S'occuper à vivre

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Jace

- Je vais le faire, ce film. Shooting photo, publicités, interview, séries, je ferai tout ce que tu veux.

Ni une, ni deux, ma manager me saute au cou en riant aux éclats. Elle me serre si fort que je crois mourir étouffé avant de pouvoir jouer quoi que ce soit. Elle se dégage un peu, mais me colle tout de même deux bisous baveux sur chaque joue, avant de sautiller partout dans une effusion de joie. Son visage n'est rien de plus qu'un sourire éclatant. Subitement, elle me pointe du doigt et plisse les yeux.

- C'est qui ?

- De quoi tu parles ?

Ses sourcils remuent de haut en bas.

- Aller Jace, fais pas l'innocent. Qui est l'heureuse élue ?

Ah, je comprends. Le sourire qui se dessine sur mes lèvres ne fait qu'attiser le feu de sa curiosité.

- Et qui te dis que j'ai quelqu'un ?

- Deux paires de gants sèchent sur l'un des radiateurs, et tu as sorti une autre doudoune, ce qui est étrange puisque tu es du genre à porter une seule veste jusqu'à ce qu'elle s'use complètement. De plus, l'autre veste dégage un parfum subtil.

Elle se serre un verre de jus de fruits, et me fait signe de regarder sur le plan de la cuisine.

- Tu ne fais jamais la vaisselle, tu as tendance à faire s'accumuler les assiettes jusqu'à ce qu'il n'y ai plus de place dans l'évier. Mais la vaisselle est nettoyée et sèche sur le plan, qui est très propre par ailleurs.

Je lui ai bien dis que ce n'était pas la peine de faire le ménage, mais il a insisté. Il a même frotté la grande casserole où j'ai fabriqué le chocolat, en la faisant briller de mille feux.

- Les arômes que tu as utilisés traînent encore dans les airs, ce qui veut dire que tu as fait ton chocolat il y a peu de temps. Pourtant, tu as utilisé une très grande casserole. Tu n'aurais pas pu tout boire tout seul en deux jours seulement.

Elle s'assied sur une chaise haute et croise ses jambes à la façon d'une diva.

- Et tu as changé. Tu ne patauges plus dans la solitude, tu paraîs plus.... léger.

- Tu es assez effrayante, Mira. Je ne sais pas si je dois être fasciné ou apeuré.

- Alors, j'ai juste ?

- Oui Sherlock. Tu aurais dû devenir agent secret pour le FBI plutôt que manager pour des stars capricieuses.

Elle hoche la tête.

- Oui je sais, j'ai raté ma vocation. Mais alors ?? C'est vrai ?

- Oui et non.

Je m'empare d'un paquet de guimauves et m'installe dans le salon. Mira me suit et prend place à côté de moi. Lorsqu'elle voit la bouteille de Jack qui n'a pas bougé depuis la fameuse idée de Jonathan, elle me lance un regard déçu, en colère et triste. Elle se lève pour la jeter, mais je l'arrête.

- Je ne boirai pas.

- Alors qu'est-ce-que cette bouteille fait là ?

- Parce que je vais sans doute boire un verre ce soir.

Elle soupire, et je vois le restant de joie disparaître en une seconde.

- Qu'est-ce-que ça veut dire, Jace ? Tu te moques de moi ?

- Non, dis-je dans un sourire. C'est... compliqué à expliquer. Tu vois, tout se passe dans la tête. Je sais que j'ai cette bouteille à proximité, que je pourrais la boire à tout instant, mais je repousse l'instant à chaque fois. Jusqu'à ce que je n'en ai plus vraiment envie.

- Et ça marche, ton truc ? me demande t-elle, sceptique.

- Pour l'instant, je résiste.

Elle hausse les épaules et prend une guimauve qu'elle avale avec une moue mitigée. Ma manager scrute la bouteille comme la pire des ennemies. Les yeux toujours sur Jack, elle me demande de nouveau :

- C'est qui ?

- Jonathan Ray.

Elle se tourne vers moi comme si je lui avais dit que je voulais partir vivre en Chine, tout abandonner, et ne plus jamais revenir. Ses gros yeux exorbités me font rire. Un instant, elle fronce les sourcils, cherche sur mon visage une trace de plaisanterie.

- Le Jonathan Ray ?

- Lui-même.

- Mais... et tu... vous... je ne savais pas que tu aimais.... tu sais je suis ouverte à tout, c'est juste que je n'étais pas au courant. Tu restes le même pour moi, Jace.

- Quoi ? Non Mira, je ne suis pas homosexuel.

Cette nuit là dans la cabane, ses lèvres avaient le goût du chocolat. Et je m'en suis délecté. Je me demande si je ne suis pas, enfin de compte, entrain de le devenir. Où serait-ce mon inactivité sexuel qui me fait défaillir devant le premier venu ? Il faut que je sorte de ce chalet et que je rencontre du monde. Que j'embrasse, que je m'enivre, que je fasse l'amour. Sinon je crois bien que la prochaine fois que j'apercevrai Jonathan, je ne pourrais pas empêcher mon corps vorace de goûter le sien.

- C'est un ami.

Elle hausse les sourcils, ouvre la bouche, sous le choque.

- Pourquoi tu sembles plus étonnée que je me sois fait un ami que par le fait que je puisse faire un coming out ?

- Parce que tu es associable. C'est bien grâce à ton talent, ta beauté et la chance qui tu as pu devenir aussi populaire, me dit-elle franchement.

Je pose une main sur ma poitrine et la regarde, outré. Mais elle se contente de sourire. Ses yeux pétillent alors qu'elle m'observe avec curiosité.

- Simple ami ou amant, je le remercie. J'ai l'impression de faire face à un nouveau Jace, pour cette nouvelle année 2019.

Elle me fait signe de regarder sur la grande table de la salle-à-manger.

- Tu devrais aller lire le synopsis de ton prochain film.

Le Jeu [B&B]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant