne me servent à rien. Je ne sers à rien. Je me traîne jusqu'à la salle de bain et le monde tangue comme si j'étais dans un bateau. Je le fixe dans le miroir. Celui qui ne dit jamais rien et qui regarde les vagues tout faire basculer. Il est si laid. Je ne l'aime pas. Il ne sait pas pourquoi il s'empare du rasoir électrique, ni pourquoi il retire rageusement ses boucles qui lui avaient valu tant de sourires. Il se rappelle de grandes mains laiteuses qui plongent dans ses cheveux et qui le font frissonner. Il rase tout. J'ai une mer de mèches à mes pieds et un océan de larmes tardives.

Je sors. Pour la première fois depuis mille ans. Ça doit bien faire mille années que je suis entrain de crever avec mon meilleur pote Jack. Je vais en finir. Il faut que l'histoire se termine là, je n'en peux plus de tourner des pages et des pages de mots qui ne veulent rien dire. Il fait nuit noire, les paparazzis ont dû aller se coucher. Je flotte jusqu'au lac qui n'est pas gelé. Sur mon portable, je cherche la musique Marcia Baila des Rita Mistouko. Je vais aller danser sur la surface de l'eau, la bouteille à la main, l'alcool qui tombe dans ma gorge et allège tout. Je ris avec Marcia. Nous rions de notre malheur, de l'idiotie de la vie et de notre propre danse macabre.

Je me laisse tomber, quel est donc ce froid que je sens en moi ? L'eau m'engloutit un instant avant de me rejeter à sa surface. La bouteille dérive, mon portable gît sur l'herbe, la musique se termine. L'eau glacée m'a dessoûlée, c'était une mauvaise idée.

Merci de m'avoir dit que j'étais beau.

Imbécile. Tu aurais dû rester pour que je continue à te le dire. Ce n'est qu'un imbécile.

- Tu n'es qu'un IMBÉCILE.

En regardant le ciel sans étoiles, je le dis encore et encore. Je ne suis qu'un imbécile.

.  .  .

- Monsieur Alexander ? Il est complètement ivre.

- Le pauvre.

- Le scoop !

- Prends de belles photos Catherine.

- Il faut l'interviewer maintenant.

- Faut déjà qu'il se réveille.

- Monsieur Alexander ?

- Arrêtez de me bousculer, on était là avant !

- TAISEZ-VOUS BORDEL DE MERDE.

- Oh... il s'est réveillé. Jace Alexander, nous avons des questions à vous poser. Que s'est-il passé ce soir là ? Était-ce une tentative de suicide ? Des rumeurs disent que Jonathan Ray, sous ses airs de star parfaite, avait des troubles mentaux, est-ce vrai ? Est-ce vrai aussi que-

Je ne sais pas où j'ai trouvé la force de me lever et de lui foutre mon poing dans la gueule. Tous les paparazzis se sont figés, plus de flashs, plus de bruits. Le journaliste me foudroie des yeux en se tenant le nez qui pisse le sang, maculé de boue. Je ne me souviens pas être revenu sur la rive, mais je me souviens de la pluie. Mes vêtements sont encore trempés.

Ils attendent exactement cinq secondes avant de faire repartir flash et questions, tout en gardant une bonne distance. Mes oreilles bourdonnent affreusement, ma tête vrille, tout est flou. Je finis par glisser et me retrouver les mains et le cul dans la boue. Je vois déjà cette image sur la première page des magazines.

- Jace.

Des baskets blanches apparaissent dans mon champs de vision. Une jupe à fleurs grotesques datant certainement des années 70, un pull troué et trop grand, une écharpe jaune, de longs cheveux dorés qui lui arrivaient auparavant aux épaules.

Des yeux si bleus.

Un visage de lumière.

Le jour se lève.

- Maman ?

Le Jeu [B&B]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant