Un dernier regard à la toile et Scott entama une sorte de danse indienne autour du chevalet. Sinatra chantait toujours les mêmes trucs et il ne restait plus grand chose dans la bouteille de whisky. Il alluma une autre cigarette, jaugeât une dernière fois l'œuvre qui semblait le toiser. Quoi qu'il en soit, cette rivalité entre eux ne resterait pas impunie.
La noirceur profonde de la peinture jurait avec les taches rouges qui dégoulinaient jusqu'au sol. Il s'éloigna un peu pour mieux la défier. Je vais te crever salope ! cria-t-il dans une rage guerrière en levant la bouteille vers le ciel.
Puis il s'approcha comme pour l'intimider. Lentement, sans la quitter des yeux, il colla son visage contre la peinture encore fraîche et il chuchota encore. Je vais te crever salope. Je vais te crever. On pouvait voir une larme couler contre sa joue. Puis il éclata de rire et répéta encore, je vais te crever, parce que tu me dégoutes !
Scott tira à nouveau sur sa cigarette et bu une nouvelle gorgée de Whisky qui dégoulina jusqu'à son nombril. En voulant donner un coup de pied dans ce "putain de chevalet", il glissa dans l'alcool qui s'était répandu sur le sol et s'effondra avec la toile. Il cogna la tête sur le parquet resta immobile un instant, un peu sonné. Sinatra s'arrêta de chanter comme pour souligner un peu plus sa solitude.
Dans une sorte d'état second, Il rejoint son établi à quatre pattes et se saisit d'un cutter. Son bras s'abattit cent fois sur l'oeuvre ensanglantée, avec une violence irraisonnée. Réduite en lambeaux, déchiquetée, transpercée de part en part, atteinte de blessures létales, Scott avait toujours l'insupportable sensation que l'oeuvre qu'il avait fait naître, que ce monstre qu'il avait engendré, le défiait encore.
Il réussit finalement à se relever, puis transporta les morceaux de toile jusqu'au bidon de métal qui se trouvait au bout de la terrasse. Un à un, il les laissa tomber dans le container. Avec délectation, il les regarda disparaître dans cet infini trou noir. En signe de victoire, il bu une dernière rasade de whisky et vida le reste de la bouteille sur les morceaux de toile, puis il jeta la bouteille vide dans le bidon.
Ensuite il prit tout son temps pour allumer une nouvelle cigarette, recracha la fumée vers la noirceur du ciel étoilé et la jeta dans l'immense gouffre de métal. S'en suivie un immense feu qui l'éblouit et lui brûla le visage.
Enfin, Scott esquissa un sourire cynique qui ne le soulageât pas vraiment.
Il n'y avait que la vitesse, la nuit et les vibrations du moteur de sa Harley, qui seraient peut-être susceptibles d'apaiser cette violence qui bouillonnait en lui.
Déjà bien au-delà des limitations de vitesse, sur la Route 495 qui traverse le Queens, Scott descendit un rapport et tourna a fond la poignée des gaz pour mieux slalomer entre les voitures. L'air lui fouettait le visage et lui rendait la respiration difficile. Après quelques zigzags biens assurés, il remonta les rapports jusqu'au dernier pour tester toutes les limites de sa machine. La route défilait sous lui sans résister et les autos, les camions qu'il doublait, avaient maintenant l'air d'être complètement arrêtés. La vitesse le grisait, l'envahissait et lui donnait une sensation de puissance, dont il avait tellement besoin en ce moment.
L'adrénaline transformât progressivement la haine qui l'avait submergé, en énergie positive. Au fil des kilomètres, le plaisir prit le dessus pour finalement réussir à l'apaiser totalement. Lorsqu'il sentit qu'il se réconciliait avec lui-même, il décèlera et fit demi-tour vers Brooklyn.
Le Trash Bar, fut sa destination finale. Jason y jouait avec son nouveau groupe et c'était certainement une bonne occasion pour se changer les idées. Il rangea sa moto à côté de dizaines de Harley déjà garées sur le trottoir.
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Les mois qui suivirent et quelques jours de plus
RomansaNew York. Alex, une jeune photographe tombe amoureuse de Scott, un artiste gay. Elle est Italienne, lui, Français. Les mois qui vont suivre les entraineront dans une relation amoureuse qui les dépassera, jusqu'à ce qu'un terrible malentendu, les pou...