Le roi sans couronne

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« I will fight for my family until my last breath. »

Auteur inconnu

J'aurais aussi dû aller me coucher, je sentais l'épuisement dans tous mes membres, jusqu'au plus profond de mon âme, mais je ne pouvais dormir. Je savais que les fantômes que j'avais laissés à la Tour reviendraient me hanter à peine mes paupières fermées. Je décidai alors de grimper tout en haut de la colline, encore plus haut que les appartements de la reine Siora. Prenant une des nombreuses torches enflammées qui bordaient l'allée, je me mis à chercher un sentier. Ce dernier n'était pas loin, et bientôt, je me mis à grimper la pente sinueuse qui me mènerait au sommet. C'était ridicule de faire cela, surtout à une heure pareille, mais une envie irrésistible de voir ce magnifique paysage dans toute sa splendeur guidait mes pas. De surcroit, la lune brillait de tout son éclat ce soir. Je pourrais sans problème contempler le pays qui s'étendait sur des kilomètres en contrebas. Redoublant d'efforts, j'arrivais bientôt au sommet.

Le ciel était dégagé ce soir, et le sommet de la colline offrait une vue imprenable sur la plaine. C'était exactement ce que je m'étais imaginé, en mieux bien évidemment. Mon esprit étriqué par des années à vivre dans une Tour, loin de la vraie nature, avait quelque peu effacé mon sens de la réalité et la beauté de celle-ci. En revanche, cette vie, bien que terne en comparaison à celle-ci, n'avait en rien étouffé mon imagination. En effet, lorsque le bonheur manquait et que le désespoir s'insinuait dans votre être, l'imagination était le meilleur remède pour rester en vie. Ma grand-mère paternelle avait passé les dernières années de sa vie à m'en convaincre et à affuter mon esprit, et tout ce qu'il pouvait créer. Jamais je n'aurais tenu sans elle et ses conseils qui me portaient encore aujourd'hui.

Maria Eléazar était une femme d'exception et jamais personne ne pourra effacer son souvenir de ma mémoire, tout simplement parce que la marque de son passage sur Terre était encore inscrite dans ma chair, dans mon âme.

Je voulus m'approcher du bord pour mieux voir ce magnifique spectacle lorsqu'une voix me fit sursauter :

-Qu'est-ce que tu fais ici, l'Ivoirienne ?

Cette voix grave et dure. Ce ton empli de mépris et d'assurance. Je l'aurais reconnu entre mille tant son dégout pour ma personne me blessait.

Seth Sarkis me tournait le dos. Assis au bord de la falaise, les pieds dans le vide, il gardait les yeux rivés devant lui. Ce qu'il pouvait bien regarder, ça, je n'en avais aucune stricte idée.

J'avais envie de m'enfuir, de mettre le plus de distance possible entre cet homme si beau qui dégoulinait d'indifférence à mon égard. Personne ne m'avait jamais peu porté si d'intérêt. Tout le monde m'aimait, m'admirait, me convoitait, mais jamais personne n'avait été aussi méprisable avec moi, mis à part certaines filles jalouses, mais des hommes, jamais ! Seth me fascinait, je le reconnaissais, mais il m'effrayait également, je ne le comprenais pas. Il m'échappait, et cela m'énervait au plus haut point.

Era Eléazar, la belle et l'arrogante princesse d'Ivoire aurait imposé sa présence, se serait battue pour que cet homme lui témoigne le respect qu'elle méritait, mais je n'étais plus cette fille. J'avais choisi de changer de vie, d'identité. Qu'aurait fait la douce et prudente Lévana ? Anna m'avait appris qu'elle était réservée, timide, docile. Docile... ne l'avais-je pas moi aussi été à la Tour ?

Les pensées s'embrouillaient dans ma tête. Je ne savais pas qui j'étais et pire que cela, je ne savais pas qui je voulais devenir.

Enfin, me secouai-je, ce n'est quand même pas un homme qui va t'intimider, tu as vécu des choses plus difficiles à la Tour, affronter des personnes beaucoup plus effrayantes. Tu ne vas quand même pas fuir !

La Tour d'Ivoire - Tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant