La rose de sang

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« You can't play on my feelings, I don't have any. »
Dexter Morgan

Il m'emmena dans les jardins privés des Malkam, personne n'avait le droit d'y entrer, d'habitude. Je m'émerveillai devant ces fleurs de toutes les couleurs, il y en avait tellement !

​-Mes préférées sont celles-ci, me dit-il en me montrant de belles et élégantes fleurs violettes, elles sont de la même couleur que tes yeux.
​Je ne relevai pas mais me forçai à dire quelque chose, mon avenir était en jeu. Ayaan pouvait très bien me réduire à néant s'il le voulait.

​-Je n'en ai jamais vu avant, comment s'appellent-elles ?

​Il s'agenouilla pour en cueillir une et me la glissa dans les cheveux, elle avait un parfum exquis, sauvage et irrésistiblement sucré.

​-Elle ne fanera jamais, m'apprit-il, c'est moi qui ai créé cette race, en ton honneur. Je voulais une fleur qui te ressemble. J'ai mis des années à trouver la parfaite nuance de violet, celle qui se rapprochait le plus de la couleur de tes yeux.

​Ma gorge se serra et les battements de mon cœur s'affolèrent tandis qu'il se rapprochait de moi.

​-Elles sont belles, gracieuses, fortes, immuables mais si fragiles, souffla-t-il en fermant son poing sur une autre fleur, la réduisant en miettes.

​Il releva les yeux vers moi. Ses yeux étaient si clairs, presque translucides et son tatouage semblait luire au soleil. Il était impressionnant, je me sentais si petite à côté de lui. Il transpirait le pouvoir et le charisme.

​-Comme toi, compléta-t-il après un court silence.

​Il était trop près, bien trop près. Je reculai mais me retrouvai bientôt acculée contre le mur. Prise au piège, incapable de faire le moindre geste, j'étais paralysée par son regard intense.
​Il colla son corps contre le mien et emprisonna mes bras dans les siens, m'empêchant de m'enfuir. Il caressa mon poignet du pouce tandis que je sentais son cœur battre contre moi. Son visage était à quelques centimètres du mien. Il avait tout prévu, m'entrainant à l'écart, dans les jardins de sa famille.

​-Tu es magnifiques Era, chuchota-t-il, la voix chargée de désir. Pourquoi ne me parles-tu jamais ?

​-Laisse-moi partir, je t'en prie, gémis-je.

J'avais peur de lui, j'étais terrifiée par ce qu'il pouvait me faire. Je n'avais pas assez de force pour le repousser, j'étais à sa merci.

​-N'aie pas peur, Era. Je ne te ferais jamais de mal, jamais, je t'en fais la promesse.

​Il me caressa les cheveux, la joue, le cou. Ses mains tremblaient.

​-Je pourrais tout t'offrir, avec moi tu ne serais pas obligé de perdre ton nom de famille. Tu prendrais le mien, tu deviendrais une Malkam. Tu ne serais pas obligé de subir l'humiliation de ta déchéance sociale.

​-Ayaan, le suppliai-je.

​Il prit mon menton dans ses mains et me dévora des yeux.

​-Je te protégerai d'eux, de tous, du monde entier. Je... je te chérirais comme aucun homme n'a jamais aimé une femme, je serais gentil avec toi. Je te donnerais tout (il rit), je n'ai jamais voulu faire ça pour qui que ce soit. Il n'y aura que toi, Era.

​Il me contempla encore quelques minutes, puis, comme s'il n'en pouvait plus, il passa une main derrière ma nuque et m'attira à lui, scella ses lèvres aux miennes et m'embrassa avec tant de passion, de désir, le tout teinté de désespoir que j'en chancelai, mais il me tenait fermement contre lui. Je tentai de m'écarter, mais il était trop fort. Ses mains parcouraient mon corps, il semblait vouloir graver dans sa mémoire chaque courbe de mon corps. Ses lèvres qui m'embrassaient maintenant avec sauvagerie étaient si douces.
Ayaan répétait mon nom inlassablement, mais ne voyait-il pas que je ne répondais pas à ses baisers ? Il embrassa mon cou, mes épaules, comme si sa vie en dépendait.
​Les larmes me montèrent aux yeux, jusqu'où irait-il ? A cette seule pensée, une force venant du plus profond de mon être me submergea, je réussis à le repousser et profitant de sa surprise, le giflai avec une violence dont je ne m'étais pas cru capable.

​-Tu me dégoutes, Ayaan Malkam, vociférai-je, ne pose plus jamais les mains sur moi !

​Remis de sa stupéfaction, les traits d'Ayaan se durcirent, il me saisit par le bras, m'arrachant un cri de douleur et approcha son visage à quelques centimètres du mien, il était furieux, et blessé....

​-Era Eléazar, tu viens de signer ton arrêt de mort, me susurra-t-il. Tu aurais dû accepter mon offre. Tu me payeras cette humiliation, j'en fais le serment.

​Il me lâcha si violemment que j'en tombai par terre. Les larmes inondaient mes joues.
​Qu'avais-je donc fait ?

****

Diner avec ma famille chaque soir avait toujours été une épreuve. Je devais faire attention à me tenir correctement alors que je venais de passer une journée harassante, tandis que ma mère et mon frère exigeaient que je leur raconte ma journée en détail. Je leur parlais de mes cours de ce matin, de mon cours de danse, d'auto défense, et de ma balade avec Iris. Nous étions allées prendre un café sur une terrasse, la plus chère de toute la Tour, mais je passai sous silence l'altercation avec Ayaan, mieux valait ne pas en parler, je risquais de finir ma vie enfermée dans ma chambre, ou pire, devoir aller m'excuser. Plutôt mourir.
​La salle à manger était démesurément grande, dans les tons or et bleus, comme le reste de l'appartement, chaque famille aimait à dire qu'elles possédaient des couleurs propres qui la définissaient. Les Eléazar c'était le doré et le bleu clair, Les Dolora, le vert et le bleu foncé, Les Razane c'était le brun doré, et les Malkam le rouge et le noir. Je trouvais ça ridicule...

​-As-tu parlé à Ayaan Malkam, aujourd'hui ? me demanda innocemment Galaad.

​Je faillis m'étouffer avec mon bout de viande mais réussis à faire comme si de rien n'était. Je souris bêtement.

​Mes parents relevèrent la tête, soudain intéressés, et attendirent ma réponse.

​-Non pas aujourd'hui, pourquoi ? ​

​Galaad sourit d'un air faussement détaché, mais je voyais la méchanceté étinceler dans ses yeux dorés. Je haïssais mon frère de tout mon être.

​-Oh pour rien, mais j'ai cru entendre le contraire, voilà tout. En fait, je sais même qu'il t'a conduit au jardin des Malkam ... je me trompe ?

​Je réussis à cacher ma stupéfaction et à garder une expression neutre. Intérieurement, je suffoquais. Pourtant, j'aurais dû m'en douter, mon frère me faisait suivre depuis que nous étions tout jeune.

​-Oui, je suis navrée, avec tout ça j'ai complètement oublié ce détail. Mais comment es-tu au courant ? ne puis-je m'empêcher de demander.

​Mon frère me fit un sourire diabolique.

​-J'ai mes sources, petite sœur, tu devrais maintenant savoir que tout ce qui te concerne, je le sais toujours, tôt ou tard.

​J'eus des frissons devant le regard brulant de Galaad. Il était complètement fou.

​-J'aimerais ajouter que parler avec Ayaan Malkam est tout sauf un « petit détail », pour te citer, ma fille, ajouta sèchement ma mère.

​-Je me suis mal exprimée, pardonnez-moi, mère.

​Elle hocha lentement la tête, sans toutefois me regarder.

​Le diner se poursuivit dans une ambiance vraiment bizarre, et Galaad ne me quitta presque pas des yeux, une lueur au fond des yeux.

​Je me couchais tôt, décidé à oublier les évènements d'aujourd'hui.

La Tour d'Ivoire - Tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant