Nadiya, 19 ans et demi, a moitié morte.
Voilà, ça fait deux jours que je ne suis pas allée le voir, j’en ressens le besoin mais je ne peux plus me tuer à petit feu, il est encore dans le coma et c’est l’unique réalité qu’il faut que je retienne.
Je passe, de temps en temps à l’accueil demander si son état est stationnaire et si les analyses ont données des résultats. J’attends même parfois assise 1h au bout du couloir mais je n’arrive pas à me résigner à le voir.
J’ai beau me dire que c’est comme s’il dormait mais ça ne marche pas.
C’était un samedi matin et pour vous dire j’ai rien oublié de cette journée, je la connais par cœur dans les moindres détails.
Il faisait assez beau, on était au mois d’avril, les bourgeons étaient sortis et le soleil avec, je m’étais habillée classe, j’me rappelle plus comment mais je sais que c’était pas comme tous les autres jours où j’me rendais à l’hôpital en mode maison, je sentais que cette journée ne serait pas pareil et qu’elle allait changer ma vie.
Et effectivement, en arrivant, le Docteur m’est tombé dessus.
Tumeur au cerveau.
C’est ce mal qui rongeait l’homme de ma vie, une tumeur quasi indécelable et pourtant elle était là, 2,3 cm de diamètre. Elle pressait sur son cerveau, dans le cortex de l’humeur, du comportement, des sentiments et des souvenirs. Elle avait changé Mohamed, et elle allait changer ma vie.
Le Docteur parlait, j’essayais d’écouter tout en retenant mes larmes, il me fallait un maximum d’informations et surtout il fallait que je retienne tout, il m’a expliqué qu’elle était « cachée » et que c’est pour ça que les IRM ne donnaient rien, il aurait suffit qu’il accepte la biopsie, mais jusque là il l’avait refusé. Je n’étais pas au courant de tout ça et je lui en voulais.
Le pire était à venir : la tumeur était cancéreuse, ce qui ne facilitera en rien son extraction, quant au cancer probable du cerveau, il faudra attendre de l’enlever et suivre son état pour voir si d’autres métastases se forment, de plus son état de santé très faible n’offre pas de bonnes conditions pour l’opération, mais elle est inévitable et urgente.
Opération possible ? Oui
Chance de survie ? Faible
Risque de séquelles irréversibles ? Très élevé
Convalescence ? Longue
Il me parlait des risques de séquelles, le cancer pouvait être présent déjà de une, mais pour poursuivre, toute opération au cerveau comporte des risques quant aux autres nerfs, aussi, il pouvait s’en sortir haut la main et n’avoir que peu de convalescence, tout comme il pouvait s’en sortir mal et devoir réapprendre des tas de choses.
Le Docteur gardait son calme et moi, comment vous expliquer ça, j’emmagasinais toutes ces informations sans réellement les comprendre, j’essayais mais j’avais qu’une envie : pleurer. Il s’en ai rendu compte et a pris ma main affectueusement, comme pour me dire que ça irait, que ce n’était pas le premier qui avait ça et que ça ne serait surement pas le dernier.
Sauf que Mohamed, il n’y a en a qu’un.
Le Docteur est parti me laissant seule, je me suis dirigée vers la véranda et j’ai essayé de ne pas trop pleurer car je n’étais pas seule, c’était dur, voir même impossible alors j’ai laissé mon corps exprimer ce qu’il ressentait.
Je me suis réveillée, deux heures plus tard, dans une chambre d’hôpital, avec Sou à mon chevet, j’avais fait « une grosse crise d’angoisse », tu parles de l’angoisse, c’était bien plus que ça, j’étais au bout du rouleau et l’issue était condamnée avec un gros cadenas.
Sou : ça y est princesse, t’as finis de faire de jolis rêves ?
Moi : je crois pas, le cauchemar continue… ils t’ont dit ?
Sou : dit quoi ?
Moi : pour Moha !
Sou : Khalid m’a dit qu’il était dans le coma, c’est surement mieux comme ça au moins il souffre pas, il est avec lui là d’ailleurs
Moi : non Sou, les Docteurs, ils t’ont dit ?
Sou : ils ont trouvé ?
Moi : oui.. tumeur au cerveau.. elle est cancéreuse…
C’est tout ce que j’ai pu dire avant de fondre à nouveau en larmes, moi qui ne pleurait jamais avant, je me rattrapais, j’avais même pris de l’avance geh. Sou tremblait à l’annonce de la maladie mais elle ne pleura pas. Elle était forte pour deux car moi je ne l’étais plus.
L’infirmière vient et me tandis un mot. « Il a glissé du dossier, je pense que c’est de la part de Mohamed, concernant son choix de tuteur. » me dit-elle.
« Je peux pas infliger ça à ma mère Diya, je sais que toi, t’as la tête sur les épaules et tu feras ce qu’il faut pour moi, même si on te supplie l’inverse, tu penseras à moi en premier, n’ai pas peur Diya, quoi qu’il se passe je ne pourrais jamais t’en vouloir et je t’aimerai même si mon cœur cesse de battre »
Pas la peine de vous dire que je pleurais encore plus. Sou aussi pleurait maintenant.
Sou : c’est trop beau comme il t’aime…
Moi : c’est trop dur de l’aimer…
Sou : inchaAllah que ça devienne facile ma sœur, au moins maintenant tu sais…
Effectivement, Moha, grâce à ses rares moments de lucidité me rendaient à l’évidence : c’est lui, ça sera lui et ce à jamais.
Je me levais de mon lit avec difficulté, j’étais encore sonnée par les calmants et par ma crise d’angoisse mais il me fallait sortir d’ici. Il me fallait aller prévenir Khalti et toute sa famille car la réalité nous avait rattrapé trop vite et je ne pouvais plus assumer toute seule.
Il était désormais tant que sa famille sache la vérité car je voulais que nous soyons un maximum à le soutenir dans cette dure épreuve qu’il s’apprêtait à traverser, je voulais aussi que sa famille ait la possibilité de le voir, pour peut être la dernière fois.
Sou voulait m’accompagner, mais je lui ai dit que je ne préférais pas, je devais être seule à affronter ça et je ne voulais pas que Khalti en veuille à qui que ce soit d’autre à part moi.
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