« Ya Rabbi, pourquoi, pourquoi lui ? »
Lorsque Mehdi entendit mes cris, il se précipita dans la salle, aperçu le corps de Mohamed sans vie et se jeta sur le sol à côté de moi pour m’entourer de ses bras.
Il pleurait, mais pas autant que moi, je levais les mains vers le ciel et hurlais à tue tête « Ya Rabbi, pourquoi, Ya Rabbi, pourquoi ? »
Lentement, doucement, il réussi à attraper mes mains et à les serrer contre moi tout en me gardant contre lui, il me balançait de gauche à droite, tout en me disant que ça irait, que son frère reposait en paix…
Qui espérait-il convaincre en disant ça ?
Les heures passaient et j’avais dû quitter Mohamed, même si j’aurai voulu ne jamais le quitter.
J’avais été « installée » dans le hall.
J’avais le regard perdu et je regardais tous les passants, j’espérais trouver en eux une lueur d’espoir, une lueur de bonheur, quelque chose qui me dirait « Diya, sérieux, ça va aller, tu vas encore une fois surmonter ça, t’es forte, t’es plus forte que ça » mais en vain.
Je regardais partout, vraiment partout autour de moi et je me demandais comment j’allais pouvoir annoncer son décès à sa famille, notre famille.
Comment allais-je pouvoir le dire à sa mère, à ses frères, à ses sœurs ?
Comment allais-je pouvoir le dire à Khalid, à Sou, à ses autres frères du quartier ?
Comment pouvais-je tout simplement leur dire alors que je n’arrivais même pas à me le dire à moi-même ?
Mehdi était assis tout à côté de moi, il avait toujours ma main dans la sienne, il essayait parfois de me parler, mais avant même d’avoir prononcé le moindre mot, je sentais que sa gorge se nouait et qu’il lui était impossible d’en dire plus, il a essayé, plus d’une fois, mais n’a finalement jamais dit le moindre mot.
Moi, je ne pleurais plus. J’avais besoin de rompre la glace, de rompre ce silence qui, en plus de m’enfermer, me faisait froid dans le dos. Je ne savais pas de quelle façon le rompre ni si j’en étais capable, et encore moins si cela me ferait du bien de parler.
J’ai alors bafouillé la première chose qui m’est venue à l’esprit, la seule chose qui me permettait de me calmer depuis toute à l’heure, l’unique chose qui réussissait quelque peu à me rassurer.
« Innâ lillâhi wa innâ ilayhi râji'oune… »
Mehdi : t’as dit quelque chose Diya ?
Moi : A Allah nous appartenons, à Allah nous retournerons… »
Mehdi : inchaAllah
Moi : inchaAllah, c’est… c’était… un homme très bon Mehdi…
Mehdi : je sais…
Moi : c’était écrit hein ? c’est le mektoub, hein ?
J’ai répété plusieurs fois cette phrase pour essayer de me convaincre, de nous convaincre. Mehdi ne me répondit pas.
Je me suis levée, en prenant Mehdi par la main…
Mehdi : on va ou ?
Moi : j’peux plus rester ici… j’ai fait tous les papiers Mehdi… je… on… reviendra plus tard… faut… faut leur dire…
On a pris la route, silencieusement, Mehdi a mis du Coran dans la voiture, mais juste avant j’ai tenu à m’arrêter dans une Mosquée pour prier car c’était bientôt l’heure de Fajr.