East Williamsburg

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- Mais où-est-ce qu'on va ? demanda Alex.

- Tu le sais où on va !

- Mais attends-moi ! C'est pas la peine de marcher si vite !

- Le lieu vient d'être dévoilé sur Twitter. On n'a pas beaucoup de temps ! dit Scott, les yeux rivés sur son portable.

Elle s'arrêta pour allumer une cigarette.

- Moi, je m'en fiche... j'ai pas envie de courir !

- On a une demie-heure, tout au plus... après les flics vont arriver et ça va être la merde !

- Mais qu'est-ce que tu veux qu'on foute là-bas ?

- C'est un happening ! Il va y avoir plein de monde... des artistes, des originaux, des militants... enfin... il va se passer des tas de trucs ! T'as jamais vu, alors, si tu veux prendre des photos... c'est le moment.

Ils arrivèrent sur un terrain vague du quartier d'East Williamsburg, sur les rives de l'estuaire de Newtown Creek. L'endroit choisi ressemblait à un chantier désaffecté, avec des carcasses de voitures, des bidons rouillés et d'immenses containers cabossés ou renversés. Sur le sol couvert de boue, les traces des roues de camions, dessinaient des sillons parallèles et reliaient d'immenses flaques d'eau marron.

Une foule de personnes commençait à se mettre en place. L'endroit était idéal pour ce type de manifestation. A la fois éloigné de la frénésie urbaine et assez proche de la ville. Evidemment trop proche, au goût de la petite centaine de personne qui s'apprêtait à manifester pacifiquement, dans ce site notoirement pollué.

- Mais c'est quoi, ce truc ? s'exclama Alex.

- Il va se passer quelque chose... Je ne sais pas trop quoi, mais il va se passer quelque chose !

Toute cette agitation, commençait à attiser la curiosité d'Alex. Elle dégaina son NIKON, prête à ne rien laisser passer.

En l'espace de quelques minutes, tout le monde se mit nu et différents groupes se formèrent. Il y avait des jeunes et des vieux, des hommes et des femmes, tous indifféremment mélangés. Certains étaient gros, d'autres maigres. Tous évoluaient sans aucune gène apparente, exhibant leurs petits pénis ou leurs fesses molles, leurs sexes rasés ou bien touffus. On pouvait voir des gros ventres et des hanches saillantes, mais aussi des petits seins en forme de poire et des verges démesurées.

Ensuite, un homme arriva. C'était un homme d'un certain âge, chauve avec de long cheveux blancs qui recouvraient ses épaules et une énorme moustache blanche. On aurait dit une espèce de gourou. Il ouvrit un grand sac et distribua des masques à gaz. La scène insolite, devint d'autant plus étrange aux yeux d'Alex, lorsque cette petite foule silencieuse, commença à se badigeonner de boue.

Instinctivement, elle prit une rafale de clichés.

- Mais... Qu'est-ce qu'ils font ? demanda-t-elle à la cantonade.

- On est sur un site pollué, dit l'homme au sac. L'estuaire est complètement saturé d'hydrocarbures et toutes les eaux de la ville s'y jettent... et vous savez quoi... tout le monde s'en fout !

- Et alors ? Qu'est-ce que vous allez faire ?

- Vous êtes journaliste, non ? Alors, faites votre boulot !

L'homme se retourna et cria : "En place !". Et tout le monde prit sa place, formant divers tableaux, plus ou moins animés. Autour, la foule des badauds commençait à s'amasser, applaudissait, criait et prenait films et photos.

Les mois qui suivirent et quelques jours de plusOù les histoires vivent. Découvrez maintenant