La colère d'un prince

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« We're killing strangers so we don't kill the ones that we love. »

Auteur inconnu

Ayaan

​Le jeune homme blond jura. Comment avait-il pu être aussi idiot ? Il maudissait ses sentiments et sa faiblesse qui l'avaient fait paraitre si ridicule devant Iris. Il s'était effondré devant elle. Effondré ! Il était un prince, futur souverain de la Tour d'Ivoire et il s'était écroulé au pied d'une fille !
​Il ne regardait même pas où il allait, ses pieds le conduisaient exactement là où sa tête voulait aller. Les couloirs défilèrent, mais il ne voyait rien, sa vision était devenue trouble depuis ...

Il serra les poings et se mordit l'intérieur de la bouche. Il ne devait plus y penser, il ne devait plus penser à... elle. Mais c'était peine perdue, pas une seule seconde ne s'était écoulée sans qu'il ne la voie, sans que la moindre de ses pensées soient tournées vers elle. Il refoula tant bien que mal les larmes de rage qui menaçaient de couler sur ses joues. Ses joues qu'elle avait embrassées, caressées.

Il ferma les yeux, mais c'était encore pire. Il voyait alors son visage, ses cheveux aux éclats de soleil où il avait tant de fois rêvée de passer la main, il sentait encore sous ses doigts leur délicat touché, leur texture soyeuse et leur parfum envoutant. Il n'eut aucun mal à se représenter son visage parfait, sa peau d'albâtre, son sourire désarmant et ses yeux... Les plus beaux qu'il n'avait jamais vus, qu'importe qu'ils aient été modifiés ou non, puisque tout ici était artificiel. Il se languissait de leur couleur violette, qu'aucun portrait et qu'aucune photo n'arrivait à parfaitement capturer ces fabuleuses nuances.

​ Era Eléazar, avec sa beauté éthérée, son humour affuté, son intelligence désarmante, son courage terrifiant était tout ce que le jeune homme avait toujours désiré, il n'avait jamais autant aimé quelqu'un de toute sa vie, pas même sa propre mère. Era était tout, sa vie, son souffle, son soleil, son âme, son univers entier et elle l'avait trahi.

La rage fit place à une tristesse dégoulinante de désespoir. Ayaan Malkam, malgré tout ce que l'on racontait sur lui, son intelligence, sa ruse, sa capacité à lire dans les gens, n'avait pas réussi à voir les signaux, qui, maintenant, lui semblaient aussi évidents que le nez en plein milieu du visage. Soudain, il revit la nuit où sa vie avait basculé, cette nuit aussi merveilleuse que tragique, il la revit, si belle, si rayonnante dans sa robe, il la revit nue dans ses bras, il la revit lui sourire, gémir, pleurer, l'agripper, l'aimer. Il chancela. S'agrippant au mur pour s'empêcher de tomber, tomber, encore et encore, chaque heure, chaque seconde un peu plus depuis qu'elle était partie.

Il devait chasser ces images de son esprit, la chasser, la mettre temporairement dans un coin de son esprit, pour tout ressortir le jour où il la retrouverait, où il pourra à nouveau sentir son parfum, la délicatesse de son corps contre le sien, son regard profond, son âme libre. Il la retrouverait, il devait la retrouver.

Tu me reviendras, Era Eléazar, tu me reviendras, murmura-t-il pour lui-même.

Il était enfin arrivé. Il prit une profonde inspiration et ouvrit avec détermination les lourds battants noirs.
​Son père et sa mère l'attendaient, tranquillement assis sur leur trône de pierre noire, léché de rubis étincelant.
​Il posa rapidement le regard sur sa mère, elle semblait avoir vieillit de 10 ans depuis l'accession au trône de son mari. Ses longs cheveux châtains étaient noués autour de sa tête en une tresse incrustée d'ivoire, une fine couronne rouge venait compléter le tout. La reine d'Ivoire regardait son fils avancer avec sa grâce naturelle, l'air impassible, mais la lueur de douleur et de pitié au fond de ses yeux n'échappa pas à son fils, habitué à parler avec les yeux avec sa mère.

Lentement, il tourna ses yeux vers l'homme qui lui avait transmis leur couleur spectaculaire, ce gris si clair, qui, au soleil, paraissait presque transparent. Ses cheveux noirs avaient été soigneusement coiffés vers l'arrière, laissant voir les traits durs de son visage resplendissant d'une jeunesse aussi artificielle que tout ce qui les entourait. Aucune sympathie n'éclairait ses iris, pas de pitié, seulement une profonde déception et une colère noire. Rien qui ne surprenne son fils, qui regarda dans les recoins de la pièce, s'attendant à apercevoir le regard calculateur et les cheveux blonds du géniteur froid et sombre de sa femme. Mais il n'y avait personne. Azel Eléazar n'était pas là, ce qui étonna le jeune homme, il ne le voyait jamais séparé de son père. Il ne s'étonnerait pas de le voir un jour emménager au Palais.
​Ayaan comprit que c'était mauvais signe, le roi voulait lui parler à lui seul, sans que personne n'entende leur conversation, surtout pas le père de celle qui venait d'humilier leur famille par sa stupide évasion. Contre toute attente, la famille Eléazar n'avait subi aucune répercussion, elle avait gardé son statut privilégié, et Azel continuait de suivre Melech partout où il allait, en effet, le roi avait trop besoin du cerveau le plus brillant de la Tour.

Aucun membre des Eléazar n'avait pleuré Era, ni sa mère, ni son père. Magdalena Eléazar, cette femme détestable, n'avait cessé de maudire sa fille, sa bêtise et son égoïsme. Ayaan n'aurait jamais cru qu'une mère puisse autant haïr sa fille. Même avant le départ d'Era, elle ne l'aimait guère, ne voyant en elle qu'un moyen de s'élever et de briller en société, mais à présent, si elle avait pu tuer sa fille elle-même, elle l'aurait fait. Son père, lui, ne montrait rien de ses émotions, comme à son habitude, pourtant, Ayaan aurait juré avoir vu sa joue tressauter et ses prunelles noisette s'assombrirent de culpabilité lorsqu'il avait appris la fuite de sa fille, mais il ne pouvait en être certain, cet homme était un bloc de glace. Non, celui qui semblait le plus souffrir dans sa famille était son frère. Galaad était méconnaissable depuis la fuite de sa sœur. S'il avait été cruel et taré avant, là, il ne restait plus rien de sain chez lui. Galaad était son ami, mais ils s'en voulaient mutuellement, rejetant la faute sur l'autre, la douleur de la perte d'Era noircissait leur âme, et brulaient ce qui leur restait de bonté.

La Tour d'Ivoire - Tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant