Déclarations

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Jace

Surprise. Choc. Joie. Reconnaissance. Bonheur. Incertitude. Certitude. Désirs.

Et quelque chose dont je ne connais pas encore la nature.

J'arriverais peut-être à le comprendre, un jour. Ce qu'il a vu de si plaisant pour pouvoir tomber amoureux d'un type comme moi.

Le fauteur de trouble, l'alcoolo, le fils à maman égaré dans ses regrets.

Le gars qui ne croyait même pas en lui.

Moi. Parmi tant d'autres, une foule de gens qui payeraient pour une nuit d'amour avec lui.

Il m'a proposé de me m'accompagner pour des nuits entières de manèges et de vertige.

J'adore ses yeux. Pour avoir vu dans les miens quelque chose d'assez beau pour en être charmés. J'effleure ses cils du bout des doigts, retombe sur l'arrête de son nez droit, et dessine tout ce sur quoi je ne pourrais pas mettre de mots sur son bras. Mon cœur est un oiseau qui vole à tire d'aile, prêt à atteindre les nuages, et il trépigne de voir les hauteurs d'un ciel aussi bleu que l'un de ses yeux. Il ne sait même pas de quoi il bat, si c'est d'amour ou de reconnaissance, d'amitié ou de désirs. Je me suis moqué de Laury Harper en sachant pertinemment qu'elle avait raison. Je ne suis pas foutu de savoir quel est ce truc que cet homme aux cheveux de blés fait trembler dans mon pauvre petit cœur indécis.

Jonathan regroupe trop d'amour, bouleverse mes connaissances, fracasse mes fondations. Il est désir charnel, amitié précieuse, morceau de nouveautés et de découvertes. J'étais certain de ne jamais vouloir coucher avec un homme, et pourtant je veux de ce corps contre moi. Le lécher, l'embrasser, le toucher. Je souhaite m'en repaître encore et encore.

Je n'avais jamais été assailli par tant d'émotions à la fois, comme si mon esprit valsait entre plusieurs cavalières, et ne savait pas avec qui terminer sa soirée. La peur ? La joie ? Il a choisi l'envie. L'envie dans mon corps et mon cœur, encore galvanisés par sa déclaration, par autant de tendresse que de gravité dans son regard.

Je lui ai fait l'amour.

Et je ne lui avouerai pas que j'ai apprécié le sexe avec un homme plus qu'avec toutes la femmes que j'ai touchées.

Il ouvre ses yeux encore embrumés de sommeil sur moi, et me sourit d'une douceur qui prend un autre sens.

- C'est toi qui me regarde pendant que je dors maintenant ?

Un vent glacé se précipite dans la cabane, la nuit tombe. Je me redresse pour attraper une autre couverture, mais il tire sur mon bras et se réfugie contre ma poitrine. Ses doigts font des dessins sur mon dos tandis que son visage vient se nicher dans le creux de mon cou. Il me hume avec avidité.

- Je suis pas une fleur.

- Non.

Ses lèvres trouvent les miennes.

- Tu es un jardin, un champs, une forêt entière de fleurs sauvages.

- Quel poète, dis-je pour masquer mon embarras. Combien de déclarations tu comptes me faire ?

- Un milliard. Jusqu'à ce que tu deviennes fou de moi.

Les caresses de ses mains m'exaltent d'un plaisir que je ressens à la seule vue de son sourire. Dehors, il ne pleut plus. Le ciel s'est vêtu d'une robe aux nuances de violet et de pourpre après la disparition du soleil à l'horizon. Elle devient chaque seconde plus obscure, abandonnant les couleurs pour la finesse d'un noir d'ébène paré d'éclats uniques qui s'allument une à une comme des diamants étincelants.

- Depuis quand ?

Depuis quand ? Où ? Pourquoi ? C'est ce que je me suis demandé pendant une décennie entière dans la forêt noyée sous la pluie, face à celui qui m'a craché des merveilles au visage. J'ai cru bon garder mes questions pour moi, mais la curiosité est une vicieuse qui parvient toujours à ses fins.

Il se redresse un peu et se tient sur son coude, m'étudie, me trouble sans le savoir. Son sourire qui n'était qu'un bourgeon de printemps devient une fleur dont les pétales épanouies et opalescentes resplendissent avec plus de grâce que les étoiles dans le ciel.

- Tu m'as un jour demandé pourquoi je suis venu sonner à ta porte alors qu'on ne se connaissait pas. Grand scoop, ce n'était pas pour faire du patin sur ton lac, avoue t-il dans un rire. Un jour plus tôt, je me suis rendu près de ton lac pour faire un shooting photo. Je me suis vite aventuré dans la forêt et je t'ai aperçu.

Il se lève et s'éloigne, emportant une chaleur dont l'absence me pousserait à l'enlacer encore.

- Tu ne peux pas te souvenir car tu ne m'as pas vu.

- Qu'est-ce-que je faisais ?

Je me mets en assise, buvant des yeux chacun de ses gestes et son corps nu frissonnant au contact de l'air vivifiant. Il déplie les derniers chiffons propres abritant les pinceaux que je n'ai pas encore utilisé. Il en choisit un avant de se placer sur moi comme il l'a fait il y a quelques heures.

- Tu regardais le ciel.

Et c'est comme si ma peau palpitait au contact du pinceau qui forme des ornements délicats et captivants sur mes avant-bras. Le souvenir d'un ciel enneigé surgit dans ma tête, dont les sensations procurées par ses coups de pinceau occultent toute pensée et raison. Je m'étais rendu à la cabane, traîné par le désespoir, rampant dans la souillure de mon chagrin, mes résolutions une nouvelle fois jetées à la poubelle. Je voulais boire et tout abandonner. Mais j'avais reçu un flocon sur le visage. Il neigeait.

Un présent nacré tombé du ciel.

Un signe ou le rappel trop beau et trop cruel que c'était déjà le cinquième hiver que je passais à clopiner dans ma merde.

J'ai pleuré tant cette simple vue me faisait mal.

Jonathan est tombé amoureux de moi quand j'étais au plus mal. Il n'a pas l'air de comprendre pourquoi mes bras s'enroulent fermement autour de sa taille.

- Après cela, je n'ai pas réussi à te faire sortir de mon crâne. Alors sur un coup de tête, je suis venu le lendemain chez toi.

Le pinceau remonte jusqu'à mon épaule droite, avant de retomber délicieusement jusqu'à l'un de mes tétons. Je trésaille et il en paraît satisfait. Jonathan crée des formes imaginaires sur mon ventre, autour de mon nombril, avant de cesser son regain de créativité à ma taille quand je lui demande la cause de son interminable silence après l'émission.

- Je voulais réfléchir. Est-ce-que mes désirs valaient la peine de briser notre relation ? Devais-je endurer tes rapprochements puis ta distance encore longtemps ? Devrais-je t'avouer que ça m'est insupportable et te dire que je suis amoureux de toi ? J'ai pensé partir du chalet, j'ai cherché la façon dont je pourrais rester ce que tu voulais que je sois sans trop souffrir.

J'abaisse les yeux et desserre mon étreinte, désarçonné par la culpabilité. Je croyais que ce n'était qu'un jeu. Ces rapprochements, ces défis qu'on se lançait d'un regard sans aller plus loin. Je faisais un pas en avant, motivé par les désirs, et un pas en arrière poussé par les peurs. Je n'avais pas compris que cette chorégraphie l'épuisait et faisait de moi celui que je tente toujours de fuir.

L'index replié de sa main gauche soulève mon menton et son regard caresse le mien.

- Je ne te demande pas de me voir tout de suite comme ton amour, j'attendrai ta réponse. Je veux juste que tu vois... plus loin. Pardonne-moi d'être si avide, mais regarde-moi. Touche-moi, Jace. N'hésite plus.

Il lâche le pinceau et prend mon visage entre ses mains. Mon visage devient le lieu favoris de ses lèvres voyageuses. Je sens ses cheveux chatouiller mon front, ses cils effleurer les miens.

- Je t'aime. Je t'aime. Je t'aime tellement.

Il rit quand il voit mon air incrédule, la surprise de mes yeux, le désarroi de mon corps figé alors que mon cœur bat plus fort.

- J'étais sérieux pour le milliard de déclarations.

Le Jeu [B&B]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant