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Ce n’est que vers 6h du matin que j’ai eu réponse à toutes mes questions, lorsque la sonnette retentie dans tout l’appartement.

J’ai eu la peur de ma vie même si je n’avais pas dormi, je ne m’attendais vraiment pas à ce que ça sonne, vu l’heure.

Pendant que j’ouvrais, je regardais le triste spectacle de mon appartement, et je jetais un coup d’œil sur ce à quoi je ressemblais, mon maquillage avait coulé et je n’avais plus qu’un peu de rouge à lèvres.

Le dîner était toujours dressé mais devait désormais être congelé, l’odeur du gâteau chaud sortant du four s’était dissipée et la table du salon était recouverte de cendre.

Le cendrier débordait, quant à lui, de mégots tandis que flottait dans mon salon un mini nuage de fumée.

J’ouvris la porte et leur fis face.


… : Bonjour, vous êtes bien Madame Nadiya ****** ?
Moi : c’est moi-même, en quoi puis-je vous aider ?
… : On peut rentrer Madame ?
Moi : bien sur, allez-y, sur votre droite, installez-vous et ne prêtez pas attention au bordel
… : Nous ne sommes pas la pour ça mais pour vous parler de votre mari, Monsieur Mohamed Amine *****
Moi : je vous écoutes ?
… : installez-vous Madame
Moi : non c’est bon, je préfère rester debout
… : vous devriez vous asseoir Madame


Je me suis exécutée.


… : votre mari a eu un accident toute à l’heure Madame, un accident de la route, et il faudrait que vous nous suiviez à l’hôpital
Moi : mais… j’veux… il … il va bien ?
… : il n’y a aucun survivant Madame, nous vous présentons nos sincères condoléances


Sur le coup, je n’ai pas réagit, non, je n’ai même pas parlé, ni même pleuré, je me disais intérieurement que peut être ça ne serait pas lui, que tant que je ne l’aurais pas vu de mes yeux, je n’avais pas le droit de croire à leurs salades.

Je détestais les flics, et je ne pouvais pas leur faire confiance sur parole.

Je me levais, sans faiblir, je ne pleurais pas, loin de là, j’étais entrée dans une rage folle, je tremblais, je serrais les dents et je les fusillais du regard. Ils restaient neutres, comme s’ils avaient l’habitude.

Je les suivis.

L’Officier me fit signe de monter avec eux, dans leur voiture, j’ai accepté, sans sourciller car mon état ne me permettait pas de conduire, j’étais bien trop sous tension pour garder un œil serein sur la route.

Dans la voiture, je demandais l’autorisation de passer un coup de fil, le policier acquiesça de la tête et je compris qu’ils ne voulaient plus trop parler, peut être par peur de ne savoir quoi dire et quels mots employer.

Je composais son numéro, maintes et maintes fois, puis il a fini par enfin décrocher…


Moi : allo ?
… : ouai, allo, Diya ? 


Je me tu, le son de sa voix me rappela la raison pour laquelle j’étais entrain de l’appeler.

Je regarda dans le rétroviseur et pu lire la détresse qui se cachait au fond de mes yeux.

L’Officier se retournera, me regarda et me fit un sourire de compassion.

Je repris mes esprits d’un coup, comme si ce qu’avait dit l’Officier avait tranquillement fait son bout de chemin et que j’en avais enfin pris conscience…


… : Diya t’es là ?
Moi : hm.. oui… 
… : ça va pas ? Diya, parles moi Diya ! tu m’fais peur wAllah, tu veux que j’vienne ?
Moi : il… il…
… : qui il ? Moha ? Diya ?
Moi : il… il…
… : il, Moha ?
Moi : oui…
… : il se passe quoi avec Moha ?
Moi : je.. j’peux pas…
… : Diya répond la con de ta race, tu veux que j’vienne ? attend, bouge pas, wAllah j’arrive, attend, j’arrive Diya, arrête de pleurer je t’en prie, j’arrive !
Moi : Mehdi… j’veux mourir moi aussi…


J’ai laissé tomber mon téléphone à l’instant précis où j’ai prononcé ces paroles là, j’entendais Mehdi hurler même si mon téléphone se trouvait à mes pieds, l’Officier l’a ramassé et a demandé à Mehdi de venir me rejoindre à l’hôpital, le plus rapidement possible, qu’on lui expliquerait sur place.

Sur le coup, je n’avais pas compris pourquoi il ne lui avait pas dit, mais après coup, ces choses là ne se disent pas au téléphone…

Le reste du chemin se fit en silence, j’avais les yeux perdus dans le paysage, flouté par mes larmes.

Je suffoquais, l’Officier me tendis de l’eau et je la bue d’une traite.

Je ne savais pas si mon cœur ne battait plus ou s’il battait tellement vite que je n’arrivais pas à en distinguer les battements.

J’ai ouvert la fenêtre et j’ai laissé le vent caresser mon visage tout en fermant les yeux : je voulais m’évader, m’échapper, je pensais qu’en fermant les yeux, je finirais par me réveiller.

Soudain, la voiture s’arrêta et me tira brusquement de mon cauchemar…

J’ouvris les yeux et nous étions arrivés, au même moment, une voiture s’arrêta n’importe comment, à côté de la nôtre, Mehdi en sorti.

Lorsqu’il me vit sortir de la voiture et m’effondrer sur le sol, il couru immédiatement vers moi pour me soulever, d’un bras.

J’ai tenté de le repousser et de me relever par moi-même mais je n’ai pas réussi alors il m’a aidé à me relever et ensemble, main dans la main nous avons suivi les Officiers.

Je ne parlais pas, lui non plus, et à vrai dire personne ne parlait.

Nous avons pris l’ascenseur jusqu’au sous-sol, il ne savait pas encore ce qui se passait mais je pense qu’il s’en doutait.

On ne va descend pas à la morgue « faire un tour », et encore moins à 6h30 du matin.

Les portes de l’ascenseur s’ouvrirent.

J’ai cru que mon cœur allait sortir de ma poitrine, l’odeur qui y flottait était la même que celle qui flottait dans le service où Mohamed était hospitalisé, quelques mois auparavant.

Le personnel hospitalier que j’y croisais me dévisageait, comme s’ils partageaient ma douleur, comme s’ils avaient compris que ce soir, ma vie ne serait plus jamais la même, que ce soir, mon cœur cesserait de battre…

Une femme sortit d’une pièce dont les portes coupe-feu ont claqués derrière elle, elle me regarda…


Elle : Madame ***** ?
Moi : c’est moi…
Elle : veuillez me suivre s’il vous plait…


Je commençais à la suivre, complètement hagarde, elle se retourna et vit que j’avais du mal à marcher et que j’avais besoin d’aide, elle me tendis alors sa main, que je pris immédiatement, au même moment, Mehdi se leva…


Moi : non, reste là, je.. j’dois faire ça toute seule…


Il acquiesça d’un balancement de la tête et se rassit, les poings serrés, le visage crispé, les yeux déjà bien rougis.

Lorsqu’elle retira le drap de son visage, ce fut la fin, ma fin.

Car si avant je n’arrivai pas complètement à y croire, désormais, je n’ai plus le choix.

C’est bien Mohamed qui est allongé sur cette table et ce sont bien ses yeux qui se sont fermés à jamais…

« Ya Rabbi, pourquoi, pourquoi lui ? »



*** … Allah y Rahmou ***

Il était une fois : pff les contes de fées n'existent pas.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant