Le palais des promesses perdues, partie 2

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« She dreamed about escaping. That was all she dreamed about - escape. »

    -J'ai besoin d'air, réussis-je à articuler.

    Ses yeux gris se voilèrent d'inquiétude tandis qu'il ouvrit l'immense baie vitrée et m'emmena sur la terrasse. Je pris une profonde bouffée d'air et fermais les yeux. Je voulais tout oublier, être ailleurs, n'importe où. Mais Ayaan ne semblait pas vouloir m'accorder une quelconque échappatoire.

    Il dégagea mes cheveux de ma nuque et bientôt, ses lèvres se posèrent sur ma peau. Je soupirai, mais Ayaan ne sembla pas entendre, ne semblait pas comprendre que j'étais terrifiée, terrifiée par son amour pour moi.

    Ses lèvres brulantes déposèrent une multitude de baisers sur ma nuque, mon cou, mes épaules. Les yeux toujours fermés, je ne bougeais pas.

    Jouer le jeu, jouer le jeu. Sauve ta vie, Era ! Ayaan est ta meilleure arme, ton assurance survie.

    Je me laissai aller contre lui, il m'enserra la taille de ses bras puissants, vraisemblablement ravi de ma réaction.

    Puis ses lèvres trouvèrent le chemin jusqu'aux miennes, je répondis à son baiser, machinalement, sans réfléchir, attiré par sa force. Je voyais bien qu'Ayaan se retenait, pour ne pas m'effrayer. Tant mieux.

    Je mis fin à notre baiser et lui sourit timidement.

    -Allons dans les jardins.

    Nous discutâmes une heure durant, son rire résonnait dans l'air tandis que son sourire suffisait à illuminer les lieux. Son assurance et son aura étaient légendaires dans toute la Tour, et cette réputation n'avait jamais semblé aussi vraie qu'en cet instant.

    Puis nous nous allongeâmes près d'un arbre, ma tête posée contre son épaule, sa main autour de ma taille, il jouait avec mes cheveux et s'amusait des innombrables reflets que le soleil rendait encore plus extraordinaires.

    Pendant une fraction de seconde, je mis à douter. Pourquoi partir alors qu'ici j'avais tout ? Une maison qui dépassait mes plus grands rêves, une fortune immense, une vie, un nom que je pourrais garder, qui ne disparaitrait pas et quelqu'un qui m'aimait plus qu'il ne le faudrait. Tout ce qu'on attendait de moi c'était de me marier, d'avoir des enfants. Des enfants... Je pourrais avoir des enfants et les élever dans les meilleures conditions, et ils deviendraient roi ou reine, un jour. Et pourtant ... j'allais choisir de m'enfuir, vivre dans la clandestinité, perdre mon identité, vivre dans la misère, tout abandonner ?

    Plus je regardais Ayaan, plus je doutais. Il semblait tellement m'aimer. Oui, je pourrais être heureuse à ses côtés.

    Mais je n'aurais plus d'âme. Je l'aurais vendue au diable. Au Malkam. A Melech, à Ayaan. Je me souvenais de son regard froid, de ses mains tenant l'arme qui a tué ces hommes et ces femmes qui avaient commis comme unique crime de croire en l'espoir, l'espoir d'un avenir meilleur. Ses mains qui tremblaient quand il me touchait, mais semblaient si sûres lorsqu'il arrachait la vie. Pouvais-je me donner corps et âmes à un homme qui tuait sans états d'âme ? Qui liquidait ou expulsait ses opposants ? Qui voulait créer une dictature ?

    Non. Ce n'était pas moi. Je n'étais pas comme eux. Je pensai alors à ma grand-mère, que penserait-elle de moi si j'acceptais de vivre en sachant ce qui arrivait autour de moi, sans jamais rien dire ? Elle serait déçue, terriblement déçue.

    -J'ai l'impression que tout cela n'est qu'un rêve, un rêve fabuleux, mais rien de plus, souffla-t-il.

    Si seulement ce n'était que cela...

La Tour d'Ivoire - Tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant