Trahison

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« Desired, but never loved. »
Frances Ivy

Adina jouait tranquillement avec mes anciennes poupées tandis qu'Iris et moi bavardions sur un fauteuil. En fait, nous n'avions pas dit grand-chose, pour la première fois depuis des années, nl moi ni l'elle ne savions quoi dire.

    Mais lorsque Iris se pencha pour prendre la tasse de thé que je lui tendais, je vis un petit éclat rouge sur sa veste bleu marine.

    -Qu'est-ce que tu as là ? demandai-je en me penchant pour mieux voir.

    Les joues d'Iris s'empourprèrent, elle sembla soudain gênée.

    -Oh rien, rien du tout....

    Je voulus la regarder dans les yeux, mais elle fuit mon regard. Je lui saisis alors le bras et restai muette d'horreur.

    Ce n'était, à premier abord, qu'un simple cercle rouge qui aurait pu passer pour un détail de mode, mais si on s'y attardait, on y voyait une épée et une plume entrecroisée. L'insigne des Malkam, de la nouvelle dictature en place.

    Je contemplais avec effarement ma meilleure amie. Comment pouvait-elle ....

    -Era, ce n'est pas ce que tu crois... souffla-t-elle, tous les membres des quatre Familles ont obligation de le porter. Tout le temps.

    -Tu as pourtant vu ce qu'ils ont fait à ces gens, répondis-je froidement.

    -Oui... mais... je n'ai pas le choix, gémit-elle en se prenant la tête dans les mains.

    -Ils ont assassiné des innocents, Iris. Ils veulent revenir sur nos lois les plus ancestrales, sur les Perles du Temps...

    -Je sais, souffla-t-elle.

    -Je vais être obligé d'épouser ce meurtrier, ce monstre et toi tu débarques ici, dans ma chambre, avec leur emblème collé sur ta poitrine !

    -Ce n'est pas aussi simple que ça Era, et tu le sais très bien ! Je condamne ce qu'ils ont fait, évidemment, mais Melech ne nous laisse pas le choix.

    -On a toujours le choix, cinglai-je.

    Iris, se leva, les joues rouges, de colère cette fois, et non plus de gêne.

    -Et toi tu fais quelque chose peut-être ? À part pleurnicher dans ta chambre, tu ne fais rien, tu as toujours tout accepté sans rien dire, alors ne vient pas me faire la morale. Et puis, arrête donc de te plaindre, tu vas épouser Ayaan Malkam, pas le premier paumé qui passe. Tu seras reine un jour, la plus puissante de la Tour d'Ivoire, alors pense à tous ceux qui n'ont pas cette chance, où ceux qui vont se voir expulsés de la Tour. Toi, tu as tout, mais tu te plains quand même !

    Elle me lança un dernier regard blessé et lourd de reproches, se leva et alla chercher Adina qui se plaignit de n'avoir pas fini de jouer.

    -Viens Adina, on s'en va, je crois que nous ne sommes pas assez fréquentables pour la grande et parfaite Era Eléazar.

     Elle se dirigea comme une furie vers la porte.

    -En attendant, fais attention à toi. Ils attendent ta chute, dit-elle plus doucement, sans pour autant prendre la peine de se retourner.

    La porte se referma avec fracas et je restai là. Seule. Sans personne pour me soutenir. Sans celle qui avait toujours été mon roc, ma force. Comment avais-je pu être aussi stupide, comment avais-je pu me disputer avec la seule personne qui me voulait du bien ?



***

Une heure plus tard, assise au pied de mon lit, je me maudissais encore d'avoir été si dure avec Iris, tandis qu'une autre partie de moi ne regrettait absolument rien, sa trahison - car c'en était une à mes yeux - m'avait laissé un gout amer.

    Mon répit ne fut que de courte durée, déjà quelqu'un frappait à ma porte avec force. Je ne répondis pas. Je n'en avais tout simplement pas envie. Je ne voulais voir personne.

La minute d'après, la porte s'ouvrit en grand et mon frère entra, l'air agacé. Je levai à peine les yeux vers lui et le regrettai aussitôt. Comme il l'avait dit, il était visiblement entré dans la garde d'élite des Malkam.

Des vêtements sombres de combat, de lourdes bottes de cuir, et l'emblème de la famille Malkam sur son dos et sa poitrine. Cette maudite épée et cette satanée plume rouge. Une arme de grande taille pendait à sa ceinture.

Je détournai les yeux, dégoutée par la vue de mon frère habillé en assassin. Je le savais, pourtant, que Galaad s'empresserait d'entrer dans une armée de tueurs sanguinaires, sans foi ni loi, c'était tout à fait son genre. Ce personnage lui allait si bien.

-Le prince Ayaan requiert ta présence, très chère sœur, dit-il d'une voix rauque, en insistant bien sur ces derniers mots.

Je ne fis pas mine de bouger. J'entendis mon frère soupirer, surement se passait-il une main dans ses boucles blondes, comme il avait l'habitude de le faire quand je le contrariais, ce qui était souvent le cas, d'ailleurs.

Je pouvais presque sentir ses yeux dorés fixés sur moi, j'avais l'impression qu'ils me trouaient la peau et me brulaient.

-Ne rends pas les choses plus compliquées qu'elles ne le sont déjà, Era. (Je détournai la tête et fixai le mur) Bon, très bien, je vais chercher mère.

-C'est bon, lâchai-je d'un ton sec, pas la peine que tu te donnes cette peine.

Je me levai, et lui emboitai le pas, en direction du couloir. Mon frère se racla brillamment la gorge et m'attrapa le bras.

-Tu ne peux pas sortir comme ça, me chuchota-t-il.

Je sentis son souffle sur mon visage, j'avais envie de vomir. Je me dégageai violemment de son étreinte et mis le plus de distance entre lui et moi, tandis que lui faisait mine de ne pas voir mon air dégouté.

Je pris, sans même regarder, un pantalon et un haut beiges et les posai sur le lit. Mon frère referma la porte et se mit devant, il me regarda, j'en fis autant. Il attendait que je lui dise de se retourner. Qu'il aille se faire foutre !

Je lui fis mon sourire le plus provocant et fis passer ma robe par-dessus ma tête et la laissai tomber à mes pieds, mes gestes étaient lents, sensuels. Il ne me restait plus que mes sous-vêtements, à présent.

Mon frère ne m'avait pas quitté des yeux, il avait subitement pâli. Il me détailla entièrement, son regard sillonna mon corps avec nonchalance et avec un intérêt redoublé il fouilla mon regard. Je lui souris avec ironie. Je détestais voir cette lueur briller dans ses yeux, mais l'envie de le provoquer était irrésistible. Je le haïssais cent fois plus en cet instant.

J'enfilai pull et pantalon et me dirigeai lentement vers mon frère, et m'arrêtai à quelques centimètres de lui, sa respiration s'accéléra, tandis que ses pupilles se dilatèrent, ses iris se réduisant à un fin cercle doré.

-Allons-y, mon frère, minaudai-je avec effronterie.

Ses yeux se remplirent de colère, puis il s'effaça pour me laisser passer, un sourire de triomphe naquit sur mes lèvres. J'avais gagné cette bataille.

La Tour d'Ivoire - Tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant