La routine

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Jonathan

Je regarde mes œuvres d'art et de goût avec admiration. Les petits cupcakes multicolores ont l'air si appétissants qu'il n'y a pas besoin d'être addict au sucre comme Jace pour s'y jeter et les dévorer. Le cake au chocolat et à la cannelle m'inspire un bon thé chaud avec une part de ce petit délice lors d'une journée aussi pluvieuse que celle d'aujourd'hui. Pour finir, la tarte à la crème me fait penser à celle dont je rêvais enfant et que je n'ai jamais eu.

À l'aube, nous nous étions retrouvés devant nos chambres respectives, nous sommes salués d'un dernier regard indéfinissable, et nous étions rentrés afin de finir notre nuit de sommeil. Mais il était improbable que je daigne fermer l'œil après ça. J'ai cogité dans mon lit, tourné sur moi-même avant de conclure que je ne dormirais pas. Je n'ai aucune passion qui me permet d'éloigner des heures d'ennui comme le fait Jace avec la peinture et le dessin. À part visionner des films romantiques en rêvant d'amour, mes activités en dehors de mon travail se limitent à l'observation attentive des passants que je fixais depuis mon ancien balcon. Et sans savoir pourquoi, je me suis retrouvé à la cuisine. Avec toutes les sucreries, et tous les ingrédients pour confectionner les meilleures gourmandises, j'en suis venu à cuisiner.

Je ne résiste pas longtemps aux cupcakes, et m'empare d'un à la couleur bleu cyan, copieusement garni de sucre glace et de confetti colorés. Je m'enferme dans la salle de bain après m'être assuré qu'il n'y avait aucune présence gênante. Tandis que je compose le numéro que je redoutais tant, je mords dans le glaçage qui titillent mes papilles et crée des petites explosions sucrées dans ma bouche. Je porte mon portable à l'oreille.

- Allô ? fait une voix douce.

- J'aimerais acheter vos services, dis-je de but en blanc.

- Votre nom, demande t-il simplement.

- Jonathan Ray.

Aucune marque d'étonnement, pas de silence gênant, juste un professionnalisme déconcertant.

- Qui dois-je chercher ?

- Laury Harper, la réalisatrice qui apparaît dans tous les magazines people.

- Que voulez-vous savoir ?

- Tout.

- Où dois-je me rendre pour l'acompte ?

- Mon ancienne résidence à Boston, dans le Quartier des Théâtres. Je vous enverrai l'adresse.

- Bien. Je vous contacterai lorsque j'aurai terminé.

Et il raccroche. C'était tout. D'un appel désespéré, j'avais pisté Laury, et je ne m'arrêterai pas avant d'avoir trouvé son identité. Laury Harper n'est pas la créature de violence et de tourmente qu'était la femme aux yeux verts, mais un monstre de mystères et de secrets. Sa part d'ombre m'avait pourtant frappé à l'instant où j'avais posé mes yeux sur elle, alors que son parfum acide se resserrait comme des serres invisibles sur moi. J'avais décidé de l'ignorer. Grossière erreur.

Quand je sors de la salle d'eau pour me diriger vers la cuisine, je tombe sur le dos musclé et hâlé de celui qui me tente plus que tous les cupcakes du monde. Lorsqu'il se retourne, je découvre sa bouche barbouillée de glaçage rouge, rose et vert, comme si il avait déjà avalé trois cupcakes différents, ce qui m'arrache un rire. Son regard comme l'océan m'inonde d'un sentiment maintenant si familier, que mon cœur en connaît toute la consistance, la forme et la couleur.

Après cette nuit de cauchemar, espérer dormir était absurde, et rester dans ma chambre engloutit par la nuit était effrayant. Dans l'idée de me changer l'esprit, j'étais prêt à passer la nuit à visionner des films passionnels, avant que je n'aperçoive l'escalier qui surgissait d'un carré lumineux, dessiné au plafond. Je n'avais même pas remarqué qu'il y avait une trappe au fond du couloir, et qu'elle accédait à un grenier mystérieux dont s'échappait des couleurs attirantes. Et si Jace s'y trouvait, les long-métrages à l'eau de roses semblaient moins divertissants. Je m'y suis rendu.

Le Jeu [B&B]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant