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Hassoul, je m’installais sur le banc en dessous de ma fenêtre et commençais à ouvrir la lettre. 


« Diya, 

J’ai bien reçu ta lettre et toutes celles qui ont suivies.

T’as jamais lâché l’affaire toi non plus de me retrouver hein ? 

Moi non plus, même après 6 ans en cabane, j’ai jamais laissé tomber. 

Je t’ai fais une promesse que pour l’instant je suis pas en mesure de pouvoir tenir même si j’aurai aimé, mais ce n’est pas encore l’heure pour nous d’être réunis.

Bientôt inchaAllah.

Je suis fier de toi petite sœur, si tu savais, j’en ai passé des soirs en bas de ton bloc à te regarder et à t’espionner, j’ai vu que tu fumais, au début je voulais te massacrer puis j’me suis dit mahlich, t’as pas eu d’exemple tu t’es construit seule alors je dois pardonner.

Tu sais petite sœur comment je suis fier car tu prie, je t’ai même suivi à la mosquée et j’y ai prié en même temps que toi d’ailleurs.

Tu travaille aussi et t’as le permis, une petite voiture, en bref t’es indépendante, c’est tout le mal que je souhaitais pour toi, je suis fier de toi, que t’ai jamais baissé les bras et que t’ai jamais laissé notre enfance de merde prendre le dessus sur toi.

J’ai appris que t’étais fiancée, même bientôt mariée je crois inchaAllah, je savais pas si c’était un bonhomme Diya, mais maintenant je sais, ce n’est pas un homme, c’est un bonhomme et il t’aime de tout son cœur, t’as choisi un vrai rajel comme y en a peu de nos jours. De toute façon j’avais confiance, je sais que s’il a atteint ton cœur c’est qu’il le mérite. 

Je serai pas la pour assister à ton mariage, même si c’est ce que j’aurai espéré le plus au monde, donner ta main et la tenir jusqu’à ce que tu dises « oui » à la Mairie, mais je ne pourrais pas.

J’espère que tu trouveras la force de me pardonner, de pardonner le fait que je sois dehors et que je ne puisse pas être là, j’ai mes raisons, mais que tu ne comprendrai pas.

En tout cas pas maintenant.

Prends sur toi, encore une fois, et continue de me rendre aussi fier de toi que je le suis, tu m’as épaté et sah je suis fier d’avoir une petite sœur comme toi, plus fier que moi jamais tu trouveras. Tu as toute ma bénédiction et je sais que tu fais ce qu’il y a de mieux pour toi, cesse le haram, épouse le hlel, même si j’suis pas la pour donner ta main, l’Imam le fera pour moi, je veux pas vous voir dans le haram comme ça, même si j’aurai du être là, mahlich, la vie c’est comme ça…

N’oublie jamais que je t’aimes et que je serai toujours là derrière toi mais ce n’est pas encore le moment qu’on attend tant, je t’en supplie, pardonnes moi, et je t’en supplie n’oublie surtout jamais que personne, aucun homme, même pas ton futur mari, ne t’aimeras autant que ce que je t’aime moi, t’es tout pour moi et je suis heureux d’avoir une sœur comme toi.

A bientôt inchaAllah

Nadir. »


Ca c’est fait. 

Comment plomber Diya ? 

Comme ça.

Je me suis tue, j’avais le regard dans le vide, donc il était dehors, depuis quelques temps et il n’avait pas jugé utile de venir me serrer dans ses bras ? me dire que tout irait bien désormais ? il ne jugeait pas utile d’être mon tuteur lors de mon mariage ? 

Sans faire attention, j’ai commencé à pleurer, au début doucement puis après un torrent de larmes s’est déversé sur mon visage, mais toujours en silence, je voyais flou, je n’arrivais plus à respirer, ça devenait de plus en plus difficile, j’ai cru que j’allais étouffer, à ce moment là, Naouel est entrée dans le salon, la cuillère en bois dans les mains, quand elle m’a vu pleurer comme ça elle a hurlé sur Sofiane « APPELLE MOHA ET MEHDI VITE VITE »

Les deux geh, comme si c’était pas suffisant d’être tiraillé entre eux, de retrouver mon frère mais de pas pouvoir le serrer contre moi, et fallait qu’elle appelle ces deux là pour me réconforter, l’un qui fait le mort et l’autre qui se gâche !


Naouel : putain Diya qu’est-ce qui ce passe, pourquoi tu pleures d’un coup ? T’étais joyeuse tah les oufs et maintenant tu pleures ? 
Moi : tiens vas y lit 


J’ai confiance en elle, et je sais qu’elle ressens ce que je ressens, à ce moment là, la porte sonnait, Sofiane alla ouvrir tandis que Bilel avait entouré mon corps de ses tous petits bras, ce qui me fit pleurer encore plus, le voir entrain d’essayer de me réconforter alors que mon frère, avec ses grands bras si forts, pouvait le faire mais le ne faisait pas, venait de m’anéantir…

C’était Mehdi, avec Yasmina qui portait un bouquet de fleurs dans ses mains, surement pour moi, hassoul, j’en voulais pas, surtout pas de sa part, qu’elle réponde d’abord à mon Salam, ensuite pour les orchidées on avisera.

Lorsque Mehdi me vit dans cet état il s’apprêta à venir me parler quand je vis Yasmina l’en empêcher en plaçant son avant bras droit devant son torse, c’était subtil, quasi invisible, mais l’expression de surprise sur le visage de Mehdi beaucoup plus visible et du coup je pu apercevoir le geste qu’elle venait de faire.

Je levai ma tête, déconnectant mes yeux de cette main sur le torse de Mehdi qui l’empêche de venir me prendre dans ses bras, qui l’empêche d’apaiser ma peine, qui l’empêche de sécher mes larmes, et tombai sur ce visage qui me regardait sadiquement, oui, il n’y a pas d’autres mots, son regard ne cessait de répéter « pleures vieille meuf, mais c’est pas mon homme qui viendra te consoler ».

A mon plus grand désespoir, Mehdi ne fit pas de deuxième tentative pour s’extirper de ses filets, elle avait ce regard si fier, si hautain, si arrogant envers moi…

Je ne savais pas comment réagir, ni si Mohamed allait venir car comme vous le savez, je n’avais plus de nouvelles de lui depuis un certain temps maintenant, silence radio même.

J’entendais Sofiane dire à Naouel que Mohamed ne répondait pas, et moi j’étais là, impuissante, les larmes coulant sur mes joues, seule, entourée des bras de Bilel qui du haut de ses 6 ans essayait tant bien que mal de me réconforter, mais c’était peine perdue, les uniques bras que je voulais étant soit ceux de Mohamed, soit ceux de Mehdi, ou encore ceux de mon frère, Nadir…

Ils étaient tous là à me regarder pleurer, sans agir, Naouel vint également me prendre dans ses bras, et ses larmes se mélangèrent aux miennes, je fis signe à Sofiane de la prendre dans ses bras et de l’emmener loin de moi car je n’étais plus en mesure d’assumer mes larmes et les siennes.

En se levant, Naouel déclencha la fureur…


Naouel : wesh sahbi t’es sérieux là ?


Elle s’adressait à Mehdi, directement, elle s’était positionnée en face de lui, elle était à moins d’un mètre de lui et elle le poussa violemment et il alla directement se heurter à l’encadrement de la porte, ce qui fit également reculer Yasmina qui le tenait par le bras.


Naouel : t’es sérieux sahbi ?


Elle réitéra sa question, une fois, deux fois, trois fois, et Mehdi baissa la tête sans répondre. Ce qui l’énerva encore plus.


Nouria : t’es sérieux sahbi ? t’es vraiment sérieux ? tfou


Elle fis mine de cracher à ses pieds, ce qui fit réagir Mehdi qui la poussa violemment, Sofiane s’interposa en se mettant entre les deux, tout en poussant son grand frère.


Sofiane : wesh t’es sérieux mon frère ? pour une vieille meuf comme ça tu laisses tomber Diya ? tfou tu m’dégoutes, sah j’pensais jamais que tu ferais comme ça, wesh, toi, faire ça à Diya ? celle qui a toujours été là pour nous et surtout pour toi ? t’oubli vite mon frère, t’oubli trop vite !
Naouel : t’as vendu ton âme au Sheitan sahbi, elle t’a retourné le crâne !
Mehdi : vos gueules, j’vous ai pas demandé de parler !


Soudain, sans crier gare, Yasmina ouvra sa bouche.


Yasmina (se tournant vers Mehdi) : je t’avais dit bébé que c’était une mauvaise idée de venir ici et même de la côtoyer, tu voulais pas me croire, j’espère que maintenant tu me crois, elle t’apporte que des problèmes, regardes là putain, regarde là, même son futur mari la laisse tomber, lui au moins il a compris qu’elle était qu’une perte de temps ! 
Naouel : mais t’es sah là, fermes ta bouche, getlek elle t’apporte que des problèmes, ne parle même pas, tu sers à rien ! t’as pas compris qu’jamais il pourra abandonner Diya, hein Mehdi, jamais hein ?
Mehdi : tais-toi… Yas, ramasse ton sac, on s’en va !


Mehdi avait dit ça la voix cassée, comme s’il retenait ses larmes, mais le regard fin énervé, il regardait droit devant lui, en évitant de croiser le regard de ceux qui tentaient vainement de le lui fixer…


Sofiane : putain Mehdi réagit ! si tu pars, ne reviens plus parce que wAllah que ça va mal se finir quand Karim et tout vont être au courant ils vont péter un cable sur toi ! fait pas ça akhy, fait pas ce que t’aurais jamais fait si elle te montait pas le crâne !
Mehdi : ta gueule j’te dis !
Naouel : t’es qu’un lâche, t’entends, un sale lâche, putain mais jamais elle elle t’aurait abandonné ! putain t’es conscient de ce que tu fais ou tu l’es pas ? t’es qu’un bâtard, ouai un conard fini, jamais j’aurai pensé ça de toi, putain tu…
Yasmina : oh toi je t’interdis de parler à mon mari sur ce ton petite pétasse, elle a cas demander à son mari de venir la réconforter, moi vivante, s’te salope qui veut s’faire deux gars en même temps, elle aura pas mon mec, c’est bon j’suis là maintenant et Mehdi l’approchera plus !


Le seul truc qui a fait « ding » dans mon crâne, c’est le fait qu’elle venait d’insulter ma petite sœur puis ensuite moi et ce, sous mon toit. 

Je me suis levée le poing serré, il n’avait pas servi depuis longtemps mais ce sont des choses qu’on n’oublie pas, c’est comme le vélo, le jour où on apprend à se défendre et à donner des coups très violents pour protéger sa vie, on n’a plus de demi mesure. 

Toute cette haine que j’avais mis si longtemps à enfouir en moi, toute cette violence dans laquelle j’avais grandie, croyez moi ça forge un homme, Mehdi savait beaucoup de chose sur moi, sauf que j’avais été une Mohamed Ali au féminin, il ne savait pas ces choses sur moi mais réussissait à me les faire oublier sans même les connaître.

Aujourd’hui, tout cela se retournait contre moi, car même en ignorant ces choses fondamentales sur moi, il savait comment me briser, du moins il l’avait deviné, et il venait de la laisser faire ça, sans sourciller…

Je ne voulais pas qu’il prenne ma défense, mais tout au plus qu’il l’empêche de m’insulter, qu’il me montre qu’il avait du respect pour moi comme il le prétendait, qu’il me montre que rien ni personne ne pourrait se mettre entre nous, c’était la seule chose en laquelle je croyais avec mon amour pour Moha, la seule qui me permettait de tenir debout.

Je me disais qu’il y avait quelqu’un qui se préoccupait de moi comme un frère et qui ne me laisserait jamais tomber, coûte ce qui doive lui en coûter, mais là il venait, comme mon frère, de m’abandonner, sauf que mon frère lui, l’avait fait pour me sauver la vie, et lui, pour une vieille fille…

Je vais pas vous mentir, lorsque j’ai entendu les paroles de Yasmina, j’étais comme possédée, tout ce que j’avais voulu enfouir en moi venait d’être déterré par cette fille, toute cette haine, cette violence et cette colère que j’avais réussi à mettre de côté pour ne pas me bousiller refaisaient surface, comme si j’avais fait un bon en arrière, comme si la personne que j’avais en face de moi voulait me prendre ma vie, comme si elle devenait mon père, mon pire ennemi.

Tout ça, elle l’a fait ressortir, et je n’avais plus en tête de faire les choses bien, je voulais lui faire mal, très mal, qu’elle ai mal au point de me supplier d’arrêter, et à ce moment là je n’arrêterais pas, je veux la regarder dans les yeux et y voir de la souffrance, je veux la faire souffrir jusqu’à ce qu’elle n’ai plus d’autre choix que de supplier Mehdi de me prendre dans ses bras car elle aura compris qu’il n’y a que ça qui puisse m’arrêter, je veux qu’elle supplie Mehdi de me contrôler, qu’elle soit réduite à lui demander de me calmer comme il a su toujours faire avec moi…


Mais rien ne se passe comme prévu, quant on désire quelque chose, il ne faut justement pas la désirer, car quoi qu’il arrive, la déception risque de s’en mêler…



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Il était une fois : pff les contes de fées n'existent pas.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant