Allons-y.
Parlons de ma mère…
Pour ce faire, il va me falloir vous projeter dans le passé, puis un peu dans le futur, pas au moment de la chronique, mais il y a un an.
*** FLASH BACK ***
Maman est partie.
J’étais assez jeune, l’âge exact que j’avais, je ne pourrais pas vous dire, je pense que je devais avoir entre 7 et 9 ans. Mon frère était à peine plus grand (on a 4 ans de différence).
Comment vous expliquez ce que j’ai ressenti quand mon père nous a dit ça, j’ai d’abord commencé à pleurer et ensuite je me souviens avoir couru dans toute la maison à la recherche d’un signe comme quoi elle reviendrait et qu’elle n’était pas partie, mais c’était peine perdue. Ses placards étaient vides et même son sèche cheveux n’était plus dans la salle de bain. Son départ était prémédité, elle n’était pas partie à la va-vite. Elle avait tout pris, vraiment tout. Elle avait même pensé à réduire en mille morceau le cadre où prônait leur petite photo de mariage et qui se trouvait dans leur chambre.
Rapidement, la maison ne sentait plus son odeur, et j’ai appris à faire avec, cependant je me posais des tas de questions, pourquoi est-elle partit, pourquoi ne nous a-t-elle pas emmené avec, pourquoi si, pourquoi ça, mais dès que je demandais à mon père, il me rétorquait « si t’étais pas née, elle serait surement restée ». Du coup, pendant très longtemps j’ai cru que c’était de ma faute.
Pendant très longtemps je pleurais, au départ bruyamment mais mon père me frappait pour que j’arrête, bien sur, l’enfant que j’étais pleurait encore plus à cause des coups, ce qui n’était pas du tout du goût de mon père qui du coup me tapait encore plus, et de ce fait, petit à petit, j’ai appris à pleurer en silence, soit en engouffrant ma tête dans mon coussin, soit en me cachant sous la douche.
En grandissant, son départ était acquis et son absence pesait de plus en plus, les questions que je me posais aussi. J’espérais secrètement qu’elle revienne mais chaque année je perdais cet espoir car cela faisait bien trop longtemps qu’elle était partie. Jamais, non jamais elle n’a appelé quand mon père travaillait et qu’on était à la maison, ne serait-ce que pour avoir de nos nouvelles, non. Jamais.
De plus, mon père devenait de plus en plus méchant avec nous et violent, et ce qui fait que je lui en voulais, car je me posais des questions du style « et si elle était là, nous taperait-il ? » et je n’en aurais jamais eu les réponses car nous avons dû nous débrouiller seuls, mon frère et moi, et vous savez ce que mon frère a été dans l’obligation de faire pour que nous puissions nous en sortir vivants.
J’aurai pu dire « nous en sortir indemnes », mais nous ne sommes pas indemnes non, j’aurai des traces à vie sur mon corps et j’aurai des séquelles à vie dans mon cœur et dans mon esprit, souvent je fais des cauchemars quant à ce monstre et quant au départ de ma mère, cette traitresse.
Elle nous a abandonnés, sans se demander comment nous allions faire pour vivre sans elle, et si nous serions mieux seuls qu’avec elle d’ailleurs. Quoi qu’il en soit, avec le temps, on dit souvent que la douleur s’efface, au contraire, la mienne s’accroît de jour en jour car c’est comme si elle m’avait laissé sur ma fin. La vie que j’ai eue, je la lui dois, et c’est à cause d’elle que tout c’est terminé comme vous le savez.
Si elle avait été là, peut être que mon père serait en vie, Allahou ahlem, la seule chose que je sais c’est que même si mon frère avait fini par mettre fin à sa vie quand même, on n’aurait pas été séparé, il serait allé en prison et j’aurai pu garder contact car j’aurai vécu avec ma mère, à une adresse fixe et je n’aurai pas eu à être trimballée de familles d’accueil en familles d’accueil et de foyers en foyers.
La rancœur perdure. Si vous saviez. Elle m’a arraché le cœur en partant, ouai, elle m’a tué en nous quittant, c’est comme si toutes ses années je vivais en instance de quelque chose, d’un moment qui ne viendra pas, d’un moment perdu à jamais et qui du coup, m’a perdu moi aussi à jamais.
C’est comme si toutes ces années passées à me demander où elle était et qui je serais si elle avait été là n’avaient pas voulu s’écouler, c’est comme si j’avais stagné au moment où elle est partie et qu’encore aujourd’hui je cherchais ces biens si précieux qu’elle m’a pris : mon cœur, ma vie, mon frère, mon innocence et mon enfance…
*** RETOURN TO THE FUTUR ***
Je ne vais pas vous cacher la vérité. Je l’ai revu, après des années de recherches elle a fini par me retrouver, elle voulait tout m’expliquer et me demander pardon, c’était il y a peu, d’où l’envie de commencer à vous écrire une chronique parce que ma vie me pesait trop et que j’avais la trouille de trop compter sur les miens et de leur prendre tout leur temps à rabâcher sans cesse les mêmes histoires.
Je rentrais chez moi, c’était il y a 1 an à peu près, et devant ma porte se trouvait une femme toute vêtue de noir portant le hijab, quand je l’ai vu, j’ai immédiatement reconnu son visage, le visage d’une traitresse.
J’ai senti une rage folle monter en moi, je l’ai poussé du pas de ma porte et l’ai ouvert en la lui claquant au visage, malgré ma vive réaction, elle a frappé à la porte, pendant 1h sans se lasser de le faire, j’ai fini par ouvrir et lui demander des explications, toujours sur le seuil de ma porte, sans la laisser rentrer chez moi.
Fatiha. C’est son prénom. Assez petite en taille, un peu ronde, un grain de beauté sur le nez, en plein centre. Assez basanée et à mon souvenir à moi, elle ne portait pas encore le hijab et avait des cheveux assez courts et très bouclés. Je pourrais vous la décrire les yeux fermés, car on oubli souvent les personnes qui nous font du bien, mais n’oublions jamais les personnes qui nous ont fait du mal, et elle, elle est championne toute catégorie de cette discipline.
Elle m’a expliqué avoir été mariée de force à Farid, celui qui me servait de père, lorsqu’elle avait 16 ans. Elle a eu, l’année d’après, Nadir, issu d’un viol car elle ne voulait pas se donner à lui. Trois ans plus tard rebelote avec moi, elle m’a dit :
Fatiha : Nadiya, je ne l’aimais pas ton père je ne pouvais pas supporter son corps contre le mien, j’avais la nausée à chaque fois que je le voyais, c’était insupportable, je le faisais par devoir, pas par envie…
J’avais envie de lui rétorquer que moi c’était son visage qui me donnait la nausée, même pire encore, mais je n’ai rien dit, elle était les réponses à toutes ces questions qui me bouffaient l’âme, même si elle venait de me dire en pleine figure que nous n’étions pas nés par amour, juste par devoir.
Elle m’a expliqué avoir essayé, après ma naissance, de trouver quelque chose de bon en cet homme et qu’elle a essayé nous aussi de nous aimer mais plus nous grandissions plus nous lui ressemblions.
Elle m’a clairement dit « vous voir aussi me donnait la nausée », je me rappelle avoir voulu la gifler au lieu de ça je l’ai laissé rentrer chez moi, il fallait qu’elle voit que j’étais établie dans ma vie et que ce n’était surement pas grâce à elle, et j’avais pas vraiment envie qu’un de mes voisins surprenne la discussion et même, je ne voulais pas être vue en sa compagnie.
Finalement, après s’être installée et avoir scruté les moindres recoins de l’entrée au salon, elle m’a dit ça d’un soulagement tel que j’en suis restée consternée :
« Et puis je suis partie, il m’a fallut 8 ans pour trouver la force et le courage de quitter cet homme qui me faisait peur et qui me faisait du mal »
Je crois qu’elle voulait que je l’en félicite. Mais c’est beau de rêver. Et il fallait que je la réveille.
Moi : et pourquoi 15 ans plus tard tu viens ici et tu.. t’attends quoi de moi putain ?
Fatiha : le pardon ma fille, le pardon
Moi : je… tu rêves, et je ne suis pas ta fille, plutôt crever que de t’entendre dire ça !
J’en étais pas capable, je sais qu’on doit pardonner, mais je préfère la laisser seule avec sa conscience face à Allah, certes elle ne nous aimait pas, sinon elle ne serait jamais partie, mais revenir, 15 ans plus tard et me demander de pardonner ?
Son départ je l’avais pardonné, les conséquences qui en avaient découlées ? jamais, jamais je ne pourrais pardonner car elles m’ont détruites et ont été et seront à jamais très lourdes à porter.
Fatiha : il va falloir passer au dessus de tout ça, comme je l’ai fait
Moi : c’est facile pour toi, mais tu m’inspire que le dégout, surement plus que le dégout que Farid t’inspirait, tu sais pas ce qu’on a subi à cause de toi, t’es partie sans te retourner, tu nous as laissé avec ton monstre, tu croyais qu’il allait être comment avec nous hein ? crois moi, avec lui t’as connu le paradis toi, nous on a connu l’enfer ! J’étais trop petite, ton devoir de mère c’était de nous protéger, pas de prendre la fuite ! je te hais pour tout ça tu comprends ?
Fatiha : je ne pouvais plus rester avec lui, j’ai préféré le quitter, et vous lui ressembliez tellement…
Moi : non, toi t’as quitté ce que tu croyais être l’enfer en laissant tes enfants y bruler vifs, c’est ça que t’as préféré faire ! tu nous as tué, le jour où t’es partie, t’as volé nos vies avec, t’as tout pris, et tu semble pas t’en rendre compte !
Fatiha : vous lui ressembliez trop ! s’en était devenu insupportable pour moi !
Moi : regarde ce que tu dis, t’as pas honte, tu viens ici me demander le pardon et tu me dis des choses comme ça ? la preuve que tu sais même pas ce que c’est d’aimer même si t’ose venir me dire que t’as essayé de nous aimer et de nous protéger de ce type alors que t’es lâchement partie ! Je savais pas que partir c’était une protection pour nous, tes enfants, ta chaire et ton sang !
Et là, elle m’a tué…
Fatiha : je sais ce que c’est d’aimer Diya
Moi : je te permets pas de m’appeler Diya, ni de m’appeler tout court !!
Fatiha : Nadiy…
Moi : arrête ! tu m’a déjà trop salie !
Fatiha : je me suis remariée.. et …
Elle a arrêté de parler un instant, elle regardait dans le vide, comme si elle appréhendait de me dire ce qu’elle allait me dire, mais il était hors de question qu’elle ne le dise pas, c’était aujourd’hui ou jamais, ce temps de parole, je ne le lui accorderais pas une deuxième fois, trop éprouvant pour moi !
Moi : et ! PARLES PUTAIN ! tu crois que j’ai ton temps ou quoi ?
Fatiha : … hm… j’ai des enfants
Moi : ça merci bien j’le sais !
Fatiha : non Nadiya, j’veux dire.. après vous… et… mon mari est un homme bon, il m’a toujours poussé à vous retrouver, et à force j’ai sauté le pas
Moi : mais t’es sérieuse ? tu t’es remariée après t’as fondé une nouvelle famille ? putain comme si on avait jamais existé quoi ! donc j’ai des demi frères et sœurs ? starfAllah faut que j’me réveille c’est pas possible !
Fatiha : oui… t’en as… Djibril, il a 15 ans, Loubna, elle en a 10 et Bilel en a 4 et.. ils pourraient peut être connaître la chance d’avoir leur grande sœur ?...
Moi : tu sais quoi, lève toi et dégage, t’as pas honte de venir me dire que t’a pas réussi à nous aimer nous et que tu t’es tirée pour aller fonder une famille ailleurs et que j’dois pardonner ça et en plus que j’dois jouer le rôle de grande sœur avec eux ? tu te fous de ma gueule, faut que j’me réveille, ouai, faut que j’me réveille ! et toi sors d’ici, dégage, ne reviens plus jamais, barre toi !
Elle voulait pas bouger alors je l’ai tiré par le bras, de toutes mes forces, j’ai dû lui faire mal mais sah je m’en fichais, je l’ai mise devant ma porte et je lui ai claqué au nez de toutes mes forces, je vociférais à travers « dégage, ne revient plus, sors de ma vie, ça fait 15 ans que t’es morte pour moi, alors continue à l’être »
Je.. comment expliquer la haine que j’ai pour cette femme, elle revient la bouche en cœur en me disant que nous lui donnions la nausée mais qu’elle a fondé une nouvelle famille et qu’elle aimerait qu’on les rencontre et qu’on les aime ? mais alors ça jamais, j’en suis incapable et qu’Allah me pardonne, mais c’est largement au dessus de mes forces…
Quand j’étais petite je pensais que c’était nous les fautifs, et effectivement, elle a débarqué plus tard en nous accusant de « trop lui ressembler », s’en était trop pour moi et qu’Allah m’en soit Témoin, j’ai beaucoup pleuré car je ne comprenais pas pourquoi ma maman m’avait laissé seule avec un monstre, et un frère trop petit pour nous défendre.
On s’est forgé et construit sans elle, avec le temps j’ai inconsciemment transformé cette peine en haine et je n’ai pu la mettre de côté, il faudrait, mais je crois qu’il me faudra une vie entière pour y arriver.
J’essaie depuis de ne pas en vouloir à ses enfants car après tout ils n’ont rien à voir dans notre histoire, mais pour l’instant je n’en suis pas capable et je ne les ai pas rencontrés.
*** BACK TO THE PAST ***
Le lendemain de ma soirée avec Lamia, elle s’était levée plus tôt que moi et était partie, moi la veille j’avais beaucoup cogité et je n’avais pas réussi à fermer l’œil aussi rapidement qu’elle.
Je descendis de chez moi pour chercher le courrier, et me souvint alors que y a quelques jours, avant de rencontrer Naouel, j’avais trouvé une lettre et que j’avais oublié de la lire, ça m’était tellement sortie de l’esprit que j’en avais même oublié l’endroit où je l’avais mise.
Je suis rentrée en catastrophe, j’ai fouillé tout l’appartement et impossible de remettre la main dessus.
- Message groupé : Sou, Tissem, venez vite à la maison, trop trop trop besoin de vous, mission chasse au trésor –
Sans attendre elles étaient là.
Tissem : y a quoi ma sœur ?
Sou: eh ouai, au saut du lit la gadji
Moi : truc de fou je perds la boule
Sou : comment ça ?
Moi : l’autre jour, quand j’ai rencontré Naouel
Sou : ah la gadji de la cave ?
Moi : ouai ouai, celle que j’ai gardé chez moi une semaine jusqu’à que mon ancien foyer la prenne, ben j’avais eu une lettre bizarre
Tissem : une lettre bizarre ? de quoi elle parle ?
Moi : justement, j’sais plus où je l’ai mise et je l’ai même pas lu, en entendant Naouel pleurer, je l’ai mise dans le reste du courrier et j’suis descendue à la cave et depuis j’avais oublié
Tissem : sah t’es une grande déconneuse, imagine ça vient de ton admirateur secret ?
Sou : hahaha non sah imagine ça vient de ton frère ?
Moi : oh putain non non non les filles faut que j’la retrouve ! j’ai retourné tout l’appartement, je la trouve plus !
Tissem : waaaa c’est plus une tempête qu’y a eu dans ta chambre, c’est un ouragan geh
Moi : ma parole j’ai fouillé partout j’ai tout jeté par terre rien à foutre faut que je la retrouve
Sou : et on doit faire quoi nous la dedans ? tout jeter par terre avec toi ?
Moi : voilà, t’as tout compris, faut que j’la trouve !
On a fouillé genre 30 min à trois dans chaque pièce et impossible de remettre la main dessus, Sou arrêtait pas de me dire « réfléchi t’étais à la boîte aux lettres, t’es descendue à la cave, t’es remontée avec Naouel et t’as fait quoi ensuite ? t’as mis où tout ton courrier », comme si c’était possible de me souvenir d’un truc qui avait eu lieu y a genre 3 semaines, putain je devenais folle !
Moi : mais comment j’ai pu perdre ça putain ? imagine c’était une lettre de mon frère ?
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