Round 12

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Jonathan

J'éteins enfin le four brûlant et, complètement vidé, contemple mon travail culinaire. Le velouté de potimarron patiente sagement avant d'être servi dans de belles verrines que j'ai pris soin de choisir au magasin. Le gratin Dauphinois et son coq au vin sont prêts depuis cet après-midi. Je viens de terminer le dessert et je n'ai qu'une envie : aller me coucher. Mais ce soir est le grand soir, le dîner tant appréhendé entre ma sœur et mon petit-ami. Laury et Jace... autant dire chien et chat. Je me suis levé à quatre heure du matin pour concocter le menu sur lequel je me suis attelé jusqu'à présent. Le soleil chute lentement vers l'horizon et je ne me suis même pas préparé. Je pense au vin français de date qui m'a coûté une fortune en montant dans notre chambre et je frissonne à l'idée d'une dispute entre les deux. Si ils ne s'adoucissent pas avec mes profiteroles, je ne pourrais plus rien pour eux.

Quelle merveilleuse surprise m'attend près du lit, le genre de cadeau qui se débarrasse de la fatigue à notre place. Jace, vêtu d'un polo bordeaux rentré dans un pantalon chino bleu marine que je verrais bien voler à l'autre bout de la pièce, embaume d'un parfum boisé qui vient me séduire. Pour une fois, ses boucles rassemblées en un chignon parfait n'osent pas la fuite. Il enfile une montre argentée à son poignet gauche, le visage penché, sans me voir. Je suis en face d'une page de magazine taille humaine, et quand sa langue humidifie innocemment ses lèvres sèches, la nature de ce magazine ne me paraît plus très chaste.

- J'espère que tu seras bientôt fessement prêt.

- Comment ?

- J'ai dit que tu es vraiment magnifique, tu fais battre mon cœur.

- Si tu le dis.

Et il se détourne pour s'asseoir avec flegme sur le bord du lit défait. Ses yeux captent les derniers rayons du soleil à travers la fenêtre.

- Qu'est-ce-que tu as ?

Il y a quelque chose dans le regard de Jace qui l'a rendu si populaire. Ce ne sont pas seulement des yeux perçants qui te trouent une balle et se contentent de te laisser pantois. Ils t'ensorcellent avec cette audace brute et cette autorité perceptible dans un bleu qui te hérisse les poils. Ils sont parfois d'une puissance qui t'écrase à t'en couper le souffle, d'un charisme qui te rend pitoyable. Et ils parlent, si bien que je n'ai pas à en demander plus. Il m'en veut et oser ajouter quelque chose, c'est oser sauter d'une falaise les mains et les pieds joints. J'ouvre la bouche à deux reprises pour ne rien dire.

- Je te pose la même question Jonathan : qu'est-ce-que tu as ?

- Je... rien... p-pourquoi ?

- Tu n'es plus avec moi en ce moment. J'ai l'impression d'avoir une liaison avec la solitude bien plus qu'avec toi et... merde, on dirait que je suis un psychotique qui se dispute avec son mec parce qui le soupçonne de le tromper ! T'étais où hier soir ? Et tu n'as pas intérêt à me mentir.

- Avec Laury. Je te l'ai dit, on-

- On, on, on ! Je n'entends que ça depuis des semaines ! Ce n'est pas parce que tu es le premier homme que je... Ce n'est pas parce que tu as trouvé une soudaine passion pour cette folle que je ne peux pas être... être...

- ... être ?

- Jaloux putain de merde !

Il se lève, se poste devant moi avec l'index pointé vers moi. Je dois me faire violence pour contenir le sourire et la satisfaction de cette révélation en me mordant les lèvres.

- Tu me fais subir bien trop de contrariété, Jonathan Ray.

- Je suis désolé.

- Ah oui ? Et tu peux m'expliquer ton sourire ?

Le Jeu [B&B]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant