Résolution

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Jonathan

- Ce jeune acteur avec qui tu joues... Jace... Alexander je crois, c'est lui qui t'as amené à l'hôpital. Les rumeurs disent qu'il a réveillé tout l'hôtel où vous logiez en hurlant comme un loup. Il aurait dû être plus discret, car si il y avait toute votre équipe de tournage dans cet hôtel, il y avait aussi quelques journalistes. Mais... je ne peux pas lui en vouloir, qui peut garder son calme dans ce genre de situation ? Surtout quand on est proche comme vous l'êtes, dit mon père avec le sourire de celui qui sait tout. Au lieu de se précipiter sur Jace, les paparazzis sont allés dans ta chambre et ont tous fouillé, ces fils de chien. Je le sais parce que Laury me l'a dit, elle s'en veut de ne pas avoir été assez rapide pour les contrer. Elle m'a tout de suite appelé et j'ai pris le premier vol pour me rendre ici. Tu étais dans un état très critique. Les médecins m'ont dit que tu n'étais pas habitué à ces antidépresseurs et qu'il suffisait que tu en prennes trois de plus pour que ça tourne mal. Mais tu as vidé presque la totalité des deux boites en plus d'avoir consommé un peu d'alcool, ils ne savent même pas comment tu as pu tenir. Ils t'ont mis dans un coma artificiel. Le médecin m'a expliqué qu'ils t'administraient des médicaments pour que ton corps ne souffre pas... enfin ça fait trois jours que tu es dans le coma, j'ai bien cru que tu ne te réveillerais pas...

Il lève les yeux pour contrôler ses larmes, fronce les sourcils et serre ma main qui ne fait plus qu'une avec la sienne.

- Je n'arrive pas à contacter Sang Min, les médias se sont complètement emparés de cette histoire et il paraît que ton ami est de nouveau dans l'alcool. Cela fait deux jours que tu t'es réveillé, les médecins disent que tu es dans un état stable mais que tu devras être suivi par un psychiatre avant de sortir. Oh et j'ai appelé Laury, elle ne devrait pas tarder.

Je ne me suis pas réveillé. C'est ce que je me dis pour ne pas fondre en désespoir devant lui. Voilà le cauchemar dans lequel je suis né, dans lequel j'ai toujours vécu. Les coups de ma chère maman, mon meurtre, mes dépressions, l'oubli de ma propre sœur... et maintenant ce chaos. Un cauchemar réel. Mais qu'avais-je donc fait ?

Après cette matinée où nous avons rompu, je me suis senti moins dévasté que j'aurais cru l'être. Pour autant, je n'étais pas assez fort mentalement pour revivre seul. Je me suis donc rendu chez Laury qui m'a semblé être aussi heureuse de m'accueillir dans son grand appartement, que malheureuse de me voir aussi inerte. Il n'y avait rien d'autre dans ma tête qu'un étrange calme, un silence presque imperturbable qui me cloisonnait de tout. Je ne pensais à rien, et déjà cette matinée semblait vague, comme si elle s'était déroulée il y a des années et que je commençais à l'oublier. Je ne pleurais pas, ne riais pas, faisais ces sourires habituels, m'égarant dans une curieuse torpeur que les médicaments toujours plus nombreux façonnaient. Je me surprenais à ne penser ni à Jace, ni à ma dépression. Je me perdais dans des sortes de non-pensées, un espace vierge ou même les choses les plus anodines ne passaient plus.

Ce creux, je l'ai ressenti jusqu'à ce nouveau voyage en Alabama, afin de tourner la scène tant redoutée. Ce n'est que lorsque j'ai revu Jace, le bleu de ses yeux dans un monde redevenu gris, que tout est parti en éclats. Lorsque nous nous sommes retrouvés sur le plateau de tournage, à l'instant où je me suis tourné vers lui, je me suis arrêté. C'était comme si tout repartait de nouveau. Si je n'étais pas parti dans la direction opposée à toute vitesse, je l'aurais embrassé devant toute l'équipe de tournage. Et puis lorsque je suis retourné dans ma chambre, je me suis senti toucher les profondeurs noires d'un océan sans surface. Mais... pour la première fois depuis mes 10 ans, je n'ai pas voulu mourir.

- Je n'ai pas tenté de me suicider, parvins-je à dire. Je ne me souviens pas encore très bien mais... pour une fois... je ne voulais pas mourir.

- Répète ça.

Une jeune femme d'une vingtaine d'années pénètre ma chambre d'hôpital peinte d'un blanc hypnotique. Ma sœur s'avance vers mon lit comme un fantôme qui viendrait me hanter, les yeux cernés, le teint livide, l'éclat habituel de son regard presque éteint. Elle me demande de répéter ce que j'ai dit, luttant visiblement pour rester debout. Mon... notre père attrape une chaise et la place derrière elle, l'incitant à y prendre place. Mais elle reste figée, me fixant d'un air abasourdi.

- Je n'ai pas voulu mourir. Je ne me souviens pas de ce qu'il s'est passé mais je crois... que l'alcool m'a fait déliré. Je sais que j'ai pris deux comprimés en plus pour dormir d'une traite mais... je n'ai jamais voulu tout prendre.

Un soupir s'évade de sa bouche, elle se laisse lourdement tomber sur la chaise. Notre père tente une approche en caressant son épaule, mais elle rejette sa main d'un geste. La douleur qui fuse dans son regard vert me fait presque pitié.

- J'ai cru que tout était de ma faute. Je t'ai forcé à tourner cette scène devant cette maison, j'ai cru que tu n'avais pas supporté et que c'est pour cela que tu avais tenté de mettre fin à tes jours. Je m'en suis tellement voulue, je m'en veux encore. Jonathan... si tu ne veux pas continuer le film, je comprendrai. Si... tu ne veux plus me voir, dit-elle en baissant la tête, je comprendrai aussi.

- Je ne vois plus ma vie sans toi, Laury. Je voudrais encore et toujours te voir. Et pour le film... je veux le finir.

Les deux me regardent avec étonnement.

- Mais avant... je dois faire quelque chose.


Le Jeu [B&B]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant