La Tour d'Ivoire - Tome 1

Fuite

« The sky turns dark, and everything goes wrong. Run to me, and I'll leave the light on and I promise you now, you won't ever be lonely. »

Anna et moi courions depuis ce qui me semblait être des heures. Dans les dédales sombres de la Tour, je perdis rapidement la notion du temps. Elle me fit emprunter un nombre incalculable de souterrains, passages secrets, dont je n'avais jamais entendu parler. Anna m'apprit qu'Arianna se déplaçait uniquement ainsi, elle arpentait à longueur de journée les recoins les plus sombres de ce monstre d'acier. Je l'admirais, je ne pensais pas que je supporterais de vivre ainsi, dans la crainte continuelle d'être trouvée, et tuée, par son propre frère, qui plus est.

Anna se déplaçait avec rapidité, mais sans toutefois faire le moindre bruit. Mes années de danse me furent d'une grande utilité, j'avançais avec grâce et vivacité, sans déranger le silence d'Anna.

Elle s'arrêta soudain, se retourna vers moi, un doigt sur sa bouche, me demandant le silence.

Elle s'accroupit et j'en fis de même. J'essayai de regarder par-dessus son épaule, mais je ne vis rien, rien mis à part deux phares aveuglants et des voix, une multitude de murmures.

Des cris retentirent soudain. Je me figeai, morte de peur, mais Anna posa une main apaisante sur mon bras, et colla ses lèvres sur mes oreilles.

-Nous y sommes. Le secteur sud. On ne peut pas aller plus loin, aucun d'entre nous n'est jamais allé là-bas. Tous les traitres et leur famille sont rassemblés ici avant d'être transportés avec ce gros van jusqu'à l'extérieur. Lorsque je t'en donnerai l'ordre, tu sortiras de l'ombre, et tu te fondras dans la masse. Fais bien attention à ne pas te faire repérer par les soldats, ils sont lourdement armés et surentrainés, ils font partie des hommes d'Ayaan et de Melech, dont ton frère fait partie.

-Et si Galaad était ici ? chuchotai-je. Il me reconnaitra.

Anna secoua la tête.

-Il n'est pas ici, je m'en suis assurée avant de venir. Il est encore à la réception avec tes parents et Melech.

-Est-ce que tu sais si Iris est déjà venue ici ?

-Pas que je sache.

Très bien. Il fallait que je sache, que je sache si Iris, bien qu'elle semblait avoir accepté tout ça, n'avait pas commencé à y prendre part, elle aussi.

J'attendis quelques minutes, les plus longues de toute ma vie. J'entendais mon cœur battre à tout rompre dans ma poitrine et mon sang bouillonner dans mes veines. Je transpirais à grosses gouttes et la nausée commençait à m'envahir. Je ne pouvais plus revenir en arrière, dans quelques instants, tout ceci serait fini. Je serai une autre. Anna m'avait parlé de la vie de Lévana en chemin, j'avais fait un effort considérable pour mémoriser tous les noms et évènements de sa vie.

Son père était un grand rebelle, membres des Souffleurs de Rêves depuis des années. Lévana Sildek, quant à elle, était une jeune Souffleuse de Rêves qui avait été élevée depuis des années pour, un jour, s'échapper de la Tour d'Ivoire et fournir des informations sur son fonctionnement à ceux d'En Bas. Ces derniers avaient accepté de recueillir cette fille, cet atout non négligeable, il y a de cela des années de cela. Lévana s'était entrainé sa vie durant pour ce moment, et moi j'allais prendre sa place. Arianna avait simplement avancé le jour de la fuite de cette fille et en avait fait part à ceux d'En Bas, seulement, ils ne sauront jamais que Lévana ne quittera, en réalité, jamais la Tour.

Arianna avait donné à ma vie une valeur immense, ceux d'En Bas n'allaient pas me sauver parce que j'étais la fille de leur ami et rebelle connu, non, ils allaient me sauver parce que j'allais leur donner des informations des plus confidentielles sur la Tour, Arianna avait donné à Lévana le statut d'espionne au sein de la Tour. Lévana avait réussi à rassembler un nombre incalculable d'informations vitales au cours de sa vie. Et d'une certaine façon, c'était vrai, je savais presque tout sur la Tour. Voilà pourquoi ceux d'En Bas me voulaient. Ma fuite, ou plutôt, celle de Lévana, avait été prévue depuis bien longtemps... Ceux d'En Bas avaient même à leur disposition mon portrait, pour me reconnaitre le plus rapidement possible. J'avais même été obligé de porter ce fichu foulard vert pour qu'ils me reconnaissent tout de suite.