37-Point d'ancrage

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Lundi 2 Octobre 2017


08h12


Allison : Comment vas-tu Chelsea ?


Demanda-t-elle d’une voix calme en rivant un regard attentif vers moi.


«Comment vas-tu Chelsea ?»…


C’était une question tellement simple, tellement habituelle, la question banale par excellence que le commun des mortels avait l’habitude de s’échanger. Pourtant sur le moment, j’eus l’impression qu’elle me demandait de retracer mon arbre généalogique depuis le quinzième jusqu’au vingt et unième siècle. Difficile…c’était difficile de répondre. Pas parce que je ne savais pas si c’était oui ou non mais plutôt parce que je ne savais pas si je pouvais dire l’un ou l’autre. Dire que oui j’allais bien et par conséquent mentir ou dire non et me retrouver à devoir expliquer le pourquoi, ce que je ne pourrais pas faire sans risquer de me faire démolir par les souvenirs de ce qui m’était arrivé la veille. Je ne voulais pas me faire démolir.
Je secouai inconsciemment la tête comme pour appuyer cette pensée en oubliant qu’Allison m’observait toujours et qu’elle pourrait interpréter ce geste comme ma réponse. Ce qu’elle sembla faire.


Allison : Est-ce que c’est un non ?


Oui…


Moi : Je…ne préfère pas répondre. Est-ce que c’est possible ?


Allison : Bien sûr. Tu es libre de décider ce que tu veux dire ou pas. Nous en sommes à notre deuxième séance mais le principe demeure le même qu’à la première. Je voudrais que tu en sois consciente.


Moi : D’accord…


Allison : Cela va faire une semaine que nous ne nous sommes pas vues. Aimerais-tu me raconter ce qui s’est passé entre-temps ?


De ce lundi-là à aujourd’hui, il s’était passé beaucoup de choses. Tellement de choses. De mauvaises d’abord…puis de bonnes et ensuite…de mauvaises. Ça a commencé mal…et ça s’est fini mal. Ça aussi c’était difficile comme question. Pas parce que je ne pouvais pas répondre par oui ou par non, mais parce que je ne saurais pas répondre sans m’égratigner le cœur en repensant aux mauvaises choses...parce que c’est ce qui allait se passer si je commençais à expliquer. L’issue la plus sûre et la moins douloureuse était donc bien évidemment…de ne pas répondre. Pour la deuxième fois…


Moi : Je ne préférerais pas…


Soufflai-je en triturant maladroitement mes doigts. Allison hocha la tête silencieusement l’air d’accepter sans aucun mal mon deuxième refus. Est-ce que c’était par professionnalisme ou parce qu’elle comprenait vraiment mon refus ? Je préférais croire que c’était par professionnalisme. C’était plus crédible. Parce que si elle devait réagir personnellement, elle serait certainement frustrée. En tout cas moi je le serais à sa place d’avoir en face de moi une patiente qui refusait de répondre aux questions mais espérait quand même guérir de sa phobie. Allison l’avait dit la séance précédente, il n’y avait pas de remède miracle. Le plus gros du travail devait surtout venir de moi…mais comment y parvenir en refusant de répondre aux questions ?


Allison : Bien…


Moi : Vous ne vous sentez pas frustrée ?


Ne pus-je m’empêcher de demander en repliant mes jambes sous mon menton à l’intérieur du cocon. En rentrant il y a quelques minutes dans le bureau de la thérapeute, j’avais été surprise par deux choses. L’une était désagréable et je préférais autant l’éviter avec mes yeux qu’avec mes lèvres et mes mots. L’autre en revanche m’avait émue. J’avais trouvé l’exacte réplique de mon canapé en forme de «cocon» dont j’avais parlé à Allison, à la place du canapé classique qui y était la dernière fois. Je ne m’étais pas faite prier pour m’y asseoir et ça avait eu le mérite de me faire me sentir un tant soit peu mieux. Du moins…jusqu’à ce qu’elle me demande comment j’allais.


Allison : Frustrée ? A priori, non. De quoi pourrais-je me sentir frustrée d’après toi ?


M’interrogea-t-elle, l’air véritablement intriguée. Je répondis en enserrant mes jambes de mes bras…


Moi : Que je ne veuille pas répondre à vos questions pour la seconde fois. Je veux dire…c’est vrai que vous n’arrêtez pas de me dire que j’ai le choix et que c’est normal que je ne veuille pas répondre…mais d’un autre côté, vous avez également dit que le plus gros de la thérapie devait venir de moi. Le fait alors que je ne dise rien risque malheureusement de nous ralentir. D’ailleurs vous n’avez même pas encore pu noter quelque chose à l’intérieur de votre carnet pourtant c’est pour ça que vous l’avez apporté cette fois-ci. Non ?

2RHS ZONE Tome 1: Quand le lycée devient une arène.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant