La Tour d'Ivoire - Tome 1

Déchéance

« But you're my best friend... and I can't lose you. »

Auteur inconnu

PDV Iris

    Le monde était devenu fou.

    Cela faisait maintenant deux jours qu'Era s'était enfuie, ou plutôt, selon le régime de Melech, s'était volatilisée, enlevée par ceux d'En bas.

    Foutaise. Iris avait vu Era avant qu'elle ne s'évade, elle lui avait parlé, elle avait vu cette lueur brulante dans ses yeux violets. La jeune fille avait entrevu dans le regard de sa meilleure amie une flamme qu'elle n'avait alors jamais vue dans les yeux d'aucun des siens ; le désir de liberté. Et Iris en avait eu peur.

    Embrasée par la révolte, Era Eléazar, son amie, sa sœur, le cœur qui lui permettait de battre dans ce monde de faux semblants et de jalousie, l'avait abandonné. Elle s'était égarée sur le chemin de la rébellion et selon Iris, de la bêtise. Elle la revoyait, somptueuse dans sa robe de mariage, au bras du deuxième homme le plus puissant de la Tour ; Ayaan Malkam. Elle avait croisé son regard, elle avait vu l'horreur et l'appel au secours tout au fond de ses iris. Mais elle n'avait rien pu faire, elle avait simplement pu la voir s'offrir, impuissante, à un homme qu'elle haïssait depuis toujours.

    Iris avait toujours su que ce jour arriverait. Il était évident qu'Era était promise à Ayaan, depuis toujours, mais son amie n'avait jamais voulu voir, comprendre. Elle avait préféré fermer les yeux, sortir avec Sofian, alors qu'Ayaan était toujours là, à ses côtés, à la protéger, l'observer de loin, à l'attendre. Era n'avait jamais vu cela, elle ne l'avait jamais écouté. Ayaan l'aimait, il l'avait toujours aimé, tout le monde le savait, sauf elle.

    Et puis le jour était arrivé où Era avait enfin ouvert les yeux, mais c'était trop tard. Trop tard. Et elle avait préféré fuir. Fuir comme une lâche, alors que le monde ici s'écroulait, que plus que jamais on n'avait besoin d'elle ici. Les assassinats n'en finissaient plus,  ils avaient triplé depuis sa fuite.

    La colère l'envahit, elle frappa contre le mur tandis qu'un cri sourd lui échappait.

    Era aurait pu empêcher tout ça si elle était restée, elle aurait pu convaincre Ayaan, le changer, Iris en était certaine, elle aurait réussi. Era n'était pas n'importe qui, elle était capable de beaucoup. Ayaan l'aimait tellement qu'il aurait changé pour elle. Et maintenant... Maintenant c'était trop tard. Leur société tombait en ruine, et Melech, de ses mains avides, resserrait son étau autour d'eux, les libertés individuelles avaient disparu, on ne pouvait plus dire ce que l'on pensait, plus se rebeller. Évidemment, même avant le départ d'Era, la dictature de Melech les avait déjà mis à genoux, mais maintenant, en à peine deux jours, ils les avaient mis à terre. Plus bas que terre. Et les Familles, il les avait asservies, il disait que les quatre Familles fondatrices gouverneraient ensemble, c'était faux. à présent, mis à part les Eléazar, les Razen et les Dolora n'étaient que leur vulgaire laquais, la jeune fille n'était qu'un pion.

     Heureusement, Morgan avait été là pour elle lorsque son amie l'avait abandonné, déjà avant, lorsqu'Era s'était éloignée d'elle, il avait tout de suite compris ce qu'elle ressentait, et telle une ombre bienveillante, l'avait soutenue des jours durant. Sans lui, elle se serait déjà écroulée, sans lui et sans sa petite sœur, elle aurait déjà mis fin à ses jours. C'était pour les mêmes raisons qu'elle n'avait pas suivi Era, pour Adina, pour Morgan, pour ses parents, elle devait rester, se battre, combattre Melech et Azel. Elle aimait Era, elle l'aimait plus que tout, mais là, elle n'avait pas pu la suivre.

    Peut-être était-ce elle la lâche et non Era ? Elle ne savait plus, elle ne pouvait plus penser correctement. Son absence la rongeait comme un feu ardent, elle se rongeait les sangs pour elle ; où était-elle en ce moment ? Était-elle encore en vie ? Regrettait-elle ?