*Partie 1*
Il était une fois... et ils vécurent heureux toute leur vie et eurent beaucoup d'enfants...
*The End*
Générique de fin, petite musique... Je vois les petits yeux de ma fille briller, son petit nez se réhausser, elle me regarde, je sais à quoi elle aspire, elle rêve qu'elle aussi un Prince sur son cheval blanc viendra la chercher, je la prends dans mes bras, il est trop tôt, beaucoup trop tôt pour lui expliquer que ce ne sont que des histoires et que même si je les lui raconte en les embelissant encore plus, non, certaines histoires n'ont rien à voir avec un conte de fées... Le générique s'achève, elle dépose son doudou sur mes genoux et s'en va, et moi, je regarde cet écran enneigé, perdu dans le vaste monde de mes pensées, je garde en moi ce goût amer de déjà vu, mes yeux instinctivement s'embuent et ma gorge se noue, mon histoire est peu commune, il n'y a pas de mots assez forts de sens, juste la préférence de te pleurer plutôt que de ne pas t'avoir connu...
Il faudra remonter quelques années en arrière pour comprendre...
Moi, Nadiya, 24 ans aujourd'hui.
Pas besoin de description, gardez en tête que j'ai été élevé à la dure par un père difficile, qui préférait cogner qu'ignorer, je voyais plus souvent sa main que son visage, je baissais tellement les yeux que j'aurais pu finir vouter du dos par sa faute, ma mère était partie, j'étais trop jeune pour comprendre, mais assez âgée pour lui en vouloir, triste vérité, la compréhension à ses limites tandis que la haine est sans frontières, bref, je n'avais pas de tristesse, peut être un peu de solitude, j'étais la seule fille dans ce bordel sans nom, mentir serait ridicule alors j'avoue que j'aurais aimé que ça soit elle qui se prenne les coups, ceux que nous nous prenions et qui pourtant lui étaient destinés.
Nous ? oui, lui et moi, il était encore un peu trop faible pour s'opposer, de par son jeune âge, mais plus les jours passaient et plus je voyais ses tablettes de chocolat se former, wAllah que chaque matin je me demandais quand est-ce qu'il finirait pour être assez fort et le dérouiller comme le daron nous faisait, lui, 3 ans de plus que moi, 14 ans à son compteur donc 11 au mien, j'ai attendu, la bouche ouverte et pleine de sang, que vienne son tour de tomber par terre rouer par les coups...
Et je n'ai pas eu a attendre si longtemps...
L'enfer n'avait qu'un nom, celui de mon père, et le Paradis qu'un seul aussi, celui de mon frère... Je me souviens de ce jour comme si c'était hier, je rentrais de l'école, en retard de deux minutes, prête à prendre les coups, j'avais déjà enlevé mes boucles d'oreilles, il me les avait arraché une fois, mais pas deux, j'avais gonflé ma fierté à bloc et en poussant la porte, contrairement à d'habitude, j'ai ressenti comme une bouffée de liberté, il étais là, planté devant moi...
Nadir : Va dans ta chambre Diya, fait tes affaires, prend le stricte minimum, faut pas trainer
Je voulais regarder ce qu'il y avait dans le salon mais son corps forgé par la haine et tailler par la rancoeur faisait barrage, malgré ça je pouvais sentir l'odeur du sang se répendre dans tout l'appartement, ces poings avaient gardé la trace de cette douloureuse bataille, mais mon frère, tu te tenais encore debout, tu me l'avais promis, toi et moi, jusqu'au bout, envers et contre tout, envers et contre tous s'il le faut, toujours ensemble, j'ai eu de la chance de t'avoir toi et ces magnifiques ailes que tu venais de déployer...
Moi : Nadir ?
Nadir : oui ?
Moi : il c'est passé quoi ?
Nadir : t'occupes
Moi : il va revenir ?
Nadir : je jure sur tes yeux Diya qu'il reviendra pas, maintenant va dans ta chambre, prends des affaires, dépêche toi, pas toute ton armoire ok, le nécessaire, vraiment fait vite, il faut que j'm'en aille...
Je t'ai écouté, j'avais pas grand chose alors ce fut vite fait... Je t'ai cherché partout en sortant de cette chambre, et je t'ai retrouvé, dans la cuisine, assis, les coudes sur tes genoux et tes mains tenant ta tête, tu m'as vu, tu t'es comme essuyé le visage, ce que tu allais me dire n'étais même pas encore dit qu'il te faisait déjà mal...
Nadir : j'ai merdé Diya, j'vais devoir faire de la cabane, si je t'avais pas eu j'serai parti loin, mais t'es là et wAllah j'ai essayé, trahir ta confiance j'ai pas réussi, mais je vais te décevoir ..
Moi : Nadir, il se passe quoi ? qu'est-ce que t'as fait ?
Nadir : la police m'attends en bas, et il y a des inspecteurs au salon, c'est parti en couilles avec l'autre, il a pas supporté que je réplique, il a voulu shlasser, mais j'ai eu le dessus, Diya, t'es encore trop jeune pour te gérer toute seule, une dame va venir, on m'a dit qu'elle sera gentille, te laisse pas marcher sur les pieds et laisse personne te dire que j'viendrai pas te rechercher, parce que wAllah Diya, et j'ai qu'une parole petite soeur, j'viendrais, même si c'est dans 5 ans, je reviendrai te chercher !
Et c'est la dernière fois qu'on s'est vu. J'avais 15 ans et lui 18.
Juste assez âgé pour se prendre de la taule, bien assez cramer pour se prendre la peine maximum, plusieurs prisons et foyers dans le secteur ont eu raison de nous, je sais pas ce que tu deviens mon frère, mais je te dois la vie, j'ai foi en ta promesse et Ya Rabbi fera que toi et moi on se retrouvera, quoi qu'il arrive, au paradis...
Je l'aurai déçu lui aussi s'il avait vu ce que je suis devenue, j'avais pas peur de me battre, moi aussi mes poings étaient des armes et j'encaisser comme personne, ça m'a vallut plus de problèmes que de reconnaissance, très vite aucune famille ne voulait plus m'accueillir et j'ai passé plus d'un an, accrochée à cette fenêtre, à les voirs tous partir pour revenir encore plus abimés qu'avant, rien de très intéressant dans la déchéance d'un homme, rien de plus désolant que de n'avoir pour seul spectacle que la misère des enfants...
Je savais ce qui me pendait au nez... Je le savais, car tôt ou tard j'allais atteindre mes 18 ans... Ce jour est arrivé, bien plus vite que je ne le pensais, je l'appréhendais car mon âge m'ouvrirait les portes de la vie, tout en me laissant dans le néant de la mienne....