Apaisée par le bercement du train, Clémentine s'était endormie. Ces dernières semaines avaient été éprouvantes pour elle, son handicap, sa séparation, le silence de sa fille et le regard de son entourage, pesant et réprobateur. Tout s'était enchaîné si vite. « Quelle femme courageuse » se dit Maxime qui la regardait dormir avec bienveillance, jamais il n'aurait imaginé lors de leurs adieux en juin qu'il se retrouverait dans cette situation aujourd'hui. Alors oui, leur vie commune était difficile et leur avenir incertain mais il ne regrettait pas une seconde son choix, il n'avait même jamais été aussi sûr d'être là où il devait être.Le train s'arrêta et Clémentine se réveilla en sursaut.
- On est arrivés ? Demanda-t-elle inquiète.
- On est partis il y a à peine une heure, rendors-toi. Lui répondit-il amusé.
Depuis l'appel du centre médical de Berck lui annonçant son adhésion au programme de rééducation, elle était excitée comme une puce et n'avait pas beaucoup dormi.
- Comment veux-tu que je m'endorme si tu me fixes comme ça ?
- Ok, ok. Je regarde le paysage, ça te va comme ça ? Dit-il sur un ton faussement sérieux.
- Viens plutôt contre moi, idiot.
Maxime vint s'asseoir à côté d'elle et l'enveloppa de ses bras. Elle cala sa tête contre son coeur.
- Maxime ?
- Mmmh ?
- Et si je n'y arrivais pas ?
- Tu vas pas recommencer !
- Ok ok...
Un silence s'installa. Clémentine gigota.
- Arrête de te tracasser, ça va bien se passer ok ? T'es forte, je sais que tu vas y arriver.
- Mais le mental ne fait pas tout Maxime.
- Essaie de dormir un peu, ça te fera du bien.
- Tu te vois passer ta vie avec une femme en fauteuil ?
- Tu me fatigues.
- Maxime...
- On a eu cette conversion mille fois ! Tu vas remarcher, je le sais.
Une ombre passa dans le regard de Clémentine. Depuis cette journée de novembre où Maxime était venu lui rendre visite à l'hôpital, ce jour où ils s'étaient enfin retrouvés, une angoisse s'était installée sournoisement dans un coin de sa tête. Et comme toutes les peurs qu'on n'affronte pas, elle avait grandit de jour en jour jusqu'à prendre toute la place. Il fallait qu'elle sache, même si la réaction de Maxime la terrifiait.
Elle décolla légèrement sa tête de son torse et le fixa droit dans les yeux bien décidée à vider son sac. Mais les mots restèrent coincés dans sa gorge, elle était incapable de prononcer le moindre son. Maxime, qui avait remarqué son désarroi, l'encouragea :
- Je vois bien que quelque chose te préoccupe depuis quelques temps. Tu peux tout me dire Clémentine, tu le sais ça. Parle-moi.
Elle prit une grande inspiration et se lança :
- Tu es persuadé que je vais remarcher.
- Oui, tu...
- Laisse-moi parler s'il-te-plaît, c'est déjà suffisamment difficile.
- Tu me fais peur, qu'est-ce qu'il y a ?
- Tu es là, tu me soutiens, tu prends tout sur toi...
Sa gorge se serra, ses yeux devinrent humides. Maxime posa délicatement sa main sur sa joue et garda le silence, lui laissant le temps de continuer à son rythme.