Colocataire

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Jace

Mon cœur est une dynamite prête à exploser à tout moment. Merde, putain de merde. Mais qu'est-ce-que j'ai encore fait ? Et si il était sérieux ? Et si il partait, là, tout de suite, pour aller clamecer ? Il me dévisage longuement, avec je-ne-sais-quoi dans le regard qui me terrifie quand je n'en connais pas la nature.

Son aveu m'a porté un coup dans les jambes, la tête et le cœur. J'ai pris conscience que je ne le connaissais pas encore, ce grand ami avec lequel j'essaie de me rattraper pour toutes mes années perdues. J'ai voulu un meilleur ami tout de suite, sans savoir que ce n'était pas possible. Je me suis senti idiot et plus découragé que si j'avais bu un verre de cognac après tant de jours d'abstinence. Et mon souffle coupé, mon cœur battant, témoignaient de l'affection que je porte pour cet homme cassé. J'aurais aimé lui faire la morale, lui hurler d'arrêter ces conneries, mais qui suis-je pour lui reprocher quoi que ce soit ? Jonathan Ray s'éloigne et tendre la main ne suffit pas pour le rattraper.

À ce moment là, comment aurais-je dû réagir ? L'enlacer et lui dire que tout irait pour le mieux ? Je n'ai pas pu. Il fallait... que je sache si il n'avait réellement plus aucun espoir. Si, devant la mort, il ne regretterait rien. J'ai fais ce que je fais de mieux : ne pas réfléchir.

En le fixant, je fais la seconde chose que je fais le mieux : regretter. Quand, un rire subit déchire le silence de la nuit, je sursaute et recule. Ça y est, il est tombé dans la folie.

- Je n'irais pas, Jace. Alors cesse de prendre cette tête de constipé. Mais ça ne veut pas dire que je ne suis pas sérieux.

- Donc, tu retomberas toujours dans ces phases ?

- J'ai bien peur que oui. Je suis avec toi, et je me sens bien malgré  l'eau glaciale. Mais lorsque je suis seul, je perds la raison et je n'arrive plus à penser normalement.

Il passe une main dans ses cheveux pour enlever les mèches qui se collent à son front. Le bleu de son œil gauche embrasse la lumière de la lune. J'attrape son poignet et contemple ses cicatrices encore récentes. Il tente de se dégager, mais je le retiens fermement et dépose mes lèvres sur chaque coupure.

Il tressaille.

Je me délecte.

Si seulement un baiser pouvait parvenir à effacer un mauvais souvenir, j'en parsèmerais son corps et mes lèvres seraient siennes. J'ai froid, mais cette vision n'est pas mal. Les gouttes d'eau salée s'écoulent sur son visage et sur ses cils blonds presque transparents. Ses yeux, qui ne m'avaient jamais paru si beaux sous la clarté blanchâtre d'une lune plaine, me scrutent curieusement. Soudain, une idée émerge.

- Tu as bien dit que lorsque tu étais seul, tu n'avais plus les idées en place ?

Il hoche la tête.

- Alors tu n'as qu'à venir vivre chez moi. Tu seras mon colocataire.

Le sourire qui se dessine sur sa bouche vole la vedette à la lune.

- Ça veut dire que je vais pouvoir le regarder, ce film romantique avec toi.

Le Jeu [B&B]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant